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Observation et modélisation de l’eau atmosphérique en Antarctique


Une équipe de quatre chercheurs, dont Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au CEA, a obtenu jeudi un « Synergy Grant » du Conseil européen de la recherche pour un important projet de mesures inédites en conditions extrêmes du cycle atmosphérique de l’eau en Antarctique.

Publié le 6 novembre 2020

C’est le dernier territoire indompté de la planète. L’Antarctique, au Pôle Sud, est la région la plus froide du monde, recouverte à 98% d’une épaisse couche de glace offrant une nature quasiment vierge. Par son emplacement privilégié, ce continent grand comme 1,5 fois l’Europe a une importance centrale dans le système climatique mondial. Il représente une source essentielle pour l’étude de l’environnement, notamment du changement climatique.

Paléoclimatologue, co-présidente du groupe de travail sur les sciences du climat du GIEC et directrice de recherche au Laboratoire des sciences et du climat (LSCE - CEA/CNRS/UVSQ) Valérie Masson-Delmotte s’intéresse depuis longtemps au cas de l’Antarctique. Spécialiste de l’évolution du climat et des processus reliant les isotopes stables des précipitations aux paramètres climatiques, son expertise sur le réchauffement climatique est écoutée sur les scènes nationale et internationale.

Conjointement avec Alexis Berne, de l’EPFL, Christophe Genthon, du Centre nationale de la recherche scientifique, et Thomas Dubos, de l’École Polytechnique, Valérie Masson-Delmotte a obtenu le 5 novembre un « Synergy Grant » du Conseil européen de la recherche (ERC) à hauteur de 14 millions d’euros pour le projet AWACA (Atmospheric WAter Cycle over Antarctica). Prévu pour durer six ans, ce projet interdisciplinaire se concentre sur la branche atmosphérique du cycle de l’eau en Antarctique. Autrement dit, comment la neige s’y forme, comment elle tombe, et en quelle quantité.

Conditions extrêmes

La première étape du projet consistera à effectuer une importante campagne de mesures grâce à une batterie d’instruments installés entre la côte antarctique, au niveau de la base française Dumont d’Orville, et la base franco-italienne Concordia, distante de 1 100 km sur le Haut-plateau de l’inlandsis. Les instruments doivent caractériser, contrôler et enregistrer la physique et la dynamique de la colonne atmosphérique (nuages et précipitations), la composition isotopique de la neige en surface, et les variables de surface (température, humidité, vent, neige soufflée).

D’après Alexis Berne de l’EPFL, « rien de similaire n’a encore été fait. Il y a beaucoup de défis technologiques, notamment faire fonctionner des instruments de manière complètement autonome pendant des mois dans des conditions extrêmes : sur la côte, il y a énormément de vent, avec des pointes à 200 km/h, et plus on monte vers l’intérieur des terres, plus les températures baissent ». La station Concordia connaît notamment six mois de nuit et des températures pouvant atteindre -80°C en hiver.

Valérie Masson-Delmotte souligne l’importance de ce projet : « Dans un climat qui se réchauffe, des incertitudes majeures sont associées au devenir du bilan de masse de l'Antarctique : quelle évolution de l'enneigement? Quelle évolution de l'écoulement dynamique? Ce projet s'attaque au seul mécanisme qui pourrait modérer la montée du niveau des mers, à savoir l'évolution de la quantité de neige qui se dépose sur la calotte, et qui reste associé à une incertitude majeure ».

A ce titre, Valérie Masson-Delmotte ajoute : « Ce projet permettra d'utiliser un ensemble d'observations innovantes, y compris les isotopes stables de la vapeur d'eau et de la précipitation neigeuse, pour améliorer la modélisation des processus physiques. Nous combinerons aussi les informations issues des carottes de glace qui couvrent le dernier millénaire et les modèles qui représentent mieux ces processus pour produire une reconstitution de la circulation atmosphérique et du climat de l'Antarctique ».

Revisiter les carottes glaciaires

Un second volet du projet consistera à revisiter l’interprétation des carottes de glace, sources pour les scientifiques de précieuses informations sur les variations climatiques qui ont eu lieu dans le passé. Les données du projet AWACA, qui doivent être récoltées au fil des saisons et loin des stations habitées, seront complétement inédites. Un aspect important pour mieux comprendre et prévoir le changement climatique. Alexis Berne explique : « Si nous arrivons à comprendre, à partir de cette campagne de mesure, comment ces processus s’articulent et s’influencent les uns les autres, nous pourrons reconstituer les climats passés en prenant en compte ces influences négligées jusque-là. Et ainsi améliorer les modèles climatiques pour réduire les incertitudes liées à cette composante du cycle de l’eau dans les projections futures ».

Le volume des océans est fortement influencé par le bilan de masse de la calotte antarctique : si celle-ci perd de la masse par fonte, le niveau des océans augmente, au contraire si elle en gagne par accumulation de neige, le niveau baisse. D’où l’importance d’un tel projet pour réduire les incertitudes sur cette accumulation de la neige, améliorer les connaissances sur les conditions atmosphériques du Pôle sud, et affiner les projections climatiques futures.

Financement

European Research Council (ERC), Synergy grant 2020.


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