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Satbot : « le plus beau » des détecteurs


Le module Caliste n’a pas son pareil pour l’observation des éruptions solaires en rayons X mais il pourrait aussi aider à combattre plus efficacement des cancers aujourd’hui résistants à la radiothérapie. Pas de doute, c’est « le plus beau » (kallistos en grec) !

Publié le 17 janvier 2019
En France, près de 200.000 patients souffrent de cancers résistants à la radiothérapie. Or celle-ci n’agit pas seulement sur les cellules cancéreuses, l’irradiation induisant la radiolyse de l’eau contenue dans tous les tissus. Ces réactions produisent des espèces chimiques – électrons et radicaux libres – dont l’action peut être renforcée par la présence de nanoparticules métalliques, injectées directement dans la tumeur. Dans ce cas, serait-il possible de mesurer la dose reçue par le patient ? 
Pour répondre à cette question, deux chercheurs du CEA-List, Cindy Le Loirec et David Tisseur, contactent en 2015 Olivier Limousin, spécialiste de détecteurs de rayons X pour l’astronomie spatiale à l’Irfu. « En quelques jours, nous avons irradié avec des rayons X un fantôme de tête dans lequel nous avions déposé une feuille d’or et nous avons pu mesurer la fluorescence X de l’or avec notre module Caliste. C’était très encourageant », se souvient Olivier Limousin.

Une concordance parfaite

Depuis quatorze ans, son équipe s’attache à produire des générations successives de détecteurs X à partir de la technologie CdTe (tellurure de cadmium), embarquée en 2002 à bord du satellite européen Integral (INTErnational Gamma-Ray Astrophysics Laboratory). Sa motivation ? L’apparition, au début des années 2000, de miroirs à incidence rasante pour la gamme des rayons X durs oblige à adapter les détecteurs existants au plan focal de ces nouveaux miroirs et à les transformer en « compteurs de photons » miniatures. Un travail colossal a ainsi été accompli à l’Irfu pour abaisser drastiquement leur dimension à 500 microns de côté et réduire le bruit de détection au minimum. Des performances idéales pour étudier, avec « la plus belle » des résolutions spectrales, les raies du titane 44 au cours des explosions d’étoiles (supernovae) ou bien… la fluorescence X de l’or.

Deux modules Caliste. A gauche, celui du projet Satbot © O. Limousin, CEA

SATB

SATBOT


Réduire la radiorésistance de certains cancers

L’appel à projets DRF-Impulsion de 2016 s’impose aussitôt à Olivier Limousin comme le moyen idéal pour explorer la piste ouverte en 2015. Il s’associe à Sylvie Chevillard, chercheuse en cancérologie expérimentale, à l’Institut François-Jacob (Fontenay-aux-Roses), pour mener à bien le projet Satbot. « Nous étions faits pour nous rencontrer, affirme Sylvie Chevillard. À l’institut François-Jacob, nous étudions depuis longtemps les réponses des cellules tumorales aux rayonnements ionisants et nous cherchons à comprendre les processus qui permettent de moduler la radiosensibilité en présence de nanoparticules métalliques. Avec Satbot, notre ambition est de réduire à terme la radiorésistance de certains cancers en optimisant l’effet de nanoparticules d’or injectées dans les tumeurs. » 

Séance de radiothérapie de la tête et du cou. © M. Kostich


Mesurer la dose reçue et imager les nanoparticules d’or

La présence de nanoparticules métalliques in situ offre théoriquement la possibilité inédite de mesurer la dose reçue par le patient au cours d’une radiothérapie. Est-il vraiment possible de mesurer cette dose ? L’imagerie des nanoparticules d’or est-elle envisageable ? Ces points sont cruciaux pour optimiser la densité et la répartition des nanoparticules au cours de l’irradiation. 
Sylvie Chevillard propose à Cécile Sicard-Roselli, de l’Université Paris-Saclay, de rejoindre le projet. Cette chercheuse du Laboratoire de Chimie Physique a en effet près de quinze ans de recherches à la croisée des nanoparticules et de la radiothérapie à son actif. Les expériences ont lieu au CEA-List sur la plateforme Gerim2, équipée d’un tube à rayons X, habituellement utilisé pour le contrôle non destructif, et de bras robotisés capables de positionner précisément le détecteur Caliste face aux cellules tumorales. Sylvie Chevillard fournit les cellules tumorales et Cécile Sicard-Roselli les nanoparticules d’or. Caroline Vienne, chercheuse au CEA-List, donne vie aux robots.   

