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Lauréats - Bourses du Conseil Européen de la recherche "Consolidator Grant" 2019

Trois chercheurs du CEA lauréats d’une bourse "Consolidator Grant" 2019 par l'European Research Council


​L'European Research Council (Conseil Européen de la recherche) a annoncé, le 10 décembre 2019, les lauréats des bourses « Consolidator Grant ». Trois chercheurs du CEA se voient récompensés pour l’excellence de leurs travaux dans les domaines de l’astrophysique, de la physique des particules et de la chimie. La recherche fondamentale et la recherche appliquée menées au CEA sont à nouveau reconnues par ce programme hautement sélectif.  

Publié le 10 décembre 2019

​L’European Research Council (ERC) vient d’annoncer la liste des 301 chercheurs européens lauréats des bourses Consolidator Grant, bourses attribuées aux scientifiques ayant entre sept et douze ans d’expérience professionnelle après leur doctorat. Trois chercheurs de la direction de la recherche fondamentale du CEA sont lauréats en 2019 dans les domaines de l’astrophysique, de la physique des particules et de la chimie. 

Davide Audisio : du carbone 14 pour suivre les médicaments à la trace

Davide Audisio a rejoint l’Institut Frédéric-Joliot du CEA en 2014, et est responsable du laboratoire de marquage au carbone 14 (C14). 

VidéoDu carbone 14 pour suivre les médicaments à la trace


« Le marquage radioactif au C14 est une activité historique du CEA, qui est le seul établissement français académique à travailler dans ce domaine », souligne le chercheur. Si la datation au C14 est une activité bien connue du grand public, il n’en est pas de même pour ce qui intéresse Davide Audisio et son équipe, bien que son incidence dans la société soit capitale : « Ce marquage permet de suivre le trajet de molécules d’intérêt dans l’organisme, notamment pour les candidats médicaments lors des tests précliniques et cliniques, ou dans l’environnement, dans le cadre d'élaboration de pesticides ». Plus de 80% des médicaments sont testés à l’aide du marquage au C14. C’est un marquage « invisible », c'est-à-dire qu'il ne détériore pas la nature de la molécule. Les autres marquages, au tritium par exemple, sont moins performants.
 
Quel est le principe ? « Les atomes de carbone naturels (C12) sont remplacés par leurs isotopes (C14) qui sont radioactifs. La molécule devient alors détectable et on peut suivre par imagerie son absorption, sa distribution, son métabolisme et son excrétion », explique le chimiste. Cette technique est utilisée depuis des décennies. Pourtant, les procédés de marquage actuels comportent de nombreuses étapes et génèrent beaucoup de déchets radioactifs. Le projet de Davide Audisio et son équipe consiste à imaginer et concevoir un procédé plus rapide, moins coûteux et moins polluant. Aujourd’hui, la fabrication d’un médicament radiomarqué comporte beaucoup d’étapes, à partir d’un carbonate de baryum radioactif, particulièrement coûteux. Les étapes ultérieures construisent brique à brique le médicament jusqu’à ce qu’il devienne la réplique exacte de la molécule souhaitée. « Nous cherchons à faire en sorte que le marquage soit la dernière étape du procédé, explique-t-il. On part du médicament, on coupe les liaisons avec le C12 et on les remplace par le C14.  Les avantages sont multiples. Il y a beaucoup moins d’étapes, c’est moins cher et engendre moins de déchets radioactifs. » En effet, la liaison chimique entre le carbone et les autres atomes qui constituent le médicament est très forte. Il est donc très difficile de casser cette liaison pour remplacer le C12 par le C14 sans détruire ou transformer la molécule. Dans un travail collaboratif, une preuve de concept a déjà été obtenue en identifiant un catalyseur permettant de faire ce travail sur une famille de molécules et notamment sur un antibiotique. Cela ressemble à un copier/coller qui coupe la liaison avec C12 et reforme la même liaison avec le C14 radioactif. 

Davide Audisio - Crédit : CEA/L.Godart

Grâce à la bourse ERC Consolidator Grant, Davide Audisio souhaite aujourd'hui construire une boîte à outils remplie de catalyseurs permettant de travailler sur l’ensemble des molécules pharmaceutiques d’intérêt.


Claudia Nones : to be neutrino or not to be….

