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Le génome du chêne lève un voile sur la longévité des arbres


​Un consortium national mené par l’Inra et le CEA a séquencé le génome du chêne pédonculé. Leurs travaux, publiés dans la revue Nature Plants le 18 juin 2018, révèlent deux facettes de la longévité de cette espèce emblématique. La première concerne la mise en place d’un arsenal de gènes de résistance particulièrement riche et diversifié, permettant aux arbres de faire face tout au long de leur vie à leurs grands prédateurs (champignons pathogènes, oomycètes, insectes, bactéries et virus). La seconde révèle la présence de mutations somatiques qui peuvent être transmises à la génération suivante, un résultat qui soulève des questions sur l’importance évolutive de ce moteur de diversité.

Publié le 19 juin 2018

​Les arbres constituent une part importante de notre patrimoine naturel et culturel. Omniprésents dans nos paysages les plus communs, ils fournissent aussi aux sociétés humaines des services inestimables. Leur longévité et résilience face à des variations environnementales hétérogènes ont contribué à leur attribuer des représentations symboliques dans toutes les sociétés humaines passées et actuelles. Ces représentations, allant du sacré, mystique jusqu’au domaine populaire, invoquent stabilité, résistance et permanence de la vie.

Un génome de référence pour une des 400 espèces de chênes

Des scientifiques de l’Inra et du CEA ont cherché à savoir si la longévité des arbres, dont les chênes sont emblématiques, reposait sur des bases génétiques. Ils ont commencé leur enquête en s’attaquant au génome du chêne pédonculé. Des technologies de séquençage à haut débit leur ont permis de séquencer et d’assembler les 750 millions de nucléotides de cette espèce largement répandue en Europe, dont la diversité génétique est dix fois plus importante que celle de l’Homme.

Un génome particulièrement bien équipé en gènes de résistance contre les bioagresseurs… qui pourrait expliquer leur longévité

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Chênes de 150 ans de la Forêt domaniale de Bercé © Inra - Didier Bert


L’annotation de ce génome révèle qu’il contient 51% d’éléments transposables (séquences d’ADN capables de se déplacer dans un génome) et 26 000 gènes dont 36% sont organisés en groupes de gènes contigus, alors qu’en moyenne cette proportion n’est que de 15% chez les plantes. Les chercheurs ont montré que les gènes de résistance du chêne avaient particulièrement bénéficié de ces duplications en tandem. La comparaison des génomes d’espèces herbacées annuelles (Arabidopsis, soja, pomme de terre, pastèque…) et ligneuses pérennes (chêne, peuplier, eucalyptus, pêcher…) a mis en évidence que ce mécanisme d’expansion des gènes de résistance n’était pas spécifique au chêne mais partagée avec l’ensemble des arbres de l’étude. Les arbres sont continuellement exposés à des bioagresseurs qui peuvent évoluer rapidement par rapport à ces organismes à longue durée de génération. Dans ces conditions, cette richesse en gènes du système immunitaire des plantes, leur permettrait de faire face à un large éventail d’interactions biotiques avec les micro-organismes (notamment pathogènes) tout au long de leur existence.

Les arbres : des mosaïques génétiques ?

Les organismes multicellulaires accumulent des mutations somatiques au cours de leur croissance. Les chênes étant des espèces particulièrement longévives (généralement plusieurs centaines d’années), les chercheurs se sont interrogés sur l’importance de ces mutations chez un tel arbre. En comparant les génomes d’échantillons récupérés à l’extrémité de branches d’âge différent d’un chêne pédonculé centenaire, ils ont identifié de rares mutations apparues au cours du temps. Ils ont aussi montré que ces mutations pouvaient être transmises à la descendance. Il reste à étudier si ce moteur de diversité pourrait conférer un avantage sélectif aux individus qui les portent.

Le génome de référence du chêne est maintenant utilisé pour étudier les processus évolutifs impliqués dans l’adaptation et la spéciation des chênes blancs européens, notamment depuis la dernière recolonisation postglaciaire. A l’instar de ce qui est fait chez l’homme, il permettra de reconstituer les trajectoires évolutives qui ont accompagné l’histoire de ces espèces notamment grâce à l’analyse de l’ADN ancien que l’on peut aujourd’hui extraire à partir de restes de bois fossiles.

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