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Un nouveau type d'oscillation de neutrino observé dans l'expérience T2K


​A l’occasion de la conférence EPS-HEP 2013, grand rendez-vous de la physique des hautes énergies qui se déroule à Stockholm du 18 au 24 juillet, la collaboration internationale T2K, à laquelle participent des physiciens du CEA[1] et du CNRS[2], annonce la découverte d’un nouveau type d’oscillation de neutrino correspondant à la transformation d’un neutrino muonique en un neutrino électronique.

Publié le 19 juillet 2013

En 2011, les physiciens de T2K avaient réussi à détecter un premier signal de ce type de transformation. Aujourd’hui, grâce à l’accumulation de nouvellesdonnées, environ 3,5 fois supérieures à celles obtenues en 2011, les physiciens de l’expérience T2K apportent la preuve de l’existence d’un tel phénomène, avec une incertitude inférieure à une part sur mille milliards. Cette découverte établit pour la première fois de manière non ambigüe l’apparition, au point de détection, d’un neutrino de saveur bien définie (type électronique), différente de celle que le neutrino possédait au départ, au moment de sa création (type muonique).

Les neutrinos existent sous trois formes ou « saveurs » : les neutrinos électrons, muons et tau. Située au Japon, l’expérience T2K étudie le mécanisme d’oscillation de ces particules, c’est-à-dire la capacité qu’elles ont à se transformer en une autre saveur durant leurs déplacements. L’expérience T2K utilise un faisceau très intense de neutrinos muoniques produits par l’accélérateur de protons du centre de recherches J-PARC situé à Tokai sur la côte est du Japon. Ce faisceau de neutrinos, contrôlé et analysé à Tokai (Japon) par deux dispositifs expérimentaux complexes, nommés INGRID et ND280, est dirigé vers le gigantesque détecteur souterrain Super-Kamiokande (SK), près de la côte ouest du Japon, à une distance de 295 km de J-PARC. L’analyse minutieuse des données recueillies par le détecteur SK, associée à la mesure du « temps de vol » des neutrinos depuis J-PARC, montre que le nombre d’interactions de neutrinos de type électronique (un total de 28 événements) est significativement supérieur à celui attendu (4,6 événements) en l’absence de ce nouveau type d’oscillation.

Le phénomène d’oscillation du neutrino est une manifestation à longue distance d’un processus d’interférence en mécanique quantique. L’observation faite par la collaboration T2K constitue une avancée majeure en physique des particules car elle ouvre la voie à de nouvelles expérimentations concernant la violation de la symétrie de CP (charge-parité)[3]. Celle-ci est une propriété fondamentale qui permet la distinction entre la matière et l’antimatière. A ce jour, l’observation de la brisure de la symétrie de CP, récompensée en 1980 et 2008 par le prix Nobel, n’a été mise en évidence que dans le domaine des quarks. La « violation de CP », si elle est également présente dans le domaine des neutrinos, pourrait avoir joué un rôle important dans les premiers instants de la formation de l’Univers apportant ainsi une explication à l’un des plus grands mystères de la physique : pourquoi y-a-t-il plus de matière que d’antimatière dans l’Univers aujourd’hui ?
Avec la découverte par T2K de ce nouveau type de transformation du neutrino, sensible au phénomène de la « violation de CP », la mise en évidence d’une éventuelle asymétrie entre le neutrino et son antiparticule, l’antineutrino, devient un enjeu scientifique majeur pour ces prochaines années. L’expérience T2K qui, dans un futur proche, prévoit d’accumuler dix fois plus de données avec l’utilisation conjointe d’un faisceau d’antineutrinos, devrait occuper une place majeure dans cette aventure scientifique.

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Figure 1. Evénement neutrino électronique dans le détecteur Super-Kamiokande. © T2K

Dans cette image 3D du détecteur à forme cylindrique Super-Kamiokande, chaque point de couleur correspond à la détection de lumière Tcherenkov par un des 11200 photomultiplicateurs localisés sur les parois d’une cuve remplie de 50000 tonnes d’eau ultra-pure. L’anneau de forme circulaire est caractéristique d’un électron produit par l’interaction d’un neutrino électronique avec l’eau. © T2K

[1] Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’univers (Irfu).
[2]Les laboratoires impliqués sont : Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (CNRS/Université Pierre et Marie Curie/ Université Paris Diderot), Institut de physique nucléaire de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1), Laboratoire Leprince-Ringuet (CNRS/École Polytechnique).[3] Dans la physique moderne, l'invariance (ou non) des lois de la physique lorsque les particules sont remplacées par leurs antiparticules (C), et lorsque les trois directions de l'espace (P) et du temps (T) sont renversées joue un rôle central. Alors que l'invariance par CPT est une hypothèse fondamentale, vérifiée expérimentalement, la violation de la symétrie CP fait l'objet de nombreuses études et n'a pas encore été expliquée de façon satisfaisante par la théorie.

L’expérience T2K a été réalisée et conduite par une collaboration internationale regroupant plus de 400 physiciens provenant de 59 instituts de recherche répartis dans 11 pays (Allemagne, Canada, Espagne, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Pologne, Royaume Uni, Russie et Suisse). Les équipes françaises ont apporté une contribution majeure dans la conception, la construction et le fonctionnement de plusieurs des éléments des détecteurs proches INGRID et ND280. Les physiciens du CEA/Irfu et du CNRS sont aussi fortement impliqués dans l’analyse des données de l’expérience T2K, notamment dans la caractérisation du faisceau de neutrinos par les dispositifs INGRID et ND280. Ils ont également participé à la calibration du détecteur Super-Kamiokande.

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Figure 2. L’expérience T2K © T2K

Figure 2. L’expérience T2K utilise un faisceau de neutrinos muoniques produit par l’accélérateur de J-PARC situé à Tokai sur la côte est du Japon. Il est dirigé vers le détecteur Super-Kamiokande à 295 km du point de production où les neutrinos muoniques transformés en neutrinos électroniques sont observés. © T2K

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