DES RESEAUX PILOTABLES ET INTELLIGENTS
Les smart-grids gèrent l'ensemble de la chaîne énergétique, de la production à la consommation. Le système doit être piloté de manière
très flexible pour gérer les contraintes liées à l'intermittence des énergies renouvelables, aux besoins de chauffage et d’électricité des particuliers et des industriels. Il doit aussi
s’adapter aux évolutions des usages tels que le véhicule électrique, et également à la production d’hydrogène bas-carbone pour l’industrie. Cette gestion nécessite le
développement d’approches numériques de modélisation et d’intelligence artificielle.
Des outils de pilotage
Le développement des réseaux intelligents, appelés smart-grids, est indispensable pour intégrer plus d'énergies renouvelables sur le réseau électrique et répondre en temps réel aux usages qui évoluent. Pour y parvenir, des outils de pilotage sont nécessaires :
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Nouvelles générations d’onduleurs pour intégrer ces technologies en courant continu sur des réseaux en courant alternatif ;
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Nouvelles batteries à faible coût pour le stockage courte durée de l’électricité ;
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Outils de prévision solaire optimisés avec prise en compte fine des données météorologiques ;
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Systèmes de communication performants ;
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Outils de gestion multi-échelle de l’équilibre entre l’offre (production) et la demande (consommation).
De plus en plus, l’équilibre des réseaux passera par un
couplage des différentes sources d’énergie (électricité, gaz, chaleur).
Des simulations pour valider les stratégies de pilotage énergétique
Expérimentations et simulations sont complétées par des essais sur des plateformes dédiées dans lesquelles environnements réel et simulé sont mixés. Les chercheurs y ont recours soit pour tester le comportement d'un appareil - un onduleur photovoltaïque, une batterie ou un capteur solaire par exemple - connecté à un réseau virtuel, soit pour valider des stratégies de pilotage énergétique.
Supervision de production / consommation électrique d'un site (projet SCADA - CEA Ines Chambéry) © P. Avavian / CEA
Des réseaux de chaleur et de froid
En France, les
réseaux de chaleur et de froid, principalement alimentés par des énergies fossiles il y a dix ans, le sont aujourd’hui, à plus de 50 %, par des énergies renouvelables. Ils permettent de valoriser des ressources variées telles que la
chaleur fatale issue de procédés industriels, les déchets, la biomasse, la géothermie, ou encore l’énergie du Soleil avec le solaire thermique.
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Un
réseau de chaleur est un système de distribution d’énergie calorifique produite de façon centralisée, permettant de desservir plusieurs usagers à bas coût. L’énergie est transportée par un fluide caloporteur via un réseau de distribution. Elle alimente à 90 % des bâtiments résidentiels et tertiaires, en grande partie pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire en zone urbaine.
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Les
réseaux de froid urbains sont quant à eux, moins développés. Mais l’augmentation des besoins en rafraîchissement va pousser leur développement dans les années à venir. Les réseaux de chaleur du futur sont au cœur du concept de smart-grid énergétique à l’échelle locale visant à interconnecter les vecteurs électriques, gaz/hydrogène et chaleur pour bénéficier des atouts de chaque réseau et contribuer à la décarbonation du système énergétique.
LE Stockage
L’utilisation croissante des énergies renouvelables intermittentes implique un recours accru aux solutions de flexibilité et aux systèmes de stockage. La maîtrise de ces solutions permet d’adapter l’offre et la demande dans le temps.
Parmi les nouveaux usages, la
mobilité électrique va nécessiter des moyens de stockage performants. Cette électrification des transports permet de répondre à un double enjeu : moins dépendre des produits pétroliers et contribuer à la diminution des émissions de gaz à effet de serre.
Le stockage d'énergie doit pouvoir être intégré dans le véhicule électrique : c’est le cas des batteries et de l’hydrogène.
Le stockage thermique
Le stockage de la chaleur, ou stockage thermique, constitue une solution de flexibilité pour le réseau énergétique. Les travaux de R&D portent sur le développement de systèmes physiques pour le stockage de la chaleur à court ou long terme (stockage intersaisonnier).
