En janvier 2025, la ville de Bagnols-sur-Cèze entamait la déconstruction de la Tour G2. Haute de 40 mètres, elle était avec sa sœur, la tour G1, l'un des symboles architecturaux du quartier des Escanaux. La ville se refait une beauté et tourne la page de la première étape de son développement urbain, directement lié à la création du centre de Marcoule en 1955.
Il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Le centre CEA de Marcoule ouvre ses portes en 1955. L'ambition est forte. Marcoule sera le deuxième centre nucléaire du pays après Paris-Saclay et il faut aller vite. Mais dans cette zone rurale, entre vignes et fleuve, les villages avoisinants ne peuvent loger la main d'œuvre qui se relaie pour faire advenir la révolution de l'atome.
La création d'une cité idéale
Dès 1956, le CEA mandate Auguste Mionne, le directeur de la « Construction Moderne Française » pour construire des logements. Il sélectionne la commune de Bagnols-sur-Cèze, qui n'est encore à l'époque qu'un village à l'architecture médiévale. Mionne fait appel à un architecte de renom, Georges Candilis. Disciple de Le Corbusier, il doit proposer un ensemble architectural à la fois rapide à construire et profondément inscrit dans la modernité. A l'époque, l'énergie atomique fascine et elle doit s'accompagner d'une « cité idéale ».
En 1956, Bagnols-sur-Cèze compte 4500 habitants. La nouvelle ville, construite sous l'impulsion du CEA, permettra de tripler cet effectif et d'aboutir à 18 000 âmes à l'achèvement des travaux. Les contraintes sont multiples : Il faut aller vite en prenant en compte le mistral, les crues de la Cèze, et le village historique aux rues étroites et sinueuses. Le chantier, très ambitieux, se fera en plusieurs temps, pour voir s'ériger 1500 logements neufs au total. La première étape est la construction du quartier de la Coronelle. 80 logements voient le jour, à destination des bagnolais qui disposaient d'un logement insalubre en centre-ville. Suit rapidement le quartier de la Citadelle. 370 habitations sont construites en seulement 11 mois ainsi qu'un centre commercial et une école. On loge, certes, mais l'enjeu est aussi de créer un cadre de vie moderne et confortable.
Mondrian et Le Corbusier
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Mais le clou du spectacle, c'est le quartier des Escanaux. Dès 1957, un enchevêtrement d'immeubles bas de 5 étages, ponctués de six tours de 14 étages, s'érige jusqu'en 1962. Il s'accompagne de la construction de plusieurs écoles, d'un centre culturel et sportif comprenant un stade et une piscine et d'un supermarché. Les façades des immeubles, recouvertes de grands panneaux polychromes à aplats de couleurs primaires, rappellent furieusement l'œuvre de Piet Mondrian. L'ensemble s'inspire de l'architecture de Le Corbusier.
Mais c'est aussi à l'intérieur que la modernité s'invite. La qualité de vie passe par des appartements aux dimensions spacieuses, traversant pour la luminosité et équipés de loggias et de terrasses. Et la répartition spatiale s'opère en fonction de la taille de la cellule familiale. Les célibataires et les couples avec un enfant se regroupent dans deux tours à quatre branches. Les familles plus nombreuses trouvent leur place dans de petits immeubles aux appartements spacieux et dans les tours G1 et G2.
Ville Neuve
En 1960, le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme célèbre à La Défense cette opération d'aménagement urbain, directement liée au développement industriel du territoire. Le grand ensemble, de 35 hectares, obtient le 1er grand prix d'urbanisme du gouvernement français à cette occasion.
La construction du CEA Marcoule a profondément modifié le paysage et le développement de Bagnols-sur-Cèze.
Elle est considérée comme la toute première ville nouvelle de France. Retour en vidéo (sans son) sur cette mutation :