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L'essentiel sur...

La cryogénie

Publié le 29 mars 2016

​Ce n’est qu’en 1908 que Kamerlingh Onnes est parvenu à liquéfier l’hélium, une prouesse qui lui a permis 3 ans plus tard de découvrir la supraconductivité [1] . Dès lors, la cryogénie a connu un essor considérable qui se poursuit aujourd’hui. Cette discipline reste néanmoins un domaine de la physique mal connu du grand public. Et pourtant ses applications sont nombreuses dans des secteurs d’activités variés tels que le spatial, la santé, ou encore l’énergie.

Qu'est-ce que la cryogénie ?

La cryogénie s’intéresse à l’étude des très basses températures : comment les produire, les maintenir et les utiliser dans des conditions spécifiques. Cette discipline a aujourd’hui ouvert de nouvelles voies de recherche et a permis le développement de technologies innovantes :

  • l’étude de phénomènes physiques tels que la supraconductivité et la superfluidité,
  • l’acquisition de données majeures en astrophysique pour la compréhension de notre Univers,
  • le développement d’aimants supraconducteurs pour les grands instruments de physique des particules (grands accélérateurs, tokamak Iter, JT-60SA), IRM, RMN, et dans le domaine des lasers et des cibles (Laser Mégajoule),
  • l’utilisation de la résonance magnétique nucléaire (RMN) pour l’étude structurale de la matière (pour la conception de nouveaux nanomatériaux par exemple), la biologie et la santé (imagerie médicale),
  • la mise au point des moteurs utilisés en propulsion spatiale (moteurs des fusées Ariane).





Travailler à des températures extrêmement froides

La température est liée à l'agitation des molécules qui constituent un système physique. A l’état naturel, lorsque deux corps sont mis en contact, ils peuvent échanger de l'énergie (sous forme de chaleur), allant du système où l'agitation est la plus grande vers celui où l'agitation est la plus faible. Pour quantifier cette agitation, les chercheurs utilisent une grandeur appelée la température. L’unité de mesure internationale utilisée est le kelvin [2].
En physique, il existe un zéro absolu des températures. A cette température, théoriquement inatteignable, les corps ne possèdent plus d'agitation thermique et sont dans un état d’énergie minimale. Lorsque l'on refroidit un corps au-dessous de la centaine puis de la dizaine de kelvins environ, des phénomènes quantiques surprenants apparaissent. Pour voir apparaître, étudier, puis utiliser ces propriétés spécifiques de la matière, il faut donc refroidir. C’est un des objectifs de la cryogénie pour comprendre ces nouveaux mécanismes et ainsi permettre de grandes avancées.





Le cryostat,
outil indispensable pour accéder aux très basses températures

En cryogénie, la manipulation des très basses températures nécessite l’utilisation d’un outil : le cryostat. Il s’agit d’une « boîte » contenant différents instruments dont un système de refroidissement permettant la production et le maintien de très basses températures. Dans sa déclinaison la plus simple, il utilise un ou plusieurs réservoirs de liquides très froids qui, de manière générale, sont l’azote et l’hélium.
Depuis quelques années, de nouveaux systèmes, appelés cryoréfrigérateurs, et conçus pour refroidir jusqu’aux températures cryogéniques (en dessous de 120 K), sont mis au point pour remplacer les réservoirs. En effet, l’utilisation de ces réservoirs présente plusieurs inconvénients importants : une masse et un volume conséquents, un besoin de disponibilité des fluides cryogéniques, et par essence une autonomie limitée par la quantité de fluides stockée. Les cryoréfrigérateurs ne requièrent quant à eux qu’une alimentation électrique, et présentent dans leur déclinaison pour le spatial, par exemple, un fonctionnement fiable durant plusieurs années. Aujourd’hui, les systèmes cryogéniques sont également utilisés pour la fusion nucléaire ou la santé.



Des systèmes de refroidissement toujours plus performants

Pour des températures extrêmement froides, plusieurs systèmes de refroidissement doivent être associés en cascade pour couvrir l’intégralité de la gamme de températures. Aujourd’hui des chaînes cryogéniques permettant d’atteindre des températures de l’ordre de quelques millikelvins (-273,1°C) sont disponibles. Pour des systèmes dits « subkelvin », seules trois technologies émergent :

  • le refroidissement par évaporation utilisant un isotope de l’hélium (l’hélium 3) ;
  • le refroidissement magnétique (désaimantation adiabatique [3] ) ;
  • la dilution (propriété de la séparation de phases des 2 isotopes de l’hélium).





[1] Il y a 100 ans, le 8 avril 1911, le physicien Heike Kammerlingh-Onnes mettait en évidence le phénomène de supraconductivité qui confère à certains matériaux des propriétés inédites : refroidis à très basse température, les matériaux supraconducteurs deviennent de parfaits conducteurs électriques et expulsent le champ magnétique qui les traverse, pouvant ainsi induire des effets spectaculaires de lévitation.

[2] Une température de 0°C (Celsius) correspond à une température de 273,15 K (kelvins) et une température de 0 K correspond au zéro absolu.

[3] Désaimantation adiabatique : le refroidissement par désaimantation consiste à utiliser le champ magnétique pour faire baisser la température d’un système. Plus précisément, cette technique consiste, grâce à l’application d’un champ intense, à aligner, dans le « même sens », les moments magnétiques (spin) portés par les atomes d’un échantillon puis dans une phase ultérieure à réduire le champ pour laisser les moments se désordonner à nouveau.
La première phase conduit à un échauffement, cette chaleur est évacuée, alors que la seconde conduit à un refroidissement pour peu que le système soit isolé thermiquement.






Notions clés

  • La plupart des cryoréfrigérateurs mécaniques utilisent des cycles thermodynamiques alternant des phases de compression et de détente. Dans la grande majorité des systèmes, l’hélium est utilisé comme gaz de cycle.




Expérience de cryogénie (Hélios) dans le cadre du projet de tokamak supraconducteur JT-60SA.Expérience de cryogénie (Hélios) dans le cadre du projet de tokamak supraconducteur JT-60SA.
© P. Avavian/CEA






Quelques repères historiques

1789 : Martin van Marum réussit à liquéfier l’ammoniac (par simple compression en voulant vérifier la loi de Boyle-Mariotte).

1823 : Michael Faraday liquéfie le chlore suivant le même procédé utilisé 40 ans plus tôt.

1852 : James Prescott Joule et William Thomson montrent que la détente rapide d’un gaz peut conduire à un refroidissement sensible de celui-ci.

1877 : Louis Paul Cailletet liquéfie l’oxygène et l’azote.

1892 : James Dewar crée le premier cryostat puis liquéfie l’hydrogène.

1908: H. K. Onnes liquéfie l’hélium dans le cadre de ses travaux sur la supraconductivité.




Cryoréfrigérateur 50 mK pour le spatial
Cryoréfrigérateur 50 mK pour le spatial.
© P. Avavian/CEA