Claudia Nones, physicienne des particules, a rejoint l’Irfu en 2011. Elle est spécialiste de l’étude des désintégrations de particules et développe depuis plus de 10 ans des techniques de bolomètres cryogéniques permettant de détecter des évènements de décroissance radioactives très rares. Son expertise lui permettra peut-être de lever le voile sur une particule élémentaire bien mystérieuse : le neutrino. 



« Très léger, trop !, le neutrino défie les lois du modèle standard, explique la chercheuse. Il échappe au mécanisme de Higgs qui permet d’expliquer l’origine de la masse des particules élémentaires. Electriquement neutre, il pourrait être aussi sa propre antiparticule, contrairement à toutes les autres particules déjà connues ». 
 
Une des voies pour prouver que cette particule est la clé de la nouvelle physique est d’étudier sa façon de violer les règles du modèle standard. Pour le savoir, les scientifiques traquent le signal d’un mode de décroissance nucléaire qui se nomme la double désintégration β. Il s’agit de la transformation simultanée de 2 neutrons d'un noyau en 2 protons avec émission de 2 électrons et …. telle est la question ! La physique standard prévoit l’émission de 2 anti-neutrinos. Cependant, l’anomalie sur la masse du neutrino pourrait être expliquée par une double désintégration β sans émission de neutrino. « La difficulté expérimentale de ce type de mesure réside dans la maîtrise des bruits de fond à même capable de mimer un hypothétique signal sans neutrino », souligne Claudia Nones. 

La chercheuse pilote le projet BINGO ayant pour objectif de repousser les limites des bolomètres cryogéniques et d’obtenir des bruits de fond extrêmement faibles et une résolution énergétique très élevée. Il utilisera deux isotopes extrêmement prometteurs, le molybdène 100Mo et le tellure 130Te. 

Claudia Nones - Crédit : CUORE



Pierre Brun : matière noire : l’Axion lave plus blanc ?

Pierre Brun est physicien des particules à l’Irfu depuis 2007 et travaille à la frontière entre la physique des particules et la cosmologie. Son défi : découvrir la nature de la matière noire, qui représente pas moins de 84% de la masse de l’univers. Si les scientifiques ont détecté cette masse manquante dans l’univers, personne ne sait de quoi elle est faite. 


Plusieurs théories s’affrontent. « L’une d’entre elles postule l’existence d’une particule dénommée « axion », qui résoudrait certains problèmes liés à la violation de symétrie dans les lois de la physique, explique le chercheur. Le nom de cette particule vient de celui d’une lessive car elle permet de laver ces problèmes mais a été inspiré parce cette nouvelle particule résout des problèmes liés au courant axial dans la théorie ! Neutre et léger, l’axion serait analogue à un photon avec lequel il pourrait se coupler. Il interagirait en revanche peu avec la matière, si peu que, pour l'instant, il n'a jamais été observé ». Comment faire pour détecter cette particule dont les signaux sont aussi faibles ? Pierre Brun et son équipe préparent un procédé indirect de détection à l’aide de champs magnétiques intenses. En effet, sous l’effet d’un champ magnétique, les axions se transforment en photons conventionnels d’une fréquence particulière (entre 10 et 100 GHz). Une pièce métallique conductrice permettra de focaliser ces photons sur une antenne pour pouvoir les détecter. 

Cette expérience sera menée au CEA Paris-Saclay, là même où le dispositif IRM le plus puissant au monde est en train d’être construit. « Notre projet s’appuiera sur le développement de l’aimant Iseult à 11,7 Tesla qui servira à faire de l’imagerie médicale, précise le scientifique. Il n’existe pas à l’heure actuelle de dispositif permettant de détecter des axions dans une large gamme de masses ».  

Pierre Brun - Crédit : CEA/E.Lemaitre



A propos de l’ERC : La mission de l’European Research Council (ERC) est de soutenir la recherche exploratoire au meilleur niveau en Europe, par des appels à projet très compétitifs. Les bourses "Consolidator Grant" sont accordées à des chercheurs exceptionnels de toute nationalité et de tout âge, ayant entre sept ans et douze ans d'expérience après leur doctorat, et dont les résultats scientifiques sont très prometteurs. Le financement, de 2 millions d'euros en moyenne par subvention, est d'une durée maximale de cinq ans. En 2019, l’ERC a attribué des bourses Consolidator Grant à 301 chercheurs de 24 pays, pour 2453 dossiers déposés (taux de réussite de 12%). La France, avec 33 bourses, est le deuxième pays à avoir remporté le plus grand nombre de bourses, derrière l’Allemagne (55 bourses) et devant les Pays-Bas (28 bourses). 


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