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Tchernobyl, 30 ans après


L'anniversaire de l'accident nucléaire de Tchernobyl a été l'occasion pour la SFRP de rassembler 15 spécialistes, dont deux de la DRF, pour dresser un bilan des conséquences de la catastrophe sur l'environnement et les populations. Cette journée d'information a aussi permis de faire un point sur les enjeux de radioprotection associés à l'état du site accidenté.

Publié le 3 mai 2016

Le 26 avril 1986 explosait la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine. Quel est le bilan sanitaire et environnemental, 30 ans après ? Quels sont les enjeux de radioprotection ? La société française de radioprotection (SFRP) a organisé le 15 mars dernier une journée d'informations et d'échanges à l'Union internationale des Chemins de fer, à Paris. Plusieurs experts se sont relayés à la tribune, parmi lesquels Florence Ménétrier, responsable de l'unité Prositon[1] de la DRF, et Sylvie Chevillard, responsable de laboratoire de cancérologie expérimentale au CEA-IRCM.

 

Florence Ménétrier a présenté le bilan des expositions des intervenants d'urgence, des liquidateurs et des populations. « Parmi les 134 intervenants d'urgence ayant été hospitalisés, il est maintenant certain que le décès de 28 d'entre eux et le syndrome aigu d'irradiation développé chez 106 travailleurs restants sont attribuables à leur exposition à de fortes doses de rayonnements ionisants », explique-t-elle. Concernant les 600 000 liquidateurs, impliqués dans la consolidation et l'assainissement du site à plus long terme, des études épidémiologiques montrent une augmentation de certaines maladies, notamment les cancers de la thyroïde et les leucémies. « Pourtant, la faible puissance statistique et l'absence de prise en compte de certains co-facteurs ne permettent pas de conclure à une émergence évidente de ces cancers », prévient l'experte de Prositon. Dans les années qui ont suivi, une augmentation des pathologies psychiatriques et une hausse significative du taux de suicide ont été observées, en lien avec le stress induit par l'accident et non directement lié aux rayonnements ionisants. Du côté de la population, le rôle de l'accident de Tchernobyl sur l'incidence des cancers de la thyroïde est clairement établi dans les territoires d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie où les populations ont été fortement exposées aux rejets d'iode radioactif. Entre 1991 et 2005, près de 7000 cas de cancers de la thyroïde ont été diagnostiqués chez les jeunes de moins de 18 ans. « L'origine supposée de ces cancers serait la consommation de lait contaminé à l'iode 131 », précise Florence Ménétrier. En outre, un stress post-traumatique a été observé chez 75% de la population évacuée.

 

Mais qu'en est-il des territoires alentour, et notamment la France ? L'incidence des cancers de la thyroïde a nettement augmenté ces 40 dernières années, en France, comme partout dans le monde. Cette hausse serait essentiellement attribuée à l'augmentation de l'utilisation de l'échographie pour l'imagerie de la thyroïde, cette technique permettant la mise en évidence de tumeurs de petite taille. Mais peut-on discriminer un cancer radio-induit d'un cancer sporadique, c'est-à-dire qui se développe sans aucun facteur de risque manifeste ? Le laboratoire de cancérologie expérimentale du CEA-IRCM, dirigé par Sylvie Chevillard, tente de répondre à cette question. « Nous avons cherché une signature moléculaire spécifique des tumeurs de la thyroïde radio-induites, explique la biologiste. Après avoir comparé le profil de tumeurs sporadiques et celui de tumeurs provoquées par un effet secondaire d'une radiothérapie, nous avons pu mettre en évidence une signature de 322 gènes discriminant de façon fiable les cancers radio-induits. » Les chercheurs ont ensuite effectué la même démarche pour différencier les tumeurs sporadiques de celles induite par l'accident de Tchernobyl. Ici, une signature de 106 gènes a été mise en évidence. Enfin, les scientifiques ont découvert 5 gènes communs entre ces deux signatures, permettant de distinguer, parmi les cancers radio-induits, ceux consécutifs à une radiothérapie de ceux découlant de la catastrophe nucléaire. « Toutefois, ces résultats devront être confirmés par des études complémentaires », tempère Sylvie Chevillard.

Intervention de Florence Ménétrier

 


[1] Protection sanitaire contre les rayonnements ionisants et les toxiques nucléaires

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