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Des usines vivantes pour l’imagerie !


Il fallait y penser, des chercheurs de l'Institut des sciences du vivant Frédéric Joliot et du CEA-Biam l'ont fait : utiliser des bactéries magnétotactiques comme usines à produire des agents de contraste IRM.

Publié le 14 février 2017

L'IRM est un terrain de recherche fécond pour faire de l'imagerie moléculaire, c'est à dire visualiser des biomarqueurs spécifiques d'une pathologie. A l'Institut des sciences du vivant Frédéric Joliot, à NeuroSpin, des chercheurs mettent au point des procédés pour repérer des tumeurs cérébrales. Ils concentrent leurs recherches sur des témoins moléculaires de la néoangiogénèse, cette tactique de la tumeur consistant à créer de nouveaux vaisseaux autour d'elle pour s'alimenter. « Les parois internes de ces vaisseaux sont tapissés de récepteurs appelés intégrines, explique Sébastien Mériaux, chercheur à NeuroSpin. « Notre objectif est d'utiliser des molécules ayant à la fois la capacité de se fixer aux intégrines, mais également la propriété de modifier localement le signal de résonance magnétique. Ainsi, nous espérons rendre visibles en IRM les vaisseaux d'une tumeur cérébrale. » Le gadolinium et le fer sont des atomes qui modifient localement le signal IRM. Ils peuvent donc être utilisés pour révéler les biomarqueurs et créer ce que l'on appelle des agents de contraste fonctionnalisés. « Ces atomes sont encapsulés dans des matrices pour qu'ils soient biocompatibles et non toxiques », précise le chercheur. Même s'ils sont aujourd'hui les plus utilisés lors des examens cliniques, certains chélates de gadolinium présentent des risques de toxicité élevée pour le patient.

A 800 km au sud de NeuroSpin, à Cadarache, d'autres chercheurs de la DRF travaillent avec des bactéries magnétotactiques. L'équipe de David Pignol, au CEA-Biam, s'intéresse à ces organismes qui produisent des magnétosomes, sortes de boussoles naturelles leur permettant de s'orienter dans l'environnement. Quel rapport avec l'IRM ? « Les nano-aimants produits par ces bactéries sont entourés d'une membrane biologique et sont solubles dans les milieux aqueux… tout comme un agent de contraste avec un cœur de fer ! » répond Sébastien Mériaux. Les chercheurs ont alors décidé de concert de modifier génétiquement ces bactéries afin qu'elles produisent des magnétosomes exposant à leur surface une protéine fluorescente et un peptide repérant les intégrines. « Nous avons donc créé une usine intégrée fabriquant des agents de contraste IRM fonctionnalisés », s'enthousiasment les scientifiques. Il suffit alors de cultiver ces bactéries, de les détruire et de récolter avec un aimant les magnétosomes modifiés génétiquement.

Les tests in vitro montrent que ces agents biologiques sont trois fois plus contrastants que les agents de contraste standards. Des études dans un modèle murin ont également permis de démontrer que les magnétosomes fonctionnalisés sont capables de cibler in vivo les intégrines, et de révéler les vaisseaux tumoraux par IRM. Ils ont confié à l'équipe de Laurent Bellanger, de l'Institut des sciences du vivant Frédéric Joliot, les études de toxicité. Cette même équipe a également mis au point un anticorps capable de repérer la membrane des magnétosomes, pour les visualiser grâce à un microscope à fluorescence.

Ces agents, faciles à fabriquer et au bon pouvoir contrastant, pourraient donc permettre de repérer précisément des tumeurs chez l'homme et de suivre leur évolution au cours du traitement. Une piste thérapeutique est également envisagée. «  Le fer a la particularité de s'accumuler dans les cellules tumorales, explique Sébastien Mériaux. Nous pouvons imaginer la mise au point d'un traitement d'hyperthermie magnétique, qui détruirait les cellules par chauffage. »

Visualisation par microscopie du ciblage des intégrines par les magnétosomes fonctionnalisés Bleu = Noyaux cellulaires (cellules de tumeur cérébrale humaine), Orange = Intégrines, Vert = Magnétosomes fonctionnalisés internalisés dans les cellules après ciblage de l¹intégrine. © Françoise Geffroy, CEA



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