On distingue 3 technologies :
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Le
stockage par chaleur sensible, qui consiste à chauffer un fluide caloporteur ou un solide. La chaleur est ensuite récupérée en transférant l’énergie stockée vers un autre fluide. C’est le principe du ballon d’eau chaude, couplé à un panneau solaire thermique.
Stockage thermique par chaleur sensible © C. Beurtey / CEA
Le
stockage de chaleur par changement de phase, grâce à l’utilisation de matériaux dont la chaleur va entraîner le passage par fusion d’un état solide à un état liquide, le déstockage se faisant par solidification du même matériau.
Stockage par changement de phase © C. Beurtey / CEA
Stockage thermique par réaction chimique © C. Beurtey / CEA
Le stockage par batteries
Les
batteries, technologies clefs du transport électrique, sont un marché en pleine croissance. Un investissement important est notamment fait dans la recherche sur celles au
lithium, en synergie avec l’effort européen.
Unebatterie automobile est un
assemblage d’accumulateurs élémentaires (plus de 7 000 dans le cas de la Tesla S) qui stocke l’énergie électrique issue de la circulation des ions au sein de l’électrolyte entre deux électrodes, et des électrons dans un circuit extérieur.
La chimie des matériaux, au cœur des travaux de recherche, permet de fabriquer des accumulateurs répondant aux spécificités de chaque application. Les principaux enjeux sont d’accroître de manière importante la densité d’énergie, la densité de puissance, la durée de vie et la sécurité d’utilisation, tout en minimisant l’impact environnemental des matières utilisées ainsi que les coûts énergétique et financier.
Les batteries "tout solide"
La technologie lithium-ion commence aujourd’hui à montrer ses limites. Pour accroître encore les densités d’énergie, une solution prometteuse est d’utiliser une électrode en lithium métal en lieu et place de l’électrode en graphite ou en composite graphite-silicium utilisée dans les générations actuelles de batteries. Cette nature d’électrode est incompatible avec l’utilisation d’un électrolyte liquide, elle nécessite donc d’opérer avec un électrolyte solide, d’où l’appellation
batteries « tout solide ». Des chimies alternatives sont également à l’étude pour des applications très spécifiques (technologies lithium/soufre, accumulateurs Na-ion, supercondensateurs hybrides…).
Les batteries apporteront également progressivement un soutien au réseau électrique. En effet, elles pourront compenser, au moins partiellement, l’intermittence des énergies renouvelables.
Ligne pilote d’assemblage de batteries lithium-ion (CEA Grenoble) © P.Avavian / CEA
Fonctionnement d'une batterie Lithium-ion © C.Beurtey / CEA
Le vecteur hydrogène
L’hydrogène est aujourd’hui reconnu comme faisant partie des
solutions pour réussir la transition énergétique. Véritable
vecteur énergétique, il permet de passer d’une énergie (électricité, gaz, chaleur…) à une autre, via une pile à combustible ou un électrolyseur. Un surplus de production électrique peut ainsi être stocké massivement et durablement, puis restitué ou consommé directement. Outre le
stockage, il permet de
décarboner de nombreux secteurs de l’économie, en particulier l’industrie et les transports, fortement émetteurs de CO2, sous réserve d’être lui-même produit à partir d’une électricité décarbonée.
Les travaux sur le vecteur hydrogène portent sur la filière complète :
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production : électrolyse ;
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stockage : gaz comprimé, voie solide, voie liquide ;
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conversions pour différents usages : mobilité hydrogène, hydrogène industriel, gestion des réseaux énergétiques.
La production
Actuellement,
90 % de l’hydrogène utilisé dans l’industrie est produit par des procédés basés sur la
décomposition d’hydrocarbures, comme le vaporeformage (dissociation de molécules carbonées en présence de vapeur d’eau et de chaleur), tous émetteurs de gaz à effet de serre. L’enjeu du développement de la filière repose sur la capacité à basculer vers une
production massive d’hydrogène décarboné à un coût compétitif.
