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Mieux maîtriser la turbulence : première observation d'événements singuliers de dissipation de l'énergie


​​​Des chercheurs du CEA et du CNRS ont développé une nouvelle approche expérimentale qui permet d’étudier la dissipation d'énergie au sein des mouvements turbulents dans un liquide visqueux. Dans leur expérience, décrite dans Nature Communications le 31 août, l'équipe scientifique montre la présence, à petite échelle, de plusieurs types d'événements rares, mais intenses, de dissipation d’énergie par un processus indépendant de la viscosité.

Publié le 31 août 2016
​La maîtrise de la dissipation d'énergie dans les écoulements fluides est un sujet de première importance dans un grand nombre de domaines, aussi variés que l'aéronautique, la navigation, l'astrophysique ou les études sur le climat… Comprendre les phénomènes de turbulence constitue donc un enjeu scientifique, technologique et économique important. 

Soumis à une agitation mécanique, un fluide visqueux est mis en mouvement et devient turbulent : son écoulement se structure en mouvements tourbillonnaires qui se ramifient sur plusieurs échelles allant de la taille du système (océan, lac, récipient,…) à l'échelle la plus fine, fonction de la viscosité. L’énergie injectée dans le fluide est finalement dissipée par effet de viscosité. Les chercheurs de l'équipe SPHYNX de l’Iramis/SPEC​ (CEA/CNRS), ont développé une nouvelle approche expérimentale et théorique permettant de quantifier localement les transferts d’énergie jusqu'à l’échelle (inférieure au millimètre) où la viscosité opère.

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Dispositif expérimental : 2 caméras placées orthogonalement (cercles rouges) permettent de suivre les mouvements des particules dispersées dans le fluide placé dans le récipient éclairé. 2 turbines contra rotatives (haut et bas) mettent le fluide en mouvement. L'ensemble est convenablement thermostaté. © © L. Barbier - CEA

Le dispositif expérimental se présente sous la forme d'un récipient transparent contenant un mélange eau-glycérol, en proportion variable pour ajuster la viscosité, agité par deux turbines. Pour suivre le mouvement du fluide transparent, de fines particules de 10 microns sont dispersées dans le liquide, dont les trois composantes de vitesse sont mesurées à l'aide de deux caméras de haute résolution équipées d'optiques ajustables. Le suivi des vitesses de l'ensemble des particules permet d'avoir une mesure globale et local​e, du décimètre au millimètre, de l'évolution des mouvements turbulents permettant de calculer les transferts d’énergie. 

Iramis/SPEC : Institut rayonnement-matière de Saclay / Service de Physique de l'État Condensé​
​Les mesures montrent, pour la première fois, l’émergence d’événements extrêmes de dissipation non visqueuse, à des échelles où la viscosité est censée amortir tout mouvement et dissiper toute l’énergie. De façon surprenante, les champs de vitesses correspondant à ces événements extrêmes peuvent être répertoriés en quatre classes topologiques (fronts, spirales, jets et points de rebroussement).

Le développement de la cascade tourbillonnaire est complexe, mais cependant bien décrit par les équations de Navier-Stokes, à la base de toute la mécanique des fluides. Ces équations traduisent simplement les grandes lois de conservation (masse, impulsion et énergie), mais l'unicité de leurs solutions n'est pas mathématiquement établie. Ce problème constitue un des sept défis du millénaire retenus par le Clay Mathematics Institute, chacun d'eux étant doté d'un prix d’un million de dollars. Dans ce cadre, l'apparition spontanée de singularités de dissipation de l'énergie est prédite par certains modèles, que l'on peut tenter de rapprocher des observations expérimentales de l'équipe de l’Iramis/SPEC (CEA/CNRS). Les structures mises en évidence par les chercheurs pourraient correspondre à des pré-singularités, événements précurseurs des singularités à petite échelle recherchées par les mathématiciens.

De plus, cette mise en évidence expérimentale de phénomènes de dissipation non visqueuse de l'énergie à petite échelle impose une contrainte forte sur toute modélisation hydrodynamique d'écoulement d'un fluide réel : une plus grande gamme d'échelle doit être considérée dans les simulations pour rendre compte du phénomène global. Ceci pourrait modifier les principes mêmes des méthodes numériques actuellement utilisées.

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