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Comité de déontologie et d'intégrité scientifique : publication du rapport final


​Le CEA publie l’intégralité du rapport du Comité de déontologie et d’intégrité scientifique, présidé par Monsieur Jean-François Bach, mis en place spécifiquement pour instruire les signalements de manquements à l’intégrité scientifique concernant cinq publications.

Publié le 10 février 2020

​1.    Rappel chronologique

A la suite du signalement le 27 octobre 2017 sur la plateforme PubPeer de suspicions de manquements à l’intégrité scientifique concernant les figures contenues dans cinq publications parues en 2001, 2003, 2007, 2009 et 2012 issues des travaux d’un service de l’Institut Frédéric-Joliot (« SBIGeM ») et dont certains auteurs sont des salariés du CEA, ce dernier a décidé d’engager une procédure comprenant quatre phases :

  • l’inventaire des données en relation avec les allégations en question, incluant les publications concernées, les extraits de PubPeer incriminant les publications et les données numériques pertinentes conservées au sein du laboratoire ;
  • l’attribution d’une mission d’expertise à quatre experts indépendants de haut niveau intervenant sous couvert d’anonymat ;
  • en fonction des constatations de ces experts, la mise en place éventuelle d’une commission d’instruction ;
  • selon les conclusions de cette commission, une décision de la direction générale sur les éventuelles suites à donner.

Les quatre experts ont travaillé individuellement et indépendamment les uns des autres. Leurs conclusions ont confirmé les suspicions de manquements et préconisé des investigations complémentaires.

2.    Déroulé de la procédure

La direction générale du CEA a donc décidé en janvier 2018 de mettre en place une commission d’instruction sous la forme d’un comité de déontologie et d’intégrité scientifique (« Comité »), présidé par Monsieur Jean-François Bach et composé de trois autres experts différents de ceux ayant dans la phase précédente examiné les cinq publications en cause.
L’ensemble des données présentes sur le disque dur du laboratoire leur a été communiqué ainsi que, suite à leur demande, certaines données complémentaires.

Le Comité a ensuite convoqué et auditionné l’ensemble des premiers auteurs et auteurs correspondants entre février et avril 2018, à l’exception de Madame Anne Peyroche, empêchée pour des raisons médicales. De ce fait, et constatant qu’il ne pouvait poursuivre davantage l’instruction, le Comité a alors pris l’initiative d’établir un rapport d’étape et de le remettre en mai 2018.

Afin de permettre la reprise des investigations, le CEA a consulté le collège de déontologie du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui a préconisé que la possibilité soit laissée à Madame Anne Peyroche de désigner un représentant, que les échanges puissent se faire oralement et par écrit et que, à cet effet, une procédure soit formalisée afin de permettre au Comité d’achever ses travaux.

C’est donc dans le cadre d’une procédure formalisée par une note de mai 2019 que le Comité a pu reprendre l’instruction et auditionner Madame Anne Peyroche en juin 2019.

La procédure contradictoire a donné lieu à la remise le 19 septembre 2019 d’un pré-rapport, transmis aux auteurs, qui ont disposé d’un délai, prorogé d’un à deux mois à leur demande, pour formuler des observations. Ces observations ont été adressées au Comité pour que celui-ci établisse son rapport définitif, auquel elles sont annexées.

Dans un souci de transparence et pour souligner sa détermination à traiter en toute rigueur et conformément à l’équité tout cas de manquement à l’intégrité scientifique, le CEA, en accord avec les parties prenantes, a décidé de rendre publics tant le rapport définitif que les observations écrites des auteurs concernés par la procédure.

3.  Les conclusions du rapport, les réponses des auteurs et les suites données à cette instruction

Les travaux du Comité ont porté sur la préparation des figures illustrant les articles en question. Le rapport conclut à l’existence de certaines pratiques contestables et « méconduites sérieuses » concernant ces figures, lesquelles sont classées sur une échelle, établie par le Comité, comportant les cinq niveaux suivants :

  •  niveau I – l’embellissement ;
  • niveau II – la manipulation, consistant à « utiliser des données existantes mais en les présentant de façon à leur donner une visibilité qu'elles n'avaient pas originellement » ;
  • niveau III – la falsification, consistant à « modifier certains résultats », lorsque celle-ci « ne change pas l’interprétation d’une figure ou d’une phrase de texte » ;
  • niveau IV – la falsification, lorsqu’elle « modifie l’interprétation de la figure ou du texte, indépendamment du message scientifique global » ;
  • niveau V – la fabrication, consistant à « créer de novo des résultats qui n’ont pas été obtenus en laboratoire ».


Dans ce cadre, le rapport conclut à l’existence de méconduites de niveaux I à IV, selon les figures, tout en précisant que le Comité n’a pas examiné et ne s’est pas prononcé sur l’éventuel impact de ces méconduites sur les conclusions des articles ni même sur leur éventuelle importance au regard du sujet scientifique.

