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PORTRAIT D'INNOVATEUR

Yvan Measson, le créateur de robots au service des salariés


Fondateur et dirigeant de la start-up Isybot, spin-off du CEA, Yvan Measson, conçoit des robots collaboratifs, ou « cobots », destinés à l’industrie. Grâce à cette nouvelle génération de machines qui coopère avec les opérateurs, il souhaite les préserver d’un travail pénible, source de problèmes de santé, mais aussi revaloriser les métiers de l’industrie.


Publié le 31 mai 2022

Quand on évoque la construction de robots industriels, on pense souvent à de grandes chaînes de production, ultrasophistiquées et bourrées de technologies. Les locaux d’Isybot, start-up issue du CEA créée en 2016 et située sur le plateau de Paris-Saclay, en Ile-de-France, sont loin de ce que l’on pouvait imaginer.

Une seule pièce suffit en effet pour stocker tous les composants qui serviront à assembler les robots collaboratifs d’Isybot destinés à l’industrie, fruit de 15 ans de recherche au CEA et véritable innovation de rupture. Et le montage du bras robotisé « SYB 3 », cobot star d’Isybot paraît assez simple. « Il faut une semaine pour l’assembler. Avec seulement 3 personnes à la production, nous construisons l’équivalent de 25 robots par an, soit 2,5 millions d’euros de chiffres d’affaires », décrit le dirigeant. Sur un fond de guitare rock, 2 personnes travaillent ce jour-là dans l’atelier et imbriquent les pièces les unes dans les autres comme on construirait un énorme mécano. « On est tous des fans de jeux de construction chez Isybot », glisse, en riant, Yvan Measson.


VidéoYvan Measson - Isybot

La culture geek comme inspiration

Cette passion pour les Lego®, Kapla® et autres jeux de construction est d’ailleurs ce qui a poussé Yvan Measson à étudier la robotique. « Depuis petit, j’adore concevoir des objets, imaginer leur donner vie. J’étais aussi un grand fan de science-fiction. J’ai grandi dans les années 80 avec Goldorak, la Guerre des Etoiles ou Issac Asimov et son livre Le cycle des robots… Tout cela a nourri mon imaginaire et mon envie de développer des machines autonomes », confie-t-il.

A la sortie de l’école d’ingénieur, son rêve d’enfant s’est concrétisé d’une façon assez originale. « J’ai fait partie de la dernière génération d’hommes à effectuer son service militaire à la fin des années 1990. Et en tant qu’appelé scientifique, j’ai été affecté au CEA de Marcoule où j’ai travaillé sur des scénarios de démantèlement d’installations nucléaires à l’aide de robots. On cherchait à nettoyer des environnements nucléarisés tout en limitant au maximum l’exposition des travailleurs aux radiations », raconte Yvan Measson. Des projets de recherche à « finalité humaniste » qui séduisent le jeune ingénieur et conforte sa volonté de travailler dans la robotique. Il ne quittera jamais l’organisme. « Je suis un pur produit du CEA », glisse-t-il.

Pionnier de la cobotique

Au cours des 15 années suivantes, Yvan Measson explore différents domaines tels que le nucléaire, la chirurgie mini-invasive ou l’agriculture. Puis en 2006, il est promu chef du laboratoire de téléopération et de cobotique – un néologisme compactant les termes « collaboratif » et « robot » pour désigner une nouvelle génération de robots conçus pour partager le travail avec les ouvriers. Contrairement aux robots classiques qui agissent de façon autonome, les « cobots » dépendent d’un opérateur pour réaliser leurs tâches. Ils deviennent ainsi l’assistant de l’humain et non son substitut. A l’époque, la cobotique est une nouvelle discipline à défricher. Elle émerge à la suite d’une évolution d’une directive européenne fondamentale permettant aux opérateurs de travailler aux côtés de machine sous tension (2006/42/CE). Elles n’ont plus besoin d’être mises en cage et tenues à distance. Dans l’industrie, elles représentent une innovation disruptive, et un « projet excitant » pour Yvan Measson.

