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Comment les graphes préhistoriques sont analysés par le cerveau


Une collaboration impliquant le CEA-Joliot explore la reconnaissance par le cerveau de tracés préhistoriques abstraits.

Publié le 21 août 2019
Bien avant les peintures de la grotte de Lascaux, les premiers humains ont inscrit des motifs abstraits sur des pierres, des coquillages ou des coquilles d'œufs, les plus anciens datant de 540 000 ans. Pour les archéologues qui ont découvert ces tracés préhistoriques, la question est de savoir s'ils étaient le fruit du hasard, d'une volonté d'imiter la nature ou bien encore dotés d'une signification. 

A ce jour, il n'existe pas de consensus sur l'apparition de comportements symboliques chez nos ancêtres. Pour certains, il y aurait eu une révolution cognitive soudaine avec l'installation des populations modernes en Europe il y a 42 000 ans. Pour d'autres, la découverte d'objets de parure, de pigments et de gravures abstraites sur des sites africains datant de plus de 100 000 ans indiquerait que des pratiques symboliques existaient sur ce continent. Pour d'autres encore, les Néanderthaliens et des populations dites archaïques avaient aussi des comportements symboliques. 

Un petit lot de gravures abstraites vieux de plus de 40 000 ans a été découvert dans des sites africains et eurasiatiques. Afin d'éclaircir la nature de ces gravures, des chercheurs du CEA-Joliot et du laboratoire PACEA ont cartographié par imagerie fonctionnelle cérébrale les régions du cerveau des participants impliquées dans la visualisation et la perception de ces gravures anciennes.



En haut : Gravure découverte sur le site de Blombos (Afrique du Sud) datant de 75 000 ans. Au centre : Exemple de catégories visuelles utilisées dans l'expérience. En bas : Vues latérales et inférieures des activations cérébrales provoquées par la perception de gravures, en jaune dans le lobe occipital et la partie ventrale du lobe temporal (HG : hémisphère gauche, HD : hémisphère droit, Inf : vue inférieure). Ces activations sont comparables à celles provoquées par la perception d'objets usuels. © CEA

Le système visuel humain est organisé de façon hiérarchique, avec des aires dites primaires qui analysent les éléments composant une image (contraste, couleur, orientation) et des aires secondaires, qui permettent de distinguer les différentes catégories visuelles. Ainsi, certaines zones cérébrales sont plus spécialisées dans l'analyse des paysages, d'autres dans celle des objets ou de l'écriture. Les zones du cerveau activées par les gravures préhistoriques ont été comparées à celles activées par des objets, des mots, des paysages et un alphabet ancien inconnu des participants à l'expérience. Résultat : la perception visuelle des gravures paléolithiques active les mêmes zones cérébrales que les objets, alors qu'elle ne modifie pas l'activité des zones liées à la vision de paysages ou de l'alphabet ancien. Cela indique que les plus anciennes gravures abstraites ont des propriétés visuelles semblables à celles d'objets auxquels on peut attribuer une signification. De surcroît, les gravures activent une zone cérébrale latéralisée dans l'hémisphère gauche, connue pour son implication dans le traitement du langage écrit, suggérant que ces gravures servaient potentiellement de moyen de communication pour les premiers humains.

Ces résultats issus de l'imagerie neurofonctionnelle renforcent l'hypothèse que nos ancêtres ont très tôt attribué une signification à leurs tracés, peut-être même symbolique.

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