Des verrous ont sauté
Les chercheurs de Satbot doivent faire sauter un premier verrou. Le signal de fluorescence X de l’or est noyé dans les rayons X du tube, diffusés par la cible.  Pour l’en extraire, l’équipe d’Olivier Limousin développe un filtre spectral à bande étroite qui atténue le faisceau incident dans la « fenêtre » où apparaîtront les raies de fluorescence de l’or. Pari gagné, la fluorescence de seulement 50 microgrammes d’or devient mesurable. « On a tout de suite obtenu un signal très net, s’enthousiasme Olivier Limousin. On a ensuite entrepris un travail très rigoureux en acquisition de données et traitement de signal en vue de rendre l’appareil utilisable à terme par des non-spécialistes ».
Comment remonter ensuite à la dose reçue par le patient ? « On avait l’intuition du résultat mais pas du tout de la méthode pour l’atteindre, estime Olivier Limousin. On n’avait pas imaginé prendre plusieurs vues des cellules mais cette idée, quand elle nous est venue, a conduit à la solution. » 
Équations à l’appui, l’équipe montre qu’il est possible de déterminer à la fois la dose de rayons X déposée là où se trouve l’or, la masse d’or dispersée dans les cellules et l’atténuation par les tissus en amont et en aval des cellules tumorales.

Caméra Sabot installée sur son bras robotique © D. Renaud



Plus de nanoparticules dans les cellules tumorales agressives  

Quel bilan sur le front des cellules tumorales ? « Nous savions déjà que les nanoparticules d’or améliorent la radiosensibilité des cellules souches du cancer du sein (mésenchymateuses) qui en général, répondent mal à la radiothérapie, explique Sylvie Chevillard. Avec Satbot, nous avons observé que ces nanoparticules pénètrent en plus grand nombre dans les cellules à fort pouvoir métastatique (mésenchymateuses) que dans d’autres cellules tumorales moins agressives (épithéliales). De plus, nous avons repéré un deuxième mécanisme d’action des nanoparticules, différé dans le temps, qui pourrait être lié à un effet chimique de surface. Avec Cécile Sicard-Roselli, nous travaillons sur la physico-chimie des nanoparticules, de manière à améliorer leur capacité de pénétration dans la cellule. Le calibre des particules est également un point critique : il doit être assez petit et homogène. » 
Ces succès renforcent la motivation de la vingtaine de techniciens, ingénieurs et chercheurs impliqués dans Satbot. « La possibilité de prendre des risques est déjà en soi une source de motivation, témoigne Olivier Limousin. Dès qu’il le peut, chacun donne au projet un calcul, une manip ou des connaissances. » 

Simuler un patient

En parallèle, l’équipe explore la possibilité d’une imagerie de fluorescence à l’échelle du patient. « Le détecteur Caliste doit être positionné à environ 90° du faisceau de rayons X, autour du patient, car la probabilité de diffusion à cet angle est minimale, explique Caroline Vienne, « dompteuse de robots » selon les mots d’Olivier Limousin. Mais nous devons aussi prendre en compte l’environnement anatomique de la tumeur à traiter et en particulier éviter des obstacles tels qu’un os. L’objectif est de choisir les angles de vue les mieux adaptés à la mesure du signal ». Le détecteur doit donc être piloté avec doigté, de la même manière que les accélérateurs d’électrons utilisés en radiothérapie exécutent des trajectoires de plus en plus sophistiquées, optimisant l’efficacité de la dose. Un « ballet » minutieux à régler… 
Par ailleurs, l’idée d’une imagerie tridimensionnelle devient très attractive car elle permettrait de vérifier la répartition en volume des nanoparticules d’or au fil des séances de radiothérapie. Dans cette perspective, l’équipe parvient à reconstruire, à l’aide d’un sténopée (simple trou servant d’objectif), l’image de fluorescence X 3D de petits éléments d’or pur avec une résolution voisine du millimètre.  Un premier pas vers une tomographie de fluorescence des nanoparticules !

Et après Satbot ?

Les chercheurs préparent un ambitieux projet à la suite de Satbot qui vise notamment à remplacer le tube à rayons X par un accélérateur d’électrons de radiothérapie sur la plateforme Doseo du centre CEA Paris-Saclay puis à expérimenter les techniques développées in vivo. 
Le concept Satbot a aussi éveillé, plus en amont, de nombreux questionnements. Que se passe-t-il si on remplace les rayons X de la radiothérapie par des faisceaux d’ions lourds ? Existe-t-il des alternatives à l’or ? Quels sont les effets biologiques de nanoparticules contenant de l’or ou d’autres métaux ? Satbot n’est que le début de l’histoire…


Caliste sur Solar Orbiter
Les modules Caliste de l’Irfu équipent l’instrument Stix (Spectrometer/telescope for Imaging X-rays) de Solar Orbiter, la mission de l’ESA consacrée à l’étude du Soleil et de l’héliosphère interne, dont le lancement est prévu en février 2019. En développement depuis 2010, les détecteurs ont été livrés en 2015 et ont été testés jusqu’à l’été 2017.  En savoir plus

En savoir plus sur la plateforme Gerim2. 

En savoir plus sur la plateforme Doseo.

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