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Transition vitreuse

L’existence d’un ordre dans les verres enfin démontrée


​​​​Les verres sont-ils de « vrais » solides ou des liquides hyper-visqueux ? Une collaboration scientifique du Service de physique de l’état condensé (CEA-CNRS), de l’Institut de physique théorique (CEA-CNRS), du laboratoire de physique statistique de l’ENS (CNRS, ENS-PSL, Paris-Descartes-SPC, UPMC-SU), de la société CFM et de l'Université d'Augsbourg (Allemagne) vient de trancher cette très ancienne controverse. Les chercheurs ont expérimentalement mis en évidence, pour la première fois, une forme subtile d’ordre correspondant à une optimisation collective de l’énergie, alors que la structure du matériau reste spatialement désordonnée (amorphe). Ces résultats sont publiés dans la revue Science le 10 juin 2016.

Publié le 10 juin 2016
Quand on refroidit un liquide, l’agitation aléatoire de ses molécules diminue. En dessous d'une certaine température, soit la solidification conduit à la formation d'un cristal à la structure bien ordonnée et très rigide ; soit le liquide entre dans un état de plus en plus visqueux, qui conduit à la formation d'un verre. Les verres sont aussi rigides que les cristaux, et pourtant leur organisation spatiale ne présente apparemment aucune sorte d’ordre ! Existerait-il un « ordre caché » dans les verres ? Ce débat, vieux de plusieurs décennies est très difficile à trancher expérimentalement. En effet, selon les théoriciens, il faudrait un temps de l’ordre de l’âge de l’Univers pour que cet ordre s’établisse sur un domaine dont la taille serait de l'ordre de dix diamètres moléculaires ! Autrement dit, sonder le système dans un état où l’ordre est suffisamment développé, pour en avoir une évidence expérimentale immédiate, relève de la « mission impossible » à l’échelle d’une vie humaine.
Des physiciens ont eu l’idée de contourner cette difficulté en exploitant une propriété très générale des phénomènes « critiques » liés aux transitions de phase, comme la transformation liquide - solide. L'émergence d’un ordre lors de la transition, s'accompagne toujours de la divergence (croissance très forte) de la réponse du matériau à une sollicitation extérieure, telle que celle d'un champ électrique. C’est donc en mesurant la réponse non linéaire (à l'ordre 3 et 5) d’un matériau vitreux, en fonction de la température et de la fréquence du champ électrique appliqué, que les physiciens ont pu mettre en évidence les signes de la transition recherchée vers un ordre qualifié paradoxalement de « structurellement amorphe ».
Ils ont aussi démontré que l’ordre qui s’instaure correspond à une optimisation collective de l’énergie, mais sans produire aucune régularité spatiale dans l'arrangement des molécules. Les expériences montrent que la taille des domaines « d’ordre amorphe » augmente au fur et à mesure que l'on baisse la température du liquide et que l'on approche de la « transition vitreuse ».
Deux expériences bien distinctes ont été menées : l’une à Saclay, l'autre à Augsbourg. Les résultats concordants obtenus prouvent sans ambiguïté l’existence d’un ordre amorphe dans les verres. Ils invalident certaines approches théoriques décrivant les verres comme de simples liquides ultra-visqueux. Plusieurs théories restent cependant en lice pour expliquer l'origine profonde de la transition mise en évidence. Les chercheurs vont s’employer désormais à les tester, grâce à de nouvelles expériences d’un tout nouveau type. 
Ce résultat, publié dans Science, est un apport majeur dans la perspective des travaux de la collaboration internationale financée par la Fondation Simons, qui compte mettre en équation l’état de la matière dans un matériau vitreux, à laquelle participe Giulio Biroli de l’Institut de physique théorique (IPHT, CEA-CNRS, Saclay) (1).​​

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La réponse d’un matériau vitreux à un champ électrique a été mesurée en fonction de la température et de la fréquence du champ. Quand le matériau passe de l’état liquide (en haut à droite) à l’état de verre (en haut à gauche), « l’ordre amorphe » s’instaure sur des tailles de plus en plus grandes. Cette évolution prouve qu’une transition pilote le comportement du système. Elle est en parfaite cohérence avec les prédictions théoriques. Pour un liquide sans ordre amorphe, comme de l’eau usuelle, les courbes ne présenteraient pas de maximum. © Experimental Physics V, University of Augsburg.

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