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Succès parasitaire des nématodes à galles, bien plus qu’une simple histoire de sexe


​Les nématodes à galles sont des ravageurs importants en agriculture, parmi lesquels excellent les espèces qui se reproduisent de manière strictement asexué, en dépit des avantages génétiques conférés par la reproduction sexuée. Des chercheurs de l’Inra, de l’Université Côte d’Azur, du CEA et du CNRS1 ont mis en évidence que l’histoire évolutive de ces nématodes et les particularités structurales de leur génome pourraient expliquer une partie de ce succès hors normes. Ces résultats sont publiés le 8 juin 2017 dans la revue PloS Genetics.

Publié le 10 juin 2017
Responsables annuellement de plus de 100 milliards de dollars de perte de production à l’échelle de la planète, les nématodes phytoparasites sont d’importants ravageurs de cultures. Parmi eux, les nématodes à galles du genre Meloidogyne sont les plus dommageables pour l’agriculture. Ils ont la capacité de pouvoir se reproduire de façons variées, sexuée ou non. Contre toute attente, les espèces les plus répandues et les plus dévastatrices sont celles qui se reproduisent par voie strictement asexuée, faisant apparemment fi des avantages du brassage génétique que procure la reproduction sexuée.

Pendant des années, ce paradoxe entre succès parasitaire et absence de reproduction sexuée est resté un mystère. Des chercheurs de l’Inra, de l’Université Côte d’Azur, du Genoscope (CEA) et du CNRS se sont intéressés aux raisons de ce succès hors normes. Mobilisant les techniques les plus récentes de la génétique et de la génomique, ils ont exploré les génomes de trois nématodes à galles se multipliant de façon strictement asexuée et les ont comparés à celui d’un congénère capable de se reproduire de manière sexuée. 

Une histoire évolutive récente…

Les scientifiques ont mis en évidence des différences notoires entre les génomes des nématodes se multipliant de manière strictement asexuée et ceux se reproduisant de façon sexuée.

Les génomes des nématodes se reproduisant de façon asexuée, Meloidogyne incognita, M. javanica et M. arenaria, se révèlent être trois à cinq fois plus gros que celui du nématode se reproduisant de façon sexuée, M. hapla, soit entre 185 et 300 Mégabases (Mb) contre 50 à 60 Mb. 

Au sein d’une même cellule, ces génomes sont présents en plusieurs copies (de trois à quatre) avec une très forte divergence. Chez un même individu, la divergence entre les copies est de l’ordre de 8 % ce qui est supérieur à celle que l’on relève habituellement entre génomes d’espèces différentes. L’analyse de l’histoire évolutive de ces copies de génomes montre qu’ils proviennent d’évènements d’hybridation. A l’inverse de la divergence élevée du génome nucléaire, au sein d’une même espèce, le génome mitochondrial de ces nématodes diverge très peu entre espèces différentes. Cela suggère que ces hybrides partagent un ancêtre maternel récent.

1  Ces travaux impliquent une équipe internationale dont, en France, l’Institut Sophia Agrobiotech (Inra, Univ. Côte d’Azur, CNRS), l’Institut de Génomique (CEA), le Laboratoire des Interactions plantes – microorganismes (Univ. Toulouse, Inra, CNRS), l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (CNRS, Univ. Côte d’Azur), l’unité Mathématiques et informatique appliquées de Toulouse (Inra) et le laboratoire Génomique métabolique (CNRS, CEA, Univ. Evry).

… au service d’une divergence plastique et fonctionnelle 

Explorant les conséquences fonctionnelles de l’origine hybride des nématodes à reproduction asexuée, les scientifiques ont montré que la structure de leur génome pourrait avoir un impact fonctionnel conséquent, susceptible de contribuer à leur succès.

Ainsi, chez ces nématodes, plus de 60 % des copies de gènes présentes dans les régions dupliquées arborent des profils d’expression différents.  Ces copies de gènes ont, de plus, accumulé des mutations non-synonymes qui changent la séquence de la protéine codée et peuvent modifier leur fonction biochimique. Ainsi, lorsque les espèces sexuées disposent de deux allèles d’un même gène, quasiment identiques, les espèces asexuées possèdent en général trois à quatre copies très divergentes en termes de séquence et potentiellement en termes de fonction. Par ailleurs, leur génome est composé pour moitié d’éléments transposables - des séquences d’ADN mobiles répétées susceptibles de générer des mutations en se déplaçant et donc de jouer un rôle majeur dans les modifications que subit le génome - contre seulement un tiers pour celui du nématode pouvant se reproduire de manière sexuée. 

…favorable au succès des nématodes à galle se reproduisant de manière asexuée

Couplant une histoire évolutive rythmée par des hybridations multiples et récentes avec des particularités génomiques structurales et fonctionnelles qui pourraient expliquer une partie de leur succès parasitaire, les nématodes à galles sont le reflet d’un paradoxe évolutif qu’ont percé les chercheurs de l’Inra, de l’Université Côte d’Azur, du Genoscope (CEA) et du CNRS. Au-delà, ces résultats posent la question de l’apparition possible de nouvelles hybridations susceptibles d’engendrer des espèces plus destructrices et difficiles à contrôler. Il est donc important de prendre en compte ces risques, en particulier dans le cadre des échanges internationaux et d’être vigilant sur les possibilités de rencontres entre différentes espèces d’un ravageur de cultures. En effet, même si les hybrides asexués peuvent constituer une impasse évolutive, vouée à l’extinction à long terme, ils pourraient causer des dégâts considérables à court terme et être régulièrement remplacés par de nouveaux hybrides.


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