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MAKING-OF

Mini-cerveaux en laboratoire


​Les organoïdes, ces mini-organes en 3D cultivés en laboratoire, sont une révolution pour la recherche médicale.  A Fontenay-aux-Roses, les chercheurs du CEA-Jacob et de Sup’Biotech élaborent des mini-cerveaux pour mieux comprendre, diagnostiquer et soigner les maladies neurodégénératives telles qu'Alzheimer, Parkinson.

Publié le 2 août 2021

Apparus dans les années 2010, les organoïdes se comportent comme des tissus d’intestin, de cœur, de foie, de cerveau, etc. Ces objets vivants et complexes sont un moyen inédit d’explorer le fonctionnement des organes, mais aussi les mécanismes conduisant à l’apparition et à l’évolution de maladies, de tester un grand nombre de molécules thérapeutiques, voire d’envisager une médecine régénérative. Ils pourraient aussi limiter le recours aux animaux de laboratoire.

Réussir à les vasculariser permettrait par exemple d’accélérer leur développement et de diversifier leurs structures. Il est aussi question de mesurer et d’améliorer la connexion entre les différents types cellulaires co-existants dans l’organoïde, ou encore d’homogénéiser les organoïdes entre eux.


Explications en vidéo 

VidéoDes mini-cerveaux révolutionnaires


Les différentes étapes de l'élaboration de mini-cerveaux

1. Ingénierie cellulaire

Grâce au prix Nobel de médecine Shinya Yamanaka, on sait depuis 2007 reprogrammer toute cellule adulte pour la transformer en cellule souche pluripotente induite (IPS). Celle-ci sera capable de se différencier en n’importe quelle cellule du corps humain. A Fontenay-aux-Roses, les chercheurs fabriquent des cellules IPS à partir de cellules de peau. Comment ? En y introduisant des particules virales exprimant des gènes de reprogrammation. Ces cellules IPS sont ensuite modifiées à l’aide d’outils d’édition génétique pour exprimer des gènes impliqués dans des maladies neurodégénératives, et ainsi reproduire certaines de leurs caractéristiques physiopathologiques. Une autre voie consiste à utiliser des cellules d’un patient atteint d’une forme génétique de la maladie, mimant ainsi sa survenue in vitro.



Par génie génétique, nous induisons dans nos mini-cerveaux la production de peptides neurotoxiques impliqués dans la maladie d’Alzheimer »,  Ambre Leleu, doctorante en génie génétique.


Ingénierie cellulaire
Observation au microscope inversé à fluorescence d'une colonie de cellules pluripotentes induites (IPS), exprimant une protéine liée à une maladie neurodégénérative couplée à un marqueur fluorescent vert. © R. Guittet / CEA





Différenciation

Création de gouttelettes pendantes contenant les cellules souches : dépôt et retournement du couvercle sur la boîte de Pétri. © R. Guittet / CEA


En 2014, nous étions pionniers en France dans la biofabrication de mini-cerveaux. Cela nous a obligés à être inventifs »,  Frank Yates, enseignant-chercheur

2. Différenciation

Pour engager les cellules pluripotentes dans la voie de la différentiation, deux conditions sont nécessaires : agréger les cellules entre elles et utiliser un milieu de culture contenant un cocktail de molécules judicieusement sélectionnées pour induire l’obtention du type cellulaire recherché (ici des cellules cérébrales). Les petits amas d’IPS sont d’abord placés dans des gouttes pendantes, générant des forces d’étirement. Une à deux semaines plus tard, ils sont transférés dans une substance appelée hydrogel, sorte de support dans lequel ils pourront s’auto-organiser en 3D et croître. Puis ils sont soumis à une agitation mécanique qui oxygène et nourrit le tissu in vivo, mimant ainsi l’action des vaisseaux sanguins.

3. Organoïde en maturation

Les cellules différenciées sont mises en croissance jusqu’à former des petites boules de 2 à 3 mm de diamètre. En deux mois, des tissus cérébraux complexes et fonctionnels vont se former, mélange de neurones, d’astrocytes, de cellules gliales. D’autres types de cellules peuvent même parfois apparaître, comme celles de la rétine ! A ce stade, les chercheurs peuvent, en modifiant les conditions de culture, accroître les caractéristiques physiopathologiques de la maladie, accélérer le vieillissement du mini-organe, ou même tester des stratégies thérapeutiques. Au-delà des mini-cerveaux, la science permet aujourd’hui de construire une grande variété d’organoïdes : organoïdes cardiaques qui battent comme un cœur, épiderme, mini-foie, intestin, etc. 


Avec les mini-cerveaux, nous disposons d’un nouveau modèle pour étudier les phases très précoces de la maladie d’Alzheimer, peu accessibles par les voies classiques », Jean-Philippe Deslys, médecin et directeur de recherche 
Organoïde en maturation
Les mini-cerveaux en culture peuvent vivre jusqu'à 2 ans. 
© R. Guittet / CEA


Mise en lumière
Sur l'écran, rendu 3D des neurones dans un organoïde cérébral à l'aide d'un microscope à feuillet de lumière. © R. Guittet / CEA



L’intérêt de la microscopie à feuillet de lumière, c’est de pouvoir imager un organoïde entier sans avoir à faire de coupes », Thomas Lemonnier, enseignant-chercheur

4. Etude des organoïdes

Pour étudier les organoïdes, les chercheurs utilisent notamment la microscopie à feuillet de lumière. Après avoir été marqués par des molécules fluorescentes ciblant les structures du tissu cérébral et les sites pathologiques, les organoïdes sont rendus transparents par clarification, une technique chimique s’étalant sur plusieurs jours à plusieurs semaines. Grâce à une fine feuille de lumière générée avec un laser, des tranches artificielles de l’organoïde sont observées. Un algorithme de reconstitution d’images restitue ensuite l’objet en 3D. Des fonctions proches de celles d’un cerveau adulte ont ainsi pu être mises en évidence, tout comme les signatures moléculaires les plus classiques de la progression de la maladie d’Alzheimer.

Vers des organoïdes sur puce

Les chercheurs tentent aujourd’hui de construire des organoïdes sur puce. Les organes sur puce de première génération, intégrant des modèles biologiques plus simples, sont déjà une réalité au CEA. 

Ces systèmes miniaturisés mêlant microfluidique, électronique et biologie, consistent à installer des cellules humaines dans des mini-compartiments perfusés en continu pour reproduire la fonctionnalité d’un organe. 

Exemple : des îlots de Langerhans (cellules du pancréas) cultivés en microcanaux, mimant la sécrétion d’insuline. Cette fonctionnalité peut alors être suivie en continu grâce à un réseau de microcapteurs. Disposer d’organoïdes sur puce permettrait de se rapprocher davantage du fonctionnement complet d’un organe.


Un article extrait de :
Les Défis du CEA 


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