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IRM à haut champ : comment ne pas y passer des heures ?


​Les temps d’acquisition des IRM augmentent avec leur résolution. Pour les limiter, des mathématiciens du CEA-I2BM redoublent d’inventivité dans leurs algorithmes.

Publié le 5 janvier 2017

L'arrivée des IRM à haut champ, 7 teslas (7 T) puis bientôt à 11.7 T, permet d'observer le corps humain avec une résolution de plus en plus fine. Ces images d'une grande précision s'accompagnent donc d'un allongement du temps d'acquisition des données. Ainsi, pour un IRM à 7 T, avec les technologies actuelles, recueillir les données d'un cerveau humain avec une résolution de 100 µm de côté durerait… 12 heures ! Autant dire une éternité. Les chercheurs du CEA-I2BM travaillent à diminuer ce temps d'acquisition, avec pour premier objectif de le limiter à 20 minutes pour une résolution de 200 µm.

Comment ? La solution se trouve dans la créativité des mathématiciens qui imaginent des algorithmes avec de nouvelles techniques d'échantillonnage. Philippe Ciuciu, du CEA-I2BM, nous fait pénétrer dans ce monde de gradients et d'intégrales, ardu et fascinant. Il s'agit d'un monde parallèle, appelé espace de Fourier, dans lequel les chercheurs projettent la distribution d'énergie du signal capté par l'IRM en fonction de la fréquence.

« Nous travaillons dans cet espace, une représentation compacte de la réalité, explique le mathématicien. La façon la plus basique de l'échantillonner consiste en une grille de points espacés régulièrement. Il y a 10 ans, un Français et des Américains ont inventé l'échantillonnage compressif, qui vise à collecter de façon pseudo-aléatoire des informations non redondantes en s'écartant de la grille.» Cette collecte de mesures s'effectue de point en point. La difficulté réside alors dans la construction d'une trajectoire continue qui relie ces points. Les chercheurs du CEA-I2BM et leurs collègues du CNRS ont été les premiers à proposer de résoudre le problème du voyageur de commerce, qui détermine le plus court chemin entre toutes les villes qu'il doit visiter, afin de déterminer la trajectoire liant les différents points d'échantillonnage. Toutefois cette trajectoire dans l'espace de Fourier n'est pas satisfaisante en raison de ses points anguleux : « Il faut que cette trajectoire soit physiquement plausible, c'est à dire qu'elle respecte les contraintes du système de gradients* », précise Philippe Ciuciu. Prenons l'image d'une voiture devant prendre des virages parfois serrés. « Impossible d'aller à la vitesse d'une formule 1, au risque d'aller dans le décor, métaphorise le mathématicien. Les Américains ont choisi de limiter la vitesse en restant sur la trajectoire du circuit. De notre côté, nous avons développé une méthode pour arrondir la trajectoire à l'approche d'un point anguleux afin de gagner du temps de parcours et donc d'accélérer l'acquisition de l'image IRM.» 

​Différents échantillonnages de l’espace de Fourier. (a) grille basique. (b) méthode américaine avec échantillonnage pseudo-aléatoire. (c) trajectoire en spirale. (d) échantillonnage proposé par le CEA-I2BM. © CEA


Autre avancée proposée par les chercheurs du CEA-I2BM : optimiser simultanément le tirage aléatoire des points et la conception de la trajectoire. Il s'avère que les mesures du signal aux basses fréquences, au centre de l'espace de Fourier, portent plus d'information que les hautes fréquences. Intuitivement, une spirale démarrant au centre, constituerait une bonne alternative pour échantillonner au mieux les points d'intérêt. « C'est le cas, mais nous avons trouvé encore mieux, s'enthousiasme le chercheur. Les courbes que nous proposons ont une régularité et un canevas très efficaces. » Le dessin global de ce canevas peut être divers pourvu qu'il couvre tout l'espace de Fourier suffisamment rapidement selon la bonne densité et qu'il satisfasse les contraintes sur les gradients.

Les scientifiques ont montré que cette méthode est générique et peut s'appliquer pour approcher n'importe quelle image à partir d'une initialisation quelconque : pourquoi pas le portrait de Marylin Monroe à partir du tableau de la  « jeune fille à la perle » de Johannes Vermeer (voir ci-dessous) ?  Appliquée à l'IRM, « cette méthode pourra  diviser par seize les temps d'acquisitions à 7 T », poursuit-il. Les temps d'acquisition du futur IRM à 11.7 T deviendront ainsi raisonnables pour des images à haute résolution. « Notre algorithme est facilement adaptable, conclut Philippe Ciuciu. Il pourrait aussi permettre d'accélérer significativement les temps d'acquisition des IRM à 3 T, donc d'augmenter la disponibilité des IRM actuellement utilisés en clinique. »

​Exemple d’échantillonnage d’une photo de Marylin Monroe en partant d’une initialisation de courbes projetées sur le tableau de la jeune fille à la perle, de J. Vermeer. © CEA

 

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