Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Étudier sur Terre la génération du champ magnétique

Actualité | Publication scientifique | Résultat scientifique | Matière & Univers | Astrophysique | Outils & instruments de recherche | Simulation & modélisation | Recherche fondamentale

Étudier sur Terre la génération du champ magnétique à l'intérieur des étoiles et des planètes


​Une équipe française a réussi à modéliser de manière détaillée l’émergence d’un champ magnétique par effet dynamo au sein d'un liquide conducteur turbulent. Ces résultats publiés le 23 mai 2017 dans Physics of Plasma permettent d’éclairer les astrophysiciens sur la génération des champs magnétiques au sein des étoiles ou planètes.

Publié le 23 mai 2017

​Des chercheurs du CEA, du CNRS, de l’Université Paris Diderot et de l’Université Paris-Sud1 ont réalisé une simulation à haute résolution, en utilisant la géométrie de l'expérience de dynamo von-Kármán-Sodium (VKS, voir ci-dessous), montrant comment le vortex de liquide créé par les hélices du dispositif VKS génère un champ magnétique. Les chercheurs ont en particulier étudié les effets de la résistivité électrique et de la turbulence des fluides sur la génération et la collimation (son caractère directif) du champ magnétique généré. L'étude publiée dans le journal Physics of Plasma offre des perspectives pour optimiser les expériences sur l'effet dynamo au laboratoire afin d'améliorer la similarité avec les processus existant au cœur des étoiles ou des planètes à cœur liquide. 

Qu’est-ce que l’effet dynamo ?

L'effet dynamo consiste en la génération spontanée d’un champ magnétique au sein d'un liquide conducteur turbulent. Dans une dynamo solide, le mouvement d’un aimant produit un courant électrique dans une bobine. Dans un fluide conducteur en mouvement, des fluctuations locales de courant et de champ se produisent et se renforcent d'où, au-delà d'un seuil d'agitation, un champ magnétique macroscopique émerge spontanément. En 2007, la collaboration VKS est parvenue à montrer expérimentalement qu'il est possible de produire cet effet dynamo avec du sodium liquide mis en rotation turbulente. Des zones d'ombre subsistent encore sur l'origine du phénomène dans l'expérience. C’est pourquoi les chercheurs poursuivent leurs efforts expérimentaux et en simulation numérique autour de cette expérience.

Schéma VKS.jpg

Schéma de l'expérience VKS. Le rectangle rouge correspond à la partie simulée du flot entre les deux lames. © Varela/Brun/Dubrulle/Nore


Créer un champ magnétique dans du sodium liquide

Dans l'expérience de dynamo VKS, deux pales de turbine de chaque côté d'un cylindre rempli de sodium liquide créent une turbulence qui peut générer le champ magnétique. Alors que les simulations numériques antérieures de l'effet dynamo avec du sodium ne fournissent que des résultats avec une résolution spatiale limitée au niveau des pales, l'étude actuelle est la première à modéliser, à haute résolution, près des turbines, le flot de sodium  à l'intérieur de la dynamo VKS. 
En simplifiant la géométrie de l'appareil, les chercheurs ont réalisé des simulations magnétohydrodynamiques ciblées pour comprendre comment la turbulence et les caractéristiques du liquide et des matériaux constituant les pales des turbines affectent la collimation du champ magnétique. 
« Le flux hélicoïdal entre les pales de la turbine crée une collimation du champ magnétique, ce qui facilite le mécanisme de l’effet dynamo dans l'appareil, explique Jacobo Varela, chercheur au CEA-Irfu lors de ce travail. De plus, nous avons constaté que lorsque les pales de la turbine sont constituées de matériaux ferromagnétiques, la collimation du champ magnétique est renforcée ». En revanche, la simulation numérique montre que l'utilisation de matériaux conducteurs affaiblit la collimation du champ. Cette découverte explique ainsi pourquoi l'effet dynamo dans les expériences VKS est plus facilement obtenu lors de l'utilisation de turbines en fer doux plutôt qu’en cuivre ou en acier.
Vue 3D VKS.jpg
Vue 3D des lignes de vortex et de champ magnétique simulées pour deux conditions aux limites différentes : pales ferromagnétiques (à gauche A) et conductrices (à droite B). En rouge est superposée une iso-surface du champ magnétique montrant la plus forte amplitude du champ induit dans le cas ferromagnétique (A) via une collimation du vortex plus forte. Sur le plan de coupe (bleu) est projeté le vortex. © Varela/Brun/Dubrulle/Nore

 1 AIM (CEA-Irfu, CNRS, Univ. Paris Diderot), SPEC (CEA-Iramis, CNRS) et LIMSI (CNRS, Univ. Paris-Sud).

Un moyen d'étudier la génération du champ magnétique dans les étoiles

Dans la simulation, au fur et à mesure que la turbulence augmente, le champ magnétique passe d'un état stable à un état présentant des inversions périodiques, comme celles observées sur Terre ou dans certaines étoiles. Par exemple, le champ magnétique du Soleil change de polarité environ tous les 11 ans, période résultant de la turbulence interne et de sa vitesse de rotation. Ces travaux permettent donc d’envisager une nouvelle compréhension de la génération de champ par effet dynamo dans les étoiles et les autres objets astronomiques à cœur liquide et conducteur

À propos de l’expérience VKS

L’expérience « von Karman - Sodium » (VKS) a permis d'observer l'émergence d'un champ magnétique spontané par effet dynamo dans un container rempli de sodium liquide. Débutée il y a plus de 10 ans sur le centre CEA de Cadarache, elle a bénéficié de l'expertise des équipes du CEA sur la manipulation de fluides métalliques tels que le sodium. Cette collaboration du CEA, du CNRS et des ENS de Lyon et de Paris a ensuite permis la mise en évidence, au laboratoire, d’inversions spontanées du champ magnétique, similaires à celles observées sur Terre. En janvier 2017, la prestigieuse revue scientifique Physical Review Letters a d’ailleurs classé l’article décrivant ce résultat parmi ses publications les plus remarquables de ces 10 dernières années. 

Haut de page

Haut de page