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Mieux comprendre les limites des modèles épidémiologiques de COVID-19 grâce à une approche statistique et dynamique


​Constatant la dissonance des politiques sanitaires contre la COVID-19, un mathématicien du LSCE (CEA-CNRS-UVSQ) et ses co-auteurs pointent la médiocrité des données disponibles et la sensibilité intrinsèque des modèles épidémiologiques à ces données. Selon eux, impossible de produire des prédictions du nombre de contaminations sans une compréhension approfondie des non-linéarités qui sous-tendent la dynamique d'un « système complexe » tel qu'une épidémie.
Publié le 21 janvier 2021

Alors que l'épidémie de COVID-19 commençait à se propager dans le monde entier, des scientifiques de plusieurs pays (France, Royaume-Uni, Mexique, Danemark et Japon), parmi lesquels Davide Faranda du LSCE, se sont inquiétés de la diversité des approches adoptées par les épidémiologistes.

La description d'une épidémie nécessite bien sûr un modèle physique décrivant son évolution, mais aussi un ensemble de données sanitaires pour l'initialiser, comme celles fournies par le Center for Systems Science and Engineering de l'Université John Hopkins aux États-Unis (nombre journalier de nouvelles contaminations, etc.).

En utilisant les données COVID-19 de différents pays, les chercheurs montrent que les prévisions sont extrêmement sensibles au protocole de déclaration et dépendent de manière cruciale du dernier jeu de données disponible, avant que le nombre maximum d'infections quotidiennes ne soit atteint.

Ils proposent une explication physique de cette sensibilité, à l'aide d'un modèle Susceptible-Exposed-Infected-Recovered divisant la population en quatre groupes : ceux qui sont susceptibles d'attraper le virus, ceux qui l'ont contracté mais ne présentent aucun symptôme, ceux qui sont contaminés et, enfin, ceux qui sont guéris ou morts. Pour déterminer comment les gens passent d'un groupe à l'autre, il est nécessaire de connaître les paramètres fondamentaux que sont le taux de contamination, le temps d'incubation et le temps de guérison.

Les scientifiques perturbent de manière aléatoire ces paramètres pour simuler la variabilité dans la détection des patients, dans les mesures de confinement prises par les différents pays, ainsi que dans l'évolution des caractéristiques du virus ou la présence de super-contaminateurs. Leurs résultats, qui ne sont pas spécifiques à la COVID-19, suggèrent qu'il existe des raisons physiques et statistiques pour attribuer un faible niveau de confiance aux prévisions purement statistiques malgré leurs scores apparemment bons.

« Les paramètres fondamentaux ne sont connus qu'avec une incertitude importante. En particulier, le recensement des contaminations est la plupart du temps incomplet, si bien que les modèles produisent des résultats incroyablement divergents, souligne Davide Faranda, chercheur au LSCE. Par exemple, le fait de sous-estimer de 20 % le nombre de personnes infectées peut faire varier les estimations finales de quelques milliers à quelques millions de malades ».

Les chercheurs montrent en particulier que les prédictions en temps quasi-réel des infections COVID-19 varient fortement en fonction du dernier relevé disponible. La dynamique de l'épidémie est donc ultrasensible aux paramètres du modèle pendant la phase initiale de croissance. Cela signifie que les prédictions réalisées au début d'une vague épidémique manquent de la solidité attendue pour définir les mesures de protection les plus adéquates.

De plus, les incertitudes résultant à la fois de la médiocrité des données et d'estimations erronées des paramètres (taux d'incubation, d'infection et de guérison) se propagent en s'amplifiant pour les extrapolations à plus long terme.

L'approche des chercheurs leur a permis de réaliser plusieurs scénarios de propagation de la COVID-19 en France et en Italie dans lesquels, en dépit de grandes incertitudes, la menace d'une 2e vague était bien détectable dès le printemps 2020.



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