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Une intrication peut en cacher une autre !


​Un physicien théoricien de l'IPhT et ses partenaires de l'EPFL (Suisse) et du MIT (États-Unis) ont démontré une forme temporelle d'intrication quantique qui leur a permis de mettre en évidence, pour la première fois, une très forte intrication entre un photon et un phonon, dans un cristal de diamant à température ambiante. Leur expérience permet de sonder la cohérence de phonons uniques à des échelles de temps très courtes, ce qui ouvre la voie à la recherche de matériaux pour des technologies quantiques ultra-rapides. 
Publié le 19 février 2021

L'intrication (ou enchevêtrement) de deux états quantiques distants a beau être de plus en plus vulgarisée auprès du grand public, elle reste difficile à saisir. Dans sa version la plus « simple », deux photons distincts sont « réunis » dans un même état quantique, ce qui se manifeste par une étroite corrélation entre leurs états de polarisation individuels. Alors que la mesure du premier photon révèle une polarisation aléatoire, le second est toujours polarisé suivant la même direction que celle de son « jumeau » !

Des physiciens ont imaginé deux intrications « gigognes », beaucoup plus délicates à décrire. La première réunit un photon et un quantum de vibration cristalline (phonon). L'émission du photon est très fortement corrélée à la création du phonon mais leur observation est hors d'atteinte. La deuxième intrication réunit deux couples photon-phonon créés successivement. Alors que la mesure du photon (possible, cette fois) révèle un temps de création aléatoire, le phonon est toujours créé au même instant !

Résultat : les mesures de ces états intriqués temporellement violent les « inégalités de Bell », ce qui prouve, non seulement la force de l'intrication entre les deux instants de création des couples photon-phonon, mais aussi celle de l'intrication liant photon et phonon, ce qui est une première mondiale.

Cette expérience a aussi permis aux chercheurs de mesurer la durée de cohérence d'un phonon unique (quelques picosecondes) en dépit de sa brièveté. La technique mise en œuvre peut s'appliquer à toutes sortes de cristaux (poudres, matériaux synthétiques, etc.). Peut-être révèlera-t-elle, un jour, un matériau qui se prêtera au développement de technologies quantiques ultra-rapides…

Dans les coulisses de l'expérience…


Comment l'intrication photon-phonon est-elle produite ?

Un cristal de diamant à température ambiante est éclairé par deux impulsions laser ultra-courtes successives (write et read), séparées de quelques picosecondes (10-12 s). Leurs longueurs d'onde sont accordées précisément sur des niveaux d'énergie du diamant.

Très rarement, un des photons write est converti en un quantum de vibration du cristal (phonon) et un photon de moindre énergie (photon Stokes). Dans ce cas, quelques picosecondes plus tard, un photon read est absorbé en même temps que le phonon par le cristal, qui émet un photon de plus grande énergie (photon anti-Stokes).

Ces événements se produisant très rarement (une fois sur mille), malgré le grand nombre de photons composant l'impulsion laser ultra-courte. Mais lorsqu'ils se produisent, la création d'un photon Stokes s'accompagne toujours de la création d'un phonon. Le nombre de photons Stokes est donc étroitement corrélé au nombre de phonons, lui-même étroitement corrélé au nombre de photons anti-Stokes. Ces corrélations sont de nature quantique : la paire Stokes-phonon est intriquée au sens où elle est à la fois absente et présente. Ceci entraîne une intrication des paires photon Stokes-photon Anti-Stokes, difficile à démontrer expérimentalement.

En quoi consiste l'intrication temporelle des deux couples photon-phonon ?

Afin de surmonter cette difficulté, les chercheurs utilisent deux jeux successifs d'impulsions write-read (early et late), séparés de 3 nanosecondes (10-9 s), chaque jeu étant susceptible de générer des couples photon-phonon. Ils démontrent que le temps de création des paires de photons Stokes et anti-Stokes est indéfini : les paires sont donc intriquées temporellement.

Tout se passe comme si la forme d'intrication par présence (il existe un couple photon-phonon) ou absence (il n'existe pas de couple photon-phonon) était transformée en intrication temporelle entre (il existe un couple de photons Stokes-anti-Stokes early) et (il existe un couple de photons Stokes-anti-Stokes late). Les mesures montrent que ces deux états sont possibles simultanément.

De plus, il possible de sonder la durée de cohérence du phonon en variant l'écart temporel entre les photons write et read.

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