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Laboratoire | Génomique | Cancer


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Sénescence et Stabilité Génomique

Publié le 16 octobre 2017
La sénescence cellulaire chez les cellules animales est une réponse au stress qui conduit à un arrêt stable de la prolifération accompagné de modifications de la transcription, comme par exemple l’expression de gènes d’inflammation. L’équipe étudie la sénescence cellulaire en tant que mécanisme suppresseur de tumeur qui joue aussi un rôle dans le vieillissement.

Responsables

Carl MANN, Directeur de Recherche CEA
Carl.Mann@Cea.Fr
Jean-Yves THURET, Chercheur CEA
Jean-Yves.Thuret@Cea.Fr

Cette équipe fait partie de l'I2BC

 



La sénescence cellulaire, un mécanisme suppresseur de tumeur

Des conditions liées à l’instabilité génomique peuvent déclencher la sénescence ; c’est par exemple le cas lors du raccourcissement des télomères dans les cellules somatiques qui n’expriment pas un niveau suffisant de télomérase. La sénescence peut aussi être déclenchée par l’expression d’oncogènes. En effet, si le développement d’une tumeur nécessite l’expression d’oncogènes qui entrainent une prolifération cellulaire incontrôlée, l’expression de tels oncogènes  (RASval12 ou B-RAF-V600E par exemple) dans des cellules humaines normales peut déclencher la sénescence et donc empêcher initialement cette prolifération incontrôlée. Ainsi, pour qu’une tumeur se développe, des voies effectrices de la sénescence qui impliquent les suppresseurs de tumeur p53 et Rb doivent être inactivées. Comment l’expression d’un oncogène peut-elle déclencher la sénescence ? La production d’espèces réactives de l’oxygène et des dommages de l’ADN associés au stress réplicatif ont été impliqués dans la réponse à l’expression de RASval12. L’équipe a  montré que la sénescence induite par l’oncogène RAF peut survenir en absence de stress oxydatif et de dommage de l’ADN apparents, et indépendamment de la réplication. Elle cherche donc à identifier de nouvelles voies qui contribuent à la sénescence induite par l’expression de RAF. L’oncogène B-RAF-V600E joue un rôle majeur dans les mélanomes, mais aussi dans d’autres cancers comme les carcinomes colorectaux et thyroïdiens. Afin d’étudier les voies impliquées dans la sénescence induite par B-RAF-V600E, une lignée cellulaire modèle de fibroblastes humains a été créée, dans laquelle on peut moduler l’expression de l’oncogène. Nos approches combinent des études ciblées et des analyses globales. Le rôle et l’importance des voies identifiées seront confirmés dans un modèle de souris dans lequel l’expression conditionnelle de B-RAF-V600E entraîne la sénescence des mélanocytes.

 
Figure 1: L’hyperactivation conditionnelle d’une kinase RAF dans des fibroblastes humains entraine une hyperactivation rapide des kinases effectrices Erk1/2 (A), suivie par une forte inhibition de la synthèse d’ADN après 2 jours (B) et l’apparition de marqueurs caractéristiques de la sénescence cellulaire, tels que l’activité ß-galactosidase associée à la sénescence (C), les foyers d’hétérochromatine associés à la sénescence (D) et l’accumulation des protéines HMGA1 et HMGA2 avec une diminution du niveau d’histone H1 (E).


 

Le variant d’histone H2A.J s’accumule dans les cellules sénescentes et favorise l’expression de gènes d’inflammation

La sénescence des cellules de mammifères se caractérise par un arrêt de la prolifération en réponse au stress et l’expression d’un phénotype inflammatoire. Des modifications de la chromatine ont été impliquées dans la répression stable des gènes de prolifération et dans la dé-répression des gènes d’inflammation lors de la sénescence. L’équipe a caractérisé la chromatine de cellules sénescentes par spectrométrie de masse. Elle a ainsi découvert que H2A.J, un variant d’histone H2A présent uniquement chez les mammifères et très peu étudié jusqu’à maintenant, s’accumule dans les fibroblastes humain sénescents où persistent des dommages de l’ADN. Chez la souris, H2A.J s’accumule aussi, dans certains tissus, avec l’âge. Si l’on diminue la quantité de H2A.J, on inhibe la dé-répression des gènes d’inflammation qui contribuent au phénotype sécrétoire associé à la sénescence, et inversement, si nous augmentons l’expression de H2A.J nous augmentons aussi l’expression de certains de ces gènes dans des cellules en prolifération. L’accumulation de H2A.J pourrait donc permettre la détection des cellules sénescentes par le système immunitaire, mais au même temps contribuer à l’établissement d’une inflammation chronique et au développement de maladies liées au vieillissement. L’équipe étudie actuellement le mécanisme par lequel H2A.J facilite l’expression des gènes inflammatoires dans les cellules sénescentes, et s’intéresse aussi à ses fonctions dans les tissus où son accumulation semble indépendante de la sénescence.

 
Figure 2: Heatmap d’analyses transcriptomiques montrant que la diminution de l’expression de H2A.J par interférence ARN inhibe la dé-répression de gènes d’inflammation dans des fibroblastes humains sénescents.


 

Modulateurs de la sénescence cellulaire

 L’accumulation de cellules sénescentes a été impliquée dans diverses pathologies humaines associées au stress et au vieillissement. La sénescence pourrait interférer avec la régénération des tissus en limitant le potentiel prolifératif des cellules souches, et la sécrétion de facteurs inflammatoires par les cellules sénescentes pourrait avoir des effets paracrines négatifs associés à l’inflammation chronique liée à l’âge. Des études sur des modèles murins ont montré que l’élimination des cellules sénescentes pouvait limiter ou ralentir certains phénotypes liés à l’âge. Nous recherchons des petites molécules ou des composés naturels qui modulent les phénotypes liés à la sénescence, en collaboration avec le Service de Chimie Bioorganique et de Marquage (SCBM) et la plateforme de criblage PARi du CEA-Saclay. Des molécules capables d’entrainer une réversion de sénescence, d’empêcher ou de retarder son établissement, de limiter le phénotype sécrétoire ou encore d’être sélectivement toxiques pour les cellules sénescentes seront intéressantes (figure 3). Elles serviront à la dissection des mécanismes de la sénescence, et pourraient présenter des intérêts thérapeutiques pour la modulation de la sénescence dans des maladies humaines. Nous avons effectué un criblage pilote sur une petite chimiothèque (Prestwick chemical library) composée de molécules utilisées en médecine humaine. Nous avons identifié les effets remarquables d’une classe de molécules sur la sénescence induite par RAF, et nous étudions actuellement les mécanismes par lesquels ces molécules modulent la sénescence.

 
Figure 3 : Concepts de criblage de modulateurs de la sénescence​