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Art et science

Un projet artistique fait progresser les compétences du laboratoire sur le traitement de surfaces


​Le CEA-Iramis met ses compétences sur les traitements de surfaces innovants au service d'un artiste pour concevoir un oeuvre d'art. "Pleureuses", le projet artistique, a fait progresser les compétences du laboratoire pour la fonctionnalisation de surfaces et le traitement des coques de bateau.

Publié le 24 novembre 2016

​Des plaques de verre, de taille humaine, posées telles des stèles, laissent s’écouler des gouttes d’eau, mais ces dernières ne semblent pas se diriger hasardeusement vers le sol. Elles prennent des chemins de traverse, épousant des tracés invisibles, accélérant, décélérant pour former des esquisses de visages dont l’expression est, de fait, conditionnée par ce processus et cette matérialité. Ces plaques de verres, subtilement éclairées, reposent sur des miroirs qui favorisent les jeux de reflets et de regards. Ainsi, les visages de pleureuses qui apparaissent à leur surface se confondent à ceux des spectateurs qui s’y reflètent.
Qui n’a jamais contemplé des gouttes d’eau cherchant leur chemin sur une vitre ? En collaboration avec Pascal Viel, Daniel Desforge, Bruno Coltrinari et François Bugeon (CEA Saclay), Samuel Bianchini, artiste et enseignant-chercheur à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad), met en œuvre ce phénomène pour Pleureuses. Pour les besoins du projet, les équipes du CEA-Iramis ont mis en oeuvre de nouveaux procédés de traitement chimique des surfaces non toxiques, de façon à définir précisément des zones hydrophiles et hydrophobes sur le verre. 

Pleureuses est exposé à Orsay (Essonne) du 18 novembre au 11 décembre 2016.

Pleureuses, oeuvre de Samuel Bianchini (avec Pascal Viel du CEA-Iramis) © S.Bianchini


Un projet artistique qui fait progresser les compétences du laboratoire pour la fonctionnalisation de surfaces et le traitement des coques de bateau

Les développements nécessaires à Pleureuses ont apporté de nouveaux outils et de nouvelles expertises de fonctionnalisation d’une surface. Face à une problématique nouvelle, issue d’un travail purement académique ou d’une demande industrielle, on fait appel à l’ensemble de ces « outils ». Au delà de cet aspect général, ces développements ont ouverts deux perspectives directes, l’une dans le domaine de la fonctionnalisation de surfaces à travers des impressions à jet d’encre et l’autre dans le domaine du traitement  des coques de bateau. 
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"Pleureuses - Rapport d'expérience", cliché pris lors de la mise au poitn du triatement de surfaces pour le projet "Pleureuses" mené par Samuel Bianchini avec la collaboration de Pascal Viel (CEA Iramis), Daniel Desforge (CEA Irfu) et Bruno Coltrinari (CEA) - Avec les soutiens du CEA, de La Diagonale Paris-Saclay et du Département de l'Essonne. © Samuel Bianchini



Développements techniques nécessaires à la réalisation de Pleureuses

L’intention technique est de maîtriser l’écoulement de l’eau sur une surface de verre pour donner les moyens à l’artiste de créer une œuvre. Il faut donc gérer des contrastes très forts entre des endroits où l’eau s’écoule (zones hydrophobes) et d’autres où l’eau s’arrêtera (zones hydrophiles).
Les développements nécessaires à l’aboutissement de ce projet ont demandé six ans de travail et de nombreux travaux de recherche. On peut les regrouper en trois phases. Dans la phase initiale, la surface envisagée était celle d’un plastique comme le plexiglass. On cherchait alors à retenir l’eau a certains endroits. Dans la deuxième phase, le matériau était le verre et, grâce à des technologies bio-inspirées des mécanismes d’adhésion des coquillages aux rochers, on cherchait à « accrocher » l’eau au verre. La technique finalement adoptée fait l’inverse et elle définit chimiquement les endroits où l’eau doit couler sans résistance grâce à des agents de couplage silane.