Pour en savoir plus
Le CEA travaille sur le procédé d’électrolyse de la vapeur d’eau à haute température (EVHT), qui a l'avantage de présenter des rendements de conversion élevés, et la particularité d’être réversible. Il a obtenu des résultats au meilleur niveau mondial avec une densité de courant de 2 A/cm2. Les études technico-économiques montrent que les systèmes de production EVHT pourraient fournir un hydrogène à moins de
2 euros par kg d’ici 2030.
Qualification des matériaux pour des électrolyseurs de vapeur d'eau à haute température (EVHT) destinés à produire de l'hydrogène (CEA Grenoble) © P.Avavian / CEA
Le stockage
Les chercheurs du CEA s’intéressent à différents modes de stockage de l’hydrogène :
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Le stockage hautes pressions (350-700 bar) de l’hydrogène est développé majoritairement pour des applications de mobilité. Cette approche permet de stocker la quantité d’hydrogène nécessaire à un véhicule alimenté par une pile à combustible pour parcourir de 500 à 600 km entre chaque plein. Les réservoirs hyperbares en cours de déploiement reposent sur une technologie comprenant une vessie en polymère, assurant l’étanchéité, entourée d’une coque composite pour la tenue mécanique. Les recherches actuelles visent à baisser les coûts par une meilleure maîtrise de la coque composite.
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Le stockage basse pression en phase solide, quant à lui, consiste à absorber l’hydrogène dans des matériaux capables de le restituer à la demande.
- Une troisième voie de stockage, réservée à des applications particulières de très hautes technologies comme la propulsion spatiale, consiste à
stocker l’hydrogène en deçà de -253 °C, sous forme liquide. Cette forme de stockage est également envisagée pour le transport aérien.
Fabrication d’un liner (réservoir) hyperbare d’hydrogène pour l’automobile (CEA Le Ripault) © P.Stroppa / CEA
Une pile à combustile
Une pile à combustible (PAC) est un convertisseur électrochimique qui produit simultanément de l’électricité et de la chaleur en recombinant de l’oxygène et de l’hydrogène, avec de l’eau pour seul « rejet ». Il existe plusieurs types de piles à combustible qui peuvent être classés en fonction de leur température de fonctionnement et de la nature de leur
électrolyte.
Les recherches du CEA portent sur deux technologies de PAC à électrolyte solide :
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les piles à membranes échangeuses de protons (PEMFC, pour Proton Exchange Membrane Fuel Cell) ;
- les piles à oxydes solides (SOFC, pour Solid Oxide Fuel Cell).
Analyse physico-chimique des batteries et piles à combustible. Cartographie des densités de courant locales dans une pile à combustible (CEA Grenoble) © D.Guillaudin / CEA
COMMENT FONCTIONNENT ...
Les PEMFC
Depuis les années 1990, les
PEMFC sont développées pour des applications dans les
transports. Elles fonctionnent à basse pression et à des températures de l’ordre de 80 °C.
La cellule électrochimique est constituée de
deux électrodes, l’anode et la cathode, séparées par une membrane qui joue le rôle d’électrolyte. Les cellules sont regroupées, en série, par centaines, dans un ou plusieurs empilements, appelés « piles » ou « stacks ». Ces systèmes permettent d’envisager la conception de véhicules ayant des autonomies comparables aux véhicules thermiques, et donc supérieures à leur équivalent batterie. La densité d'énergie volumique des piles étudiées au CEA avoisine aujourd’hui les
4 kW/L. Des transferts industriels ont été réalisés auprès de PSA, Symbio et Faurecia. Des recherches portent également sur les futures générations de PEMFC à base de composants imprimés.
Fonctionnement d’une PEMFC (piles à membranes échangeuses de protons) © Yuvanoé / CEA
LES SOFC
Avec une puissance de sortie allant de
1 kW à 2 MW, les
SOFC sont quant à elles plutôt destinées aux
applications stationnaires en cogénération (électricité et chaleur) ou comme auxiliaires de puissance pour les transports.
