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La corrosion et l’altération des matériaux du nucléaire

Conclusion


​En matière de corrosion chaque cas est un cas particulier. Force est de constater que nous ne sommes pas encore arrivés à une approche unifiée de la corrosion !

Publié le 12 décembre 2008

La corrosion et, plus généralement, l’altération chimique des matériaux est un problème important pour presque toutes les installations ou objets dont la durée de vie doit être longue. C’est le cas – entre autres – des installations nucléaires ! Il y va de la sûreté des réacteurs, des usines du cycle et des installations de stockage et d’entreposage de déchets. Il y va aussi de la compétitivité économique du nucléaire : les enjeux économiques associés se chiffrent en dizaines de milliards d’euros pour l’industrie nucléaire mondiale. Les enjeux actuels sont particulièrement forts, car les exploitants nucléaires demandent aujourd’hui un allongement de la durée de vie de leurs réacteurs. Les réacteurs de troisième génération sont d’ailleurs prévus pour durer soixante ans, soit presque le double de ce qui était prévu initialement pour les réacteurs de la génération précédente. Sachant que le vieillissement de ces installations est gouverné, dans une large mesure, par la corrosion, on comprend aisément les enjeux associés à une bonne maîtrise des phénomènes associés, ce qui justifie l’effort de recherche mené de longue date par le CEA, visant à prédire la corrosion, et à la limiter.

Plusieurs phénomènes compliquent les processus d’altération (électro-)chimique des matériaux :

  • d’abord, les phénomènes électrostatiques, de transport d’ions à travers des couches limites ou à travers des couches de produits d’altération déjà formés, sont étroitement couplés avec les réactions chimiques aux interfaces. Ces couplages prennent une importance différente selon les systèmes étudiés, car leur hiérarchisation dépend des modalités de renouvellement du fluide altérant, de la microstructure de la matière en cours d’altération, de son contenu en impuretés et de la répartition spatiale desdites impuretés, de la morphologie de la couche d’altération (épaisseur, porosité, degré de fracturation) et de ses propriétés de transport (électronique, ionique). Selon leur hiérarchie, ces couplages donnent naissance à une zoologie riche et variée de phénomènes d’altération ;
  • ensuite, même si son résultat apparaît global et uniforme, la corrosion est souvent le fait de phénomènes localisés. Il faut souligner l’importance des défauts cristallins (joints de grain) et des défauts de surface (marches, fissures), car les conditions physico-chimiques en leur voisinage peuvent être très différentes de celles du milieu ambiant, tel qu’on le voit avec un oeil « macroscopique » ;
  • enfin, le "diable" de la corrosion est dans les détails : pour ne citer que quelques exemples, les impuretés du matériau ont leur importance, car elles sont susceptibles de modifier les conditions chimiques locales ; la composition du fluide altérant influe beaucoup sur les phénomènes de dissolution-précipitation : il arrive que des éléments très minoritaires de la solution gouvernent la nature des phases précipitées ; même les bactéries peuvent jouer un rôle, en bouleversant localement le pH et le potentiel redox !

Tout cela peut donner l’impression qu’en matière de corrosion chaque cas est un cas particulier. Force est de constater que nous ne sommes pas encore arrivés à une approche unifiée de la corrosion !

Vue de près, la science de la corrosion ressemble à une mosaïque qui ne laisse apparaître que des disciplines isolées : la thermodynamique, la cinétique chimique, la chimie, l’électrochimie, la métallurgie, la minéralogie, jusqu’à la mécanique et même la biologie.

Pourtant, même si les échelles d’espace en jeu s’étalent sur une gamme de quelque huit ordres de grandeur, une certaine cohérence se dégage depuis peu dans les approches mises en œuvre pour décrire les différents phénomènes de corrosion, ce qui permet de dégager quelques principes directeurs et d’ordonner un peu la phénoménologie. Les approches ab initio et de dynamique moléculaire permettent désormais de modéliser les trois grands phénomènes à l’œuvre dans tout processus de corrosion : les phénomènes redox aux interfaces, les phénomènes de transport d’espèces chimiques, et les phénomènes de dissolution-précipitation. Nous pouvons espérer que les approches ab initio ou de dynamique moléculaire fourniront les paramètres cinétiques nécessaires aux modèles cinétiques ; nous pouvons espérer que les modèles de type Diffusion-Poisson permettront d’identifier les étapes limitantes du processus de corrosion, fondant ainsi sur des bases solides les modèles de cinétique hétérogène. Ce chaînage des modèles laisse entrevoir une unification des modèles par emboîtement des échelles d’espace en jeu.

Par ailleurs, les outils dont nous disposons pour l’étude de la corrosion progressent : nous disposons maintenant d’une panoplie d’outils expérimentaux, de caractérisation et de calcul qui permettent d’espérer mieux comprendre les phénomènes et traiter les couplages entre chimie, mécanique et transport.

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