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Fait marquant | Biologie structurale

Bases moléculaires de l’infection de l’Homme par la grippe aviaire


​En recourant à une méthode RMN, des chercheurs de notre institut ont révélé les mécanismes moléculaires qui permettent au virus de la grippe aviaire de s'adapter à l'Homme. En mettant au jour les interactions entre la polymérase virale mutée et un facteur de transcription clef dans les cellules hôtes, cette étude permettra d'étudier le mécanisme de contagion inter-espèce de ces virus et donc d’ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques potentielles.

Publié le 21 juillet 2020
Le virus de la grippe A est annuellement responsable de 3 à 5 millions de cas, entraînant 250 à 500 000 décès. La plupart des souches de grippe évoluent exclusivement chez les oiseaux aquatiques, mais certaines souches aviaires hautement pathogènes (par exemple H5N1, H5N8, H7N9) peuvent infecter l'homme avec des conséquences mortelles (jusqu'à 60 % de mortalité). Elles constituent une menace de pandémie pour l'humanité si une transmissibilité interhumaine se développe. Pour que ces virus aviaires puissent se répliquer efficacement dans les cellules de mammifères, il est nécessaire que la polymérase virale s’adapte à l'hôte. On ne sait cependant rien des bases moléculaires de cette adaptation.

On sait depuis de nombreuses années que beaucoup de ces mutants dits adaptatifs sont localisés au niveau des domaines C-terminaux (627-NLS) de la sous-unité PB2 de la polymérase virale. L’un d’eux voit ainsi son acide aminé en position 627, un acide glutamique, se transformer en une lysine (E627 - K627). Il a également été démontré qu’un régulateur de la transcription de l’hôte intégrant un long domaine C-terminal intrinsèquement désordonné est responsable de cette adaptation virale. Curieusement, lorsque l’on compare les régulateurs de la transcription aviaire et humain, ce dernier est plus court de 33 acides aminés. Or, c’est cette région qui limite l'activité de la polymérase de la grippe aviaire dans les cellules de mammifères. On ne sait cependant rien des bases moléculaires de cette adaptation, probablement parce que la région 627-NLS et la protéine hôte sont toutes deux très dynamiques (intrinsèquement désordonnés) et de ce fait ne forment ni structures uniques ni ne se cristallisent.

En utilisant la spectroscopie RMN, les chercheurs de l'Irig ont déterminé les ensembles conformationnels des formes E627 et K627 sous une forme complexée avec les régulateurs de la transcription aviaire et humain. Ils révèlent que le domaine intrinsèquement désordonné du régulateur de la transcription humain se lie de façon transitoire et préférentielle au domaine 627, en utilisant de multiples sites de liaison pour maximiser son affinité. E627 interrompt la polyvalence de l'interaction, un effet qui est compensé par l'extension des régions impliquées dans l’interaction ainsi que par un motif aviaire unique présent dans le domaine intrinsèquement désordonné (Figure). Il est important de noter que les deux modes de liaison utilisés par les sous-unités PB2 des polymérases adaptées aux humains et aux oiseaux sont impossibles dans l'interaction croisée entre la polymérase aviaire et le régulateur humain de la transcription. Ceci suggère que cette spécificité moléculaire pourrait être liée à l'adaptation des espèces.



Cette étude fournit un cadre moléculaire pour comprendre les modes de liaison différentiels qui sous-tendent la restriction de la polymérase de la grippe par le régulateur de la transcription chez certaines espèces et permettra d'identifier de nouvelles cibles pour l'inhibition de la grippe.
La régulation de la transcription est la phase du contrôle de l'expression des gènes agissant au niveau de la transcription de l’ADN. Dans cette étude il s’agit de ANP32A pour la forme aviaire et ANP32A IDD pour la forme humaine.
Les protéines intrinsèquement désordonnées sont dépourvues de structure tridimensionnelle stable et sont fonctionnelles dans leur état désordonné. Leur grande flexibilité leur permet de s’adapter facilement à la surface de leurs partenaires. Elles sont alors capables de se replier lors d’une interaction.

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