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Microtubules : ce qui ne les tue pas les rend plus forts


​Des chercheurs du CEA, du CNRS et de l’Université Grenoble-Alpes révèlent que lorsque la structure des microtubules est endommagée, suite à des contraintes mécaniques ou à des défauts d’assemblage, les zones défectueuses « protègent » les microtubules et accroissent ainsi leur durée de vie. Ce processus biaise la dynamique habituellement aléatoire du renouvellement du réseau de microtubules. Ces processus de renforcement mécanique et de stabilisation sélective confèrent au réseau de microtubules des propriétés jusqu’alors inconnues d’adaptation aux contraintes physiques Ces résultats sont publiés en ligne dans la revue Nature Cell Biology, le 12 septembre 2016.

Publié le 16 septembre 2016

​Les microtubules sont des filaments rigides qui font partie du squelette des cellules. Ils sont en renouvellement permanent et leur temps de vie moyen ne dépasse pas quelques minutes. En effet, les microtubules poussent régulièrement, depuis le centre de la cellule vers la périphérie, mais peuvent à tout instant se désassembler complètement et de façon aléatoire. Le processus de reconstruction permanent permet au réseau de microtubules d’adapter son architecture et d’accompagner les changements morphologiques des cellules. Cependant, il n’est pas rare de voir des événements de « sauvetage » au cours desquels le désassemblage s’interrompt soudainement pour permettre au microtubule de reprendre sa croissance et de ne pas disparaître. Ce processus, qui biaise la dynamique aléatoire de renouvellement du réseau de microtubule, reste cependant mal compris. In vitro, dans des conditions biochimiques simplifiées, les sauvetages n’ont en effet pas lieu et les microtubules se désassemblent toujours entièrement.

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© Charlotte Aumeier, CNRS​

​Les chercheurs de l’équipe CytoMorpho[1] (CEA/Inra/CNRS/UGA) ont pu reproduire in vitro des altérations physiques de la structure des microtubules grâce à des impacts laser et ont ainsi pu induire des événements de sauvetage. La dynamique des microtubules (assemblage et désassemblage de tubuline[2]) peut être représentée à l’aide de kymographes construits par empilement d’images montrant la longueur de microtubules en fonction du temps. Les kymographes des images ci-contre montrent à gauche, en bleu, des microtubules in vitro sans aucune intervention externe ; à droite, en vert, des microtubules qui ont été la cible d’impacts laser (étoiles rouges). Ils agissent comme des zones de protection contre le désassemblage de tubuline. En permettant aux microtubules de reprendre leur assemblage, les sauvetages augmentent la longueur des microtubules ainsi que leur durée de vie. Les mêmes effets ont pu être observés dans des cellules vivantes : le réseau de microtubules est devenu plus stable et s’est étendu dans les zones où la structure des microtubules avait été abimée par des impacts laser.

De fait, les impacts qui détruisent la structure des microtubules les rendent finalement plus résistants au désassemblage. Cette propriété surprenante pourrait s’expliquer par les capacités d’auto-réparation que possèdent les microtubules. Mise en évidence par cette même équipe de recherche (cf Schaedel et al., Nature Materials, 2015), l’auto-réparation permet aux microtubules de résister aux contraintes et semble également augmenter leur durée de vie. Les chercheurs ont découvert que chaque impact laser dans un microtubule était immédiatement réparé par des molécules de tubuline libres, et que ces zones contenant de nouvelles molécules de tubuline agissaient comme des manchons protecteurs qui empêchaient le désassemblage total en induisant des événements de sauvetage.

© Manuel Théry, CEA​

D’autres évènements que des impacts laser peuvent générer des réparations et des sauvetages. Ils se produisent naturellement dans toute la cellule, en particulier dans les zones où les microtubules sont déformés, là où ils se croisent ou forment des faisceaux (cf image ci-contre où les zones de réparation par la tubuline libre sont visibles en violet). Du fait de leur capacité à s’auto-réparer avec des composants nouveaux, les blessures infligées aux microtubules sont donc à l’origine  d’une réelle source de jouvence pour les microtubules.

Des séries d’impacts laser ciblant une région limitée d’une cellule suffisent à stabiliser localement et à étendre le réseau de microtubules dans cette région. Ce réseau étant en interaction avec l’ensemble des structures régulant la morphologie des cellules, le développement local des microtubules agit en retour sur la forme des cellules. Ainsi, les chercheurs ont réussi à diriger la migration des cellules en direction des zones où le réseau de microtubules avait été endommagé par des impacts répétés de laser. Ces processus de renforcement mécanique et de stabilisation sélective confèrent ainsi au réseau de microtubules des propriétés jusqu’alors inconnues d’adaptation aux contraintes physiques.
Endommager un objet inerte l’affaiblit. Mais ces travaux sur les microtubules suggèrent qu’endommager une structure biologique en renouvellement permanent conduit à terme à son renforcement physique et à l’augmentation de sa durée de vie. Cette différence ¬importante pourrait inspirer le design de nouveaux matériaux.

 [1] L’équipe Cytomorpho (Physique du Cytosquelette et de la Morphogenèse) est rattachée à deux laboratoires : le laboratoire physiologie cellulaire & végétale (CEA/CNRS/Inra/Université Grenoble-Alpes) et le Laboratoire Allo-immunité, Auto-immunité et Transplantation (INSERM/Université Paris Diderot).
 [2] La tubuline est la brique de base qui sert à la polymérisation des microtubules. L’utilisation de tubuline fluorescente permet de visualiser les dynamiques d’assemblage et de désassemblage des microtubules dans les cellules vivantes.


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