Elles utilisent un électrolyte à base de céramique conductrice, qui implique des
températures de fonctionnement élevées, de l’ordre de
800°C. Plus tolérantes vis-à-vis du combustible et présentant de
meilleurs rendements que les PEMFC, elles n’ont cependant pas encore atteint tous les objectifs technologiques nécessaires pour les fortes puissances, en raison notamment de leur fonctionnement à très hautes températures.
Fonctionnement d’une SOFC (pile à oxydes solides) © Yuvanoé / CEA
Le transport
Le déploiement massif de l’hydrogène pourrait impliquer de le faire
transiter par les réseaux de gaz naturel existants. Dans cet objectif, il est indispensable d’étudier les mécanismes de fragilisation des aciers qui constituent ces canalisations en présence d’hydrogène. De telles études sont menées au CEA, en partenariat avec les gestionnaires de réseaux.
Une autre approche innovante consiste à envisager le transport de l’hydrogène bas-carbone dans des
milieux liquides (LOHC pour Liquid Organic Hydrogen Carriers) pour couvrir de grandes distances, en particulier pour le transport intercontinental d’hydrogène par voie maritime.
ZOOM sur energy observer
Le premier bateau hydrogène à faire le tour du monde
Le défi du projet
Energy Observer était de
naviguer en totale autonomie énergétique et sans émission de gaz à effet de serre ni de particules fines. Pour réussir cette prouesse technologique, les ingénieurs-chercheurs du CEA ont développé une architecture énergétique autour de :
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deux ailes de propulsion intelligente ;
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des panneaux photovoltaïques répartis sur 160 m2 et associés à un système de stockage batteries ;
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deux moteurs électriques réversibles en hydrogénérateurs.
Le bateau couple différentes sources d’énergies renouvelables pour
produire son propre hydrogène à partir de l’eau de mer, le stocker à bord et l’utiliser ensuite dans une pile à combustible. Mis à l’eau en 2017, il a parcouru 18 000 miles nautiques en 2 ans de navigation.
Maquette du catamaran « Energy Observer » © D. Guillaudin / CEA
LA Mobilité décarbonée
Un outil de flexibilité pour le réseau électrique
À l’échelle nationale,
le secteur du transport de passagers ou de marchandise est responsable d’un quart des émissions de CO2. Afin de diminuer cette empreinte carbone, il est nécessaire de développer des solutions alternatives plus respectueuses de l’environnement.
La France, à l’instar d’autres pays industrialisés, ambitionne un déploiement massif de la
mobilité électrique incluant les véhicules hybrides rechargeables, les véhicules électriques à batteries ou à hydrogène. Le Contrat stratégique de la filière automobile a d’ailleurs fixé comme objectif
« une multiplication par cinq d’ici fin 2022 des ventes de véhicules 100 % électriques » par rapport au niveau de 2017.
La recharge solaire et le photovoltaïque embarqué font partie des expérimentations alliant solaire et véhicules électriques.
Les ombrières de parking recouvertes de panneaux photovoltaïques associées à des bornes de recharge permettent le branchement de véhicules électriques, alors considérés comme consommateurs d’électricité.
Parking solaire avec bornes de recharge pour véhicules électriques (CEA Grenoble) © C.Maniglier / CEA
Mais les batteries embarquées de ces véhicules pourraient aussi être considérées comme un système de stockage de l’énergie, sachant qu’un véhicule particulier passe la majorité de son temps en stationnement (50 % en permanence au domicile et 69 % des 6 heures par jour en moyenne pour les actifs). Le réseau pourrait y puiser l’électricité nécessaire pour répondre aux fortes demandes (lors des pics de consommation du début de soirée) ou pour pallier un manque ponctuel de production. On parle alors de
Vehicule-to-grid (V2G) :
le véhicule électrique alimente le réseau en fonction des besoins (modèle bidirectionnel) et lui offre un service de flexibilité.
Plateforme de monitoring. Au premier plan, véhicule électrique et véhicule hybride batterie/hydrogène au second plan (CEA Grenoble) © D.Guillaudin / CEA