Tracer des zones hydrophiles sur le plexiglass

Une vitre en verre exposée à l’eau de pluie perd 1 µm (10-6m) d’épaisseur par an. Ce phénomène  s’appelle la lixiviation. Il s’agit d’une forme de dissolution chimique très lente de la surface du verre de plusieurs couches atomiques chaque jour ! Comment alors créer des liaisons chimiques stables à la surface du verre ?
Les premières surfaces traitées ont été réalisées sur plexiglass. Le plexiglass est hydrophobe et l’eau ne s’y accroche pas. Il a docn été posislbe de définir localement (via des pochoirs) des zones hydrophiles.
La technique utilisée était issue directement de savoir-faire du laboratoire, engagé dans des procédés de métallisation de plastiques pour de l’électronique imprimée flexible. 
Cette chimie était relativement sophistiquée et impliquait des composés chimiques onéreux et présentant des risques chimiques. Le mécanisme était photochimique et se déclenchait au Soleil. Cela représentant une caractéristique originale et élégante du procédé qui s’accordait bien avec la démarche artistique.
"Pleureuses", une oeuvre d'art qui fait progresser les compétences du laboratoire sur le traitement de surfaces © CEA/JL Sida


 

Tracer des zones hydrophiles sur le plexiglass et le verre par des techniques bio-inspirées

Le deuxième procédé testé utilisait des molécules dont la chimie de couplage avec des surfaces était bio-inspirées. Il mettait en oeuvre des composés chimiques présents dans les mécanismes d’adhésion des coquillages sur les rochers, les principes actif des filopodes de moules, un procédé basé sur la polymérisation de la polydopamine.
Ce procédé pouvait s’appliquer sur des matériaux plastique et sur le verre. Cela a permis de passer sur le substrat souhaité pour l’utilisation artistique envisagée par Samuel Bianchini. Cependant un revêtement hydrophile est compliqué à stabiliser sur le verre à cause de la lixiviation. En effet, l’eau étant en affinité avec le revêtement, elle s’y imprègne et atteint l’interface où la dissolution du verre s’opère. Si le coquillage vivant peut reconstituer ses filopodes, la chimie des humains ne sait pas encore faire cela. Il se produisait donc un vieillissement prématuré des zones retenant l’eau. Les chercheurs otn donc inversé leur mode de pensée et leur usage de la chimie : au lieu de crééeer  des zones de gouttelettes hydrophiles pour garder l’eau aux bons endroits, ils ont, au contraire, défini des zones hydrophobes pour chasser l’eau aux endroits où on ne la voulait pas…
 

Tracer des zones hydrophobes sur le verre et stabilisation du processus

La démarche chimique finalement employée est aujourd’hui largement développée. Il s’agit de la stratégie d’agents de couplage silane. Les silanes sont des molécules bifonctionnelles organo-minérale composées d’une partie  silicium compatible avec le verre et d’une partie organique qui permet d’apporter la fonctionnalité chimique souhaitée.
Il existe donc des silanes qui portent des fonctions organiques hydrophobes. Ces produits sont disponibles industriellement et développés pour la microélectronique. Ces molécules sont très utilisées par les laboratoires pour fonctionnaliser le verre. Des applications concernant les fibres de verre, la biologie… Ces composés dédiés à la chimie de verre se sont révélés très efficaces et surtout stables dans le temps.
Le verre étant naturellement hydrophile, un revêtement hydrophobe a plus de chance d’être stable puisque l’eau ne reste pas dessus, ne l’imprègne donc pas et ne participe pas à la dissolution du verre. Dans une démarche d’exposition, la bonne stabilité du revêtement et donc de l’œuvre, était une forte contrainte. Les silanes se sont aussi avérés les meilleurs candidats pour utiliser une chimie respectueuse de la santé et de l’environnement, applicable à de grandes surfaces à faible coût et facile d’entretien.

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