Cinq des auteurs visés par l’instruction ont présenté des observations sur ce pré-rapport. Ces réponses relevaient notamment le caractère acceptable de certaines pratiques à l’époque des publications, les mesures de remédiation mises en œuvre en lien avec les éditeurs, ainsi que l’absence d’impact des problèmes relevés dans certaines figures sur les résultats des recherches présentés dans les articles.

Sur la base, d’une part, des attendus du rapport et de ses conclusions et, d’autres part, des réponses et observations formulées par les auteurs visés par l’instruction sur le pré-rapport, le CEA relève, au-delà des erreurs qui peuvent être corrigées, que si certaines pratiques étaient acceptables à l’époque des publications, d’autres ne pouvaient et ne peuvent toujours pas être acceptées.

Madame Anne Peyroche reconnaît elle-même des anomalies dans la préparation de certaines figures. Elle convient que le montage de certaines figures est critiquable et indique en assumer l’entière responsabilité.

Les personnes visées par l’instruction ont toutes souligné la qualité et l’intérêt des travaux de recherche conduits par Madame Anne Peyroche et ses équipes.

L’ensemble des données originales est disponible et a d’ores et déjà permis aux auteurs d’apporter des informations complémentaires et des correctifs aux éditeurs des articles. Ces données soutiennent les résultats publiés. Ainsi, les résultats scientifiques présentés dans les publications ne sont pas remis en question et, au-delà, sont reconnus pour leur pertinence par les spécialistes du protéasome. Ils ont d’ailleurs été confirmés par les recherches menées depuis lors. Par ailleurs, au-delà de la véracité des résultats, il est possible avec les données disponibles de conduire le raisonnement menant aux conclusions des articles, ce qui prive de fondement l’hypothèse d’une pratique frauduleuse et conduit, dès lors, à exclure toute intention de tromper.  

Pour autant, le CEA attache la plus grande importance à la démarche d’intégrité scientifique. Au vu de l’ensemble des pièces du dossier et après entretien préalable avec l’intéressée, le CEA a conclu à des négligences fautives constitutives de manquements à l’intégrité scientifique de nature à porter atteinte à l’image de l’organisme et plus généralement de la recherche et justifiant une sanction de mise à pied de deux semaines à l’encontre de Madame Anne Peyroche, à l’origine des figures incriminées.

La direction générale du CEA reste par ailleurs attentive à la poursuite des actions correctives engagées vis-à-vis des éditeurs et veille, plus généralement, à renforcer la sensibilisation des acteurs de la recherche à l’intégrité scientifique.

L’intégrité scientifique au CEA

Le CEA a adhéré fin 2017 à la Charte nationale de déontologie des métiers de la recherche ; un référent à l’intégrité scientifique (« RIS ») a ensuite été désigné dès janvier 2018. Sa nomination a été accompagnée d’une lettre de mission le chargeant notamment de préparer la mise en place d’un dispositif en matière d’intégrité scientifique en conformité avec les préconisations de la lettre-circulaire du 15 mars 2017 du Secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Fruit d’un travail collectif impliquant l’ensemble des directions concernées, une « Note d’instruction générale » (instrument de réglementation interne au sein du CEA) relative à l’intégrité scientifique a été signée par l’Administrateur général le 1er juillet 2019, après échanges au sein de l’institution centrale de représentation du personnel.  

Cette note, structurée en quatre parties, a fait l’objet d’une diffusion à l’ensemble des salariés du CEA :

  • elle définit l’intégrité scientifique et en précise les objectifs, pour la distinguer de l’éthique de la recherche ;
  • elle fixe les principes et règles en matière d’intégrité scientifique applicables au CEA et précise les typologies de manquements ;
  • elle définit l’organisation mise en place pour assurer le respect de ces principes et règles et proposer les actions nécessaires ; cette organisation prévoit, en plus du RIS, un « comité à l’intégrité scientifique » et des « correspondants à l’intégrité scientifique » désignés au sein des directions opérationnelles ;
  • elle crée un dispositif de recueil et de traitement des signalements de manquement à l’intégrité scientifique, dont elle fixe les modalités. Ce dispositif est largement inspiré du « Guide pour le recueil et le traitement des signalements relatifs à l'intégrité scientifique » élaboré par un groupe de travail du Réseau des RIS (« RESINT ») et approuvé par l’Office Français de l’Intégrité Scientifique (« OFIS »).
Outre des actions de sensibilisation des doctorants, un programme de formation à l’intégrité scientifique est en cours de finalisation au sein de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (« INSTN »).

La démarche d’intégrité scientifique doit être une valeur partagée et un réflexe naturel pour l’ensemble des « acteurs de la recherche » au CEA et, à cet effet, des sessions d’information et de sensibilisation seront régulièrement organisées.

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