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Système nerveux : le sympathique n’est pas seulement du domaine de l’inconscient…


​Une équipe du CEA-Ibitecs a montré que le système nerveux sympathique - non conscient - est présent à la jonction neuromusculaire squelettique, une jonction qui était pourtant censée être pilotée par le système nerveux central, celui des actions volontaires.

Publié le 12 mai 2016

Notre système nerveux peut sommairement être divisé en deux parties fonctionnelles distinctes : le système nerveux central, qui gère tous les actes volontaires et les sensations conscientes (passer la marche arrière, montrer du doigt, sentir au toucher le moelleux d'un velours, etc.) et le système nerveux autonome, qui gouverne nos fonctions automatiques, telles la contraction du muscle cardiaque ou la digestion. Longtemps, les scientifiques ont cru que ces deux systèmes parallèles étaient cloisonnés. Des chercheurs du CEA-Ibitecs1, en collaboration avec des équipes allemandes, brésiliennes, britanniques et italiennes, ont pourtant montré que la jonction neuro-musculaire squelettique, zone de contact entre le système nerveux et la fibre musculaire, fait intervenir des acteurs, non seulement du système nerveux central comme prévu, mais aussi du système nerveux autonome, en particulier du système sympathique2. Ainsi, la coordination de nos mouvements ne ferait pas seulement appel au système nerveux « conscient », mais ferait aussi appel à « l'inconscient ».    

« Cette jonction est la synapse3 la plus étudiée dans le monde depuis longtemps, expliquent Evelyne Benoit et Jordi Molgó, biologistes au CEA-Ibitecs. Elle a été cataloguée comme cholinergique, à savoir faisant intervenir l'acétylcholine, un neurotransmetteur libéré par une action du système nerveux central. Pourtant, plusieurs évidences suggéraient que l'histoire est plus complexe. » Les doutes commencèrent avec l'observation d'effets secondaires inattendus chez des patients traités par des β-bloquants. Ces derniers sont des médicaments contre l'hypertension artérielle, bloquant l'action de l'adrénaline, un neurotransmetteur sécrété en cas de stress et accélérant le rythme cardiaque. L'adrénaline intervient dans le système nerveux sympathique, « inconscient ». Or, les patients développent une fatigue musculaire qui, elle, est du domaine du système central. Les deux systèmes nerveux semblaient donc croiser leur chemin. « C'est ce qui a été démontré avec un modèle rongeur, notamment grâce à la microscopie optique à balayage laser », poursuivent les deux chercheurs. Ils ont utilisé un modèle animal transgénique, exprimant des enzymes fluorescentes permettant de suivre différents neuro-transmetteurs spécifiques de l'un ou l'autre des deux systèmes. « Les neurones sympathiques établissent une relation de contact très proche avec la jonction neuromusculaire et forment un réseau dans le muscle squelettique dont les cibles incluent les vaisseaux sanguins, la terminaison nerveuse et la fibre musculaire », racontent Evelyne Benoit et Jordi Molgó. Pour consolider leur résultat, les chercheurs ont montré qu'un rongeur exprimant une myasthénie (fatigue musculaire intense) reproduisant la pathologie humaine récupère lors d'un traitement à base d'agonistes β-2 adrénergiques, molécules qui miment la transmission du signal nerveux sympathique.

(A) Vue partielle, en microscopie confocale à balayage laser, d'un muscle squelettique de souris montrant des axones moteurs (en vert) et sensoriels (en vert, flèche jaune) exprimant la GFP (green fluorescent protein), ainsi que des jonctions neuromusculaires dont les récepteurs nicotiniques musculaires (en rouge) sont marquées avec une toxine​ fluorescente de serpent (l'alpha-bungarotoxine conjuguée à la rhodamine). (B). Muscle diaphragme d'une souris transgénique exprimant la protéine «red fluorescent protein variant tdTomato» sous contrôle du promoteur de la Dopamine Beta-Hydroxylase (DBH-Tomato, en rouge) montrant dans les neurones sympathiques qui ont été également immuno-marqués avec un anticorps reconnaissant la tyrosine hydroxilase (TH, en vert) une co-localisation des deux marquages ce qui permet de reconnaitre les neurones sympathiques catécholaminergiques. Les jonctions neuromusculaires sont marquées avec l'alpha-bungarotoxine (AChR) (en bleu). (c) Jordi Molgó and Rüdiger Rudolf

  1. Institut de biologie et de technologies de Saclay
  2. Le système nerveux sympathique est une des trois parties du système nerveux autonome. Les deux autres parties sont le système nerveux entérique et le système nerveux parasympathique.
  3. Zone de contact chimique ou électrique qui s'établit entre deux neurones ou un neurone et une autre cellule (ici la cellule musculaire).

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