Yvan Measson, dirigeant d'Isybot
Yvan Measson, dirigeant d'Isybot © CEA

Des machines utiles à l’homme

Cette révolution fait également écho à son désir profond de développer des machines utiles à l’homme, capables de valoriser le savoir-faire humain. « Je suis très attaché à l’industrie, et à ses métiers. Je suis intimement persuadé que la robotique, et notamment les cobots, est une réponse au phénomène de désindustrialisation. En déchargeant les opérateurs des tâches éreintantes et répétitives, on leur libère du temps qu’ils peuvent allouer à des tâches de plus haute valeur ajoutée. Cela rend les métiers de l’industrie bien plus attractifs », gage-t-il.

Une vision précise des besoins industriels

Puis en 2010, Yvan Measson devient business développeur pour le compte de son laboratoire avec pour mission de transférer des technologies robotiques à l’industrie. En rencontrant les industriels, il perçoit alors le besoin de déployer les cobots dans les usines, notamment pour les tâches manuelles difficiles à automatiser ou très pénibles à réaliser. Mais à l’époque, ce besoin diffus ne pousse personne à investir pour développer ces nouvelles machines.

Alors, sous l’impulsion de Yann Perrot, le directeur du laboratoire de robotique interactive du CEA, il décide d’orienter ses recherches dans ce domaine. Profitant du portefeuille d’innovations de l’institut, l’ingénieur développe un bras robotisé doté de technologies d'actionnement sans capteurs d'effort ni engrenages. Et pour séduire les industriels, Yvan Measson se focalise sur le ponçage industriel.

L'une des spécialités du bras robotisé d'Isybot : le ponçage industriel

L'une des spécialités du bras robotisé d'Isybot : le ponçage industriel © Isybot

Un saut vers l’inconnu qui s’avère gagnant. En 2016, le roboticien créé la start-up Isybot et signe la même année une première commande avec la SNCF puis Dassault aviation. Dans la foulée, Airbus, mais aussi Safran ou encore le fabricant de voiliers Beneteau lui font confiance. Les premiers robots sont opérationnels en 2018. « Je n’avais jamais imaginé créer un jour une entreprise. Mais quand je suis devenu business developer, cela a été une révélation. J’ai découvert que j’avais la fibre commerciale, et que j’adorais convaincre », s’amuse-t-il encore aujourd’hui. Et d’ajouter : « et puis, cela correspondait aussi à une petite crise de la quarantaine. C’était le moment pour moi de saisir de nouvelles opportunités. »

Isybot travaille notamment avec le fabricant de voiliers Beneteau

Isybot travaille notamment avec le fabricant de voiliers Beneteau © Isybot


Et à voir la croissance fulgurante d’Isybot, on se dit qu’il aurait été dommage qu’Yvan Measson ne tente pas sa chance. Mais il l’avoue, monter un tel projet n’est pas de tout repos, et il a dû apprendre à lâcher prise. Pour autant, il sait où il veut aller et Isybot a de grands projets pour les prochaines années, comme l’ouverture à l’international, la diversification des usages et des applications (polissage, meulage, manutention…) et le déploiement dans de nouveaux secteurs industriels… Une ambition qu’il continue de coconstruire avec le laboratoire de robotique du CEA.

Encadré

Le cobot d’Isybot, outil de l’industrie du futur

Grâce à son système sans engrenage, le cobot d’Isybot est léger, facile à déplacer et surtout plus sûr qu’un robot classique. Une machine autonome pensée dans les laboratoires du CEA – et brevetée dès 2001 – mais aussi par les opérateurs eux-mêmes. « Nous voulions créer une machine qui soit réellement utile aux opérateurs, et pour cela nous leur avons confié des maquettes et pris en compte leurs retours », indique Yvan Measson.

Résultat : ce bras robotisé est très simple d’utilisation. Installé sur une desserte à roulette, doté de seulement 2 boutons, le cobot SYB ne modifie pas l’environnement de l’usine mais devient un réel allié pour les opérateurs, même ceux n’ayant aucune formation en robot. « La simplification drastique de la machine nous permet de la déployer très rapidement. En une demi-journée, les équipes sont formées », précise le chef d’entreprise.

Et plus important encore pour Yvan Measson, le robot n’est pas laissé dans un coin de l’atelier. Les carrossiers ont su se l’approprier et ils constatent chaque jour les bénéfices du cobot SYB 3. « Ils n’ont pas le sentiment de dépendre du robot. D’ailleurs certains se définissent même comme des pilotes de cobot, ce qui modifie profondément la perception de leur travail », explique fièrement Yvan Measson.

Propos recueillis par Anne-Laure Lebrun


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