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Paul Schanda - Une aventure exceptionnelle qui mène de la physique à la biologie !

Physico-chimiste de formation, le structuraliste Paul Schanda, a développé des techniques innovantes de résonance magnétique nucléaire (RMN) qui le conduisent, au sein d’une bourse ERC, à décrypter le fonctionnement de protéines très dynamiques dans des systèmes très complexes.

Vous êtes « structuraliste » à l’Institut de Biologie structurale, en quoi consiste cette discipline ?

La biologie structurale est l’étude du fonctionnent des protéines à partir de la détermination de leur structure, interactions et mouvements. Les protéines sont impliquées dans tous les processus à l’œuvre dans les cellules ; connaître leurs interactions permet de savoir ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas. 

Plusieurs techniques sont utilisées pour déterminer ces structures. La principale, la cristallographie, consiste à former un cristal de la protéine et à l’irradier avec des rayons X dont la diffraction se traduit par un signal convertible en image. Des dizaines de milliers de structures ont été identifiées grâce à cette méthodologie. Or, elle n’est pas optimale pour étudier des protéines très dynamiques car elles ne cristallisent pas, ni pour étudier des interactions entre protéines dans des systèmes complexes. Le développement de nouvelles techniques est l’un des défis de cette discipline.

C’est pourquoi la résonance magnétique nucléaire (RMN) est au cœur de votre activité. De quoi s’agit-il ?

La RMN repose sur le même principe que celui de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ; mais ici, ce n’est pas un patient que l’on place dans le champ magnétique d’un aimant, mais un échantillon de protéines. Selon ce principe, le spin du noyau d’un atome interagit avec des champs magnétiques et des ondes électromagnétiques et génère des signaux détectables ; et ceci, pour des centaines d’atomes à la fois dans une protéine qui agissent comme des petites sondes locales partout dans la protéine. Cela permet de déterminer sa structure mais également ses mouvements et ses interactions avec d’autres protéines. Et cela est possible même pour des protéines très dynamiques difficiles à étudier par d’autres techniques.



Ce qui est vraiment exceptionnel dans cette aventure, c’est d’utiliser des méthodes physiques et d’arriver à la biologie en créant des passerelles entre les deux. 
Que cherchez-vous dans votre projet ERC Starting Grants  ?

Il s’agit de développer des méthodes RMN et de les appliquer sur des protéines dont il est crucial de de comprendre le dynamisme et le fonctionnement. Concrètement, nous nous intéressons à des protéines membranaires et des protéines « chaperonnes ». Le rôle des protéines membranaires est de transporter des molécules (nutriments, ions, etc.) à travers les membranes biologiques , et nous voulons comprendre comment elles sont amenées de l’endroit où elles sont synthétisées jusqu’à leur emplacement final dans la membrane. Or, elles ont la spécificité de « travailler » dans un milieu lipidique et de ne pas être solubles dans l’eau ; le transit de ces protéines à travers un milieu aqueux n’est alors possible que parce que d'autres protéines, les chaperonnes, les prennent en charge.

Ce qui est à ce jour peu compris, c’est comment ces « transporteurs » interagissent avec leur « cargo » ; comment elles les reconnaissent et les relâchent finalement une fois arrivées à la membrane. Ces complexes sont dynamiques, ce qui rend les études structurales difficiles par des méthodes standards. La RMN est justement cette technique qui permet d’étudier cette dynamique. Des développements, toujours en cours, nous permettent de voir de plus en plus de détails. Ils sont donc une composante importante de notre travail. 

Ce qui est vraiment exceptionnel dans cette aventure, c’est d’utiliser des méthodes physiques et d’arriver à la biologie en créant des passerelles entre les deux. C’est également excitant de travailler avec des background différents. D’ailleurs, les membres de l’équipe que j’ai constituée pour l’ERC (deux thésards, trois post-doctorants et une technicienne) proviennent de Lituanie, Autriche, Argentine, Taïwan et France ; et nous collaborons avec des chercheurs de Russie, Etats-Unis, Angleterre, Allemagne… Cette dimension dynamique, hétérogène et internationale est d’ailleurs très présente dans l’écosystème grenoblois et au CEA.


L’IBS est un environnement exceptionnel en Europe, pour ne pas dire au monde. Les infrastructures sont de très haut niveau, avec des équipes et des outils à la pointe. 
Vous êtes autrichien ! Pourquoi être venu à Grenoble et à l’IBS ?

Après des études en Autriche, j’ai effectué mon doctorat à l’IBS, où j’ai développé des technologies de RMN notamment pour étudier les protéines dans des états de courte durée. Je me suis ensuite formé à une nouvelle technique, la RMN solide, à l’EHT de Zurich. Et je suis revenu à l’IBS pour y conduire un projet ANR, avant d’être embauché par le CEA lorsque j’ai reçu ma bourse ERC. 

L’IBS est un environnement exceptionnel en Europe, pour ne pas dire au monde. Les infrastructures sont de très haut niveau, avec des équipes et des outils à la pointe. La plateforme RMN de l’IBS a par exemple six spectromètres à haut champ et un des aimants les plus intenses au monde. Et nous avons tout sur place, avec d’autres techniques que nous utilisons également comme la microscopie ou la cristallographie. C’est un énorme atout pour notre projet.


L’ERC oblige les chercheurs à s’interroger sur ce qu’ils veulent vraiment faire, ce qui est très stimulant. 
Vos recherches ERC ont-elles des applications médicales ?

Nos recherches demeurent très fondamentales, même si nous savons que les chaperonnes sont impliquées dans des maladies.

Actuellement, nous travaillons aussi sur un projet dédié à d’autres chaperonnes qui interagissent avec des protéines qui ont tendance à former des fibres amyloïdes, fibres qui lorsqu’elles s’agrègent sont responsables de maladies neurodégénératives. Il se trouve que les chaperonnes peuvent ralentir la formation de ces fibres ; elles pourraient, à très long terme, laisser envisager un outil in vivo pour empêcher ces agrégations. La compréhension fondamentale de ces processus pourrait en effet permettre des applications dans le futur.

Que diriez-vous aux chercheurs tentés par l’aventure ERC ?

L’ERC est une très bonne expérience dans la vie d’un chercheur. Et cela, dès le processus de l’écriture du projet car nous devons nous projeter sur une échelle de temps allant de cinq à dix ans, prendre beaucoup de recul tout en transmettant notre enthousiasme. L’ERC oblige les chercheurs à s’interroger sur ce qu’ils veulent vraiment faire, ce qui est très stimulant. Et c’est même excitant de constater, ce fut mon cas, que l’une de nos voies de recherche n’avait pas fonctionné mais qu’elle avait débouché sur une autre qui est très prometteuse. 

En plus des moyens très confortables alloués et de l’opportunité de constituer une équipe avec les meilleurs, l’ERC est une très belle aventure intellectuelle.

Paul Schanda, Chercheur au CEA à l’Institut de Biologie structurale (IBS)
2007 : Développement, à l’IBS, de l’IRM rapide, devenue un des standards dans le domaine
2010 : Prix Jeune chercheur de la société française de biophysique
2012 : Lauréat d’une bourse ERC Starting Grants



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IBS
Centre : Grenoble
Expertise : Physico-chimiste, spécialiste de la RMN