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Les accélérateurs de particules

Comment fonctionne un accélérateur de particules?


​En utilisant le champ électrique et le champ magnétique, les particules dans un accélérateur sont tour à tour produites, accélérées, focalisées et guidées vers les endroits requis.

Publié le 30 juin 2022

Les "missions" d'un accélérateur
de particules

Accélérer c'est augmenter la vitesse. Dans un accélérateur de particules, un faisceau de particules électriquement chargées, par exemple des électrons (charge électrique négative) ou bien des ions (charge électrique positive ou négative), à une énergie donnée, est accéléré. L’énergie correspond ici à une énergie cinétique, c’est-à-dire l’énergie liée à la vitesse. L'unité utilisée est l'électronvolt (eV), qui est l'énergie donnée à un électron accéléré à partir de sa position de repos par une tension de 1Volt.

Dans un accélérateur de particules, accélérer ne suffit pas. Il faut aussi que le nombre de particules à l’endroit d’utilisation soit suffisant et que la taille et la divergence du faisceau ne soient pas trop grandes. Ce qui n'est pas une tâche aisée étant donné que les charges électriques de même signe se repoussent entre elles, et se perdent sur les parois, pouvant activer ou détériorer les équipements utilisés pour transporter le faisceau.

Dans un accélérateur on ne fait donc pas qu'accélérer. On doit aussi produire les particules, les guider vers les endroits voulus et les focaliser convenablement (c’est-à-dire optimiser la taille et la divergence du faisceau) et les accélérer.


Les étapes du fonctionnement
d’un accélérateur de particules

Production de particules chargées

L’une des premières étapes est la production de particules chargées. Il s'agit de séparer les électrons des noyaux et de donner une première accélération à l'une des deux espèces chargées voulue. La séparation des charges se fait en général par chauffage, soit avec un courant électrique à travers un métal ou un fort champ électrique, soit avec une onde électromagnétique à travers un gaz. On applique alors une tension électrique pour attirer les charges à l'extérieur de la source.



Guidage des particules

Dipôle du synchrotron SOLEIL
Un dipôle, aussi appelé aimant de courbure, est un élément magnétique de guidage dont le rôle est de dévier la trajectoire des électrons. Il y a 36 dipôles dans le booster et 32 dans l’anneau de stockage (ici : un dipôle du booster) de SOLEIL. Dans l’anneau de stockage ce sont également des sources de rayonnement synchrotron, puisque les électrons produisent ce rayonnement quand leur trajectoire n’est pas rectiligne et uniforme. © Synchrotron SOLEIL – Christophe Kermarrec

Il faut ensuite courber la trajectoire des particules, soit parce qu'on est dans un accélérateur circulaire, soit parce qu'il faut amener les particules à l'endroit de la collision ou de la cible à irradier. On emploie pour cela un champ magnétique qui exerce une force perpendiculaire à la direction de déplacement des particules chargées. Les particules chargées sont alors obligées de s'enrouler autour de l'axe du champ magnétique.

On peut utiliser des aimants permanents mais dans la très grande majorité des cas, ce sont des électro-aimants appelés "dipôles" qui sont mis en œuvre. Le champ magnétique est créé par deux bobines dans lesquelles circule un courant électrique très intense pouvant atteindre plusieurs centaines d’Ampères. Les champs utilisés sont de l'ordre de 10 000 Gauss (1 Tesla) pour les dipôles à température ambiante et 10 à 20 fois plus pour les dipôles supraconducteurs (température cryogénique). Pour mémoire, le champ magnétique terrestre est de 0,5 Gauss.



Focalisation des particules

Pour exercer une force perpendiculaire à la direction de déplacement des particules, c'est le champ magnétique qui est employé, notamment à l’aide d’électro-aimants. Deux configurations sont possibles :

  • Solénoïde. C'est une longue bobine électrique créant un champ magnétique axial autour duquel les particules chargées sont obligées de s'enrouler et sont donc par la même occasion focalisées car elles doivent rester proches de l'axe.

  • Quadrupôle. La configuration du champ magnétique est générée par quatre bobines électriques. Les particules qui passent à travers sont focalisées dans un plan (horizontal par exemple) et défocalisées dans l'autre (vertical par exemple). Une succession de quadrupôles (de focalisations-défocalisations) permet de régler efficacement la taille et la divergence du faisceau de particules en horizontal et vertical. Le champ magnétique exerçant une force perpendiculaire à la trajectoire de la particule chargée, il ne permet pas de changer la vitesse de celle-ci.


Solénoïde (gauche) et quadrupôle du synchrotron PETRA (droite)
Solénoïde (gauche) et quadrupôle du synchrotron PETRA (droite) © CEA/Irfu



Accélération des particules

Cavités accélératrices supraconductrices réalisées au CEA / IRFU
Cavités accélératrices supraconductrices réalisées au CEA / IRFU © CEA/Irfu
Pour accélérer les particules, on doit obligatoirement utiliser un champ électrique qui exerce sur les particules une force parallèle au champ. Si on oriente le champ parallèle au déplacement des particules, sa force sera alors accélératrice. Si on oriente le champ perpendiculairement, il sera focalisant ou défocalisant. Contrairement au champ magnétique donc, un champ électrique est capable de fournir de l'énergie à des particules chargées.

Dans les premiers accélérateurs, c'est un champ électrostatique créé entre des surfaces conductrices chargées qui est utilisé. Or cela ne permet pas d'obtenir des champs très forts car on est limité par les problèmes de claquages (tels les éclairs d'orage).

Maintenant, de façon classique, ce sont des cavités résonantes qui sont utilisées, où une onde électromagnétique y est piégée. C'est le même principe que les caisses de résonance des instruments de musique pour les ondes sonores. Ici c'est une composante électrique qui doit être positionnée au niveau du passage du faisceau de particules.

Les cavités accélératrices à température ambiante peuvent fournir un champ électrique de plusieurs megaV/m et les cavités supraconductrices (température cryogénique) atteignent des champs 10 fois plus élevés.



Accélération et focalisation (presque) simultanées

Dans le cas d’un faisceau intense à basse énergie, typiquement à la sortie de la source de particules chargées, les forces répulsives entre particules de même charge électrique sont encore très fortes. On ne peut pas accélérer et focaliser séparément, car pendant le temps d'accélération, les particules peuvent déjà se disperser. On doit alors utiliser un dispositif appelé RFQ, Quadrupôle RadioFréquence qui permet d'accélérer et de focaliser successivement sur des longueurs très courtes de quelques cm. C'est une cavité résonante longue de 3 à 10 m, munie de 4 pôles finement sculptés en 3D sous la forme d'une ondulation. La période de cette ondulation est progressivement de plus en plus longue car les particules accélérées vont de plus en plus rapidement. L'onde électromagnétique qui y est piégée aura ainsi une composante électrique successivement parallèle et perpendiculaire au déplacement du faisceau sur une longueur de quelques cm, permettant d'accélérer et focaliser les particules chargées presque simultanément.

Tronçon de RFQ
Un tronçon de RFQ réalisé au CEA / IRFU pour le projet IPHI (Injecteur de Protons à Haute Intensité). Le faisceau d'une puissance de plusieurs dizaines à centaines de kW va devoir passer entre les 4 pôles, d'un diamètre de seulement 2 à 5 cm sur plusieurs mètres. © CEA/Irfu