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Dégradation de la chlordécone et Desulfovibrio sp.86 : Dr Jekyll ou Mr Hyde ?



Après avoir isolé et séquencé pour la première fois une bactérie capable de dégrader la chlordécone, un des pesticides les plus écotoxiques connus, des chercheurs de l'UMR Génomique Métabolique (Genoscope/CEA-Jacob) ont montré, dans une étude publiée dans Scientific Reports, qu'une même bactérie pouvait avoir une action différente sur la chlordécone selon les conditions dans lesquelles elle est cultivée. Parmi les nouveaux produits de dégradation soufrés découverts, l'un d'eux a été détecté dans des sédiments de mangrove provenant des Antilles Françaises, démontrant ainsi la portée environnementale de ces résultats.

Publié le 11 août 2020

La chlordécone (C10Cl10O2H2) a été largement utilisée dans les Antilles Françaises de 1972 à 1993 comme insecticide pour lutter contre le charançon du bananier. La persistance dans l'environnement et la bioconcentration dans la chaine alimentaire de la chlordécone conduisent aujourd'hui à la contamination d'une bonne partie de la population antillaise via l'alimentation locale. La pollution et la toxicité chronique avérées engendrent de graves problèmes socio-économiques et de santé publique.

Les chercheurs de l'UMR Génomique Métabolique du Genoscope étudient depuis une dizaine d'année la biodégradation de la chlordécone à l'aide de bactéries en anaérobiose (atmosphère sans oxygène). Lors de travaux publiés précédemment1,2, ils avaient identifié des consortia de bactéries capables de dégrader la chlordécone. Ils en ont isolé certaines, et parmi elles une bactérie du genre Citrobacter. Les trois grandes familles de produits de transformation identifiés jusque-là, apparaissaient simultanément lors de dégradations microbiologiques.

Dans la continuité de ces travaux, la nouvelle étude publiée dans le journal Scientific Reports, porte sur l'isolement et l'étude d'une nouvelle bactérie, Desulfovibrio sp.86, qui selon les conditions de culture, peut soit générer l'ensemble de produits de transformation partiellement déchlorés déjà décrits, soit induire la formation de nouveaux dérivés soufrés de la chlordécone. Les différentes expériences réalisées ont mis en évidence les paramètres critiques, permettant la bascule d'un mode de transformation à l'autre, et ont également permis de déterminer l'origine de l'atome de soufre introduit. La détection du principal produit de transformation soufré dans plusieurs échantillons environnementaux antillais ainsi que la sur-représentation de bactéries similaires à Desulfovibrio sp.86 démontrent qu'une telle transformation se produit également dans certains compartiments environnementaux antillais.

Ces résultats complètent les connaissances déjà acquises sur la biodégradabilité de la chlordécone en conditions de laboratoire et élargissent le panel des voies de dégradation déjà à l'œuvre naturellement aux Antilles. Ces travaux de recherche illustrent pour la première fois la conversion d'une cétone en thiol induite par des bactéries (transformation jusque-là décrite uniquement en chimie organique) ouvrant la voie à de nouvelles applications liées aux propriétés chimiques des composés obtenus.


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