Article reproduit avec l'aimable autorisation de Clotilde Waltz / Grenoble INP - UGA (lien vers la page originale publiée sur le site Grenoble INP en bas de page).
Clemens Winkelmann chercheur au laboratoire
CEA-Irig/Pheliqs et enseignant à Grenoble INP-Phelma, UGA, vient d’être nommé membre senior de l’Institut universitaire de France (IUF). Cette distinction permet aux enseignants-chercheurs de bénéficier d’une décharge des deux tiers de leur temps d’enseignement et de moyens renforcés pour développer leurs travaux pendant cinq ans.
Spécialiste de la physique quantique des systèmes électroniques à l’échelle micro- et nanoscopique, Clemens Winkelmann concentre ses recherches sur la supraconductivité et les phénomènes quantiques qui apparaissent à très basse température. « Pour être quantique, un objet doit être petit et froid, explique-t-il. Plus on refroidit un objet, plus il peut manifester des effets quantiques, même s’il est relativement grand. »
Dans son laboratoire, les expériences s’appuient sur des
cryostats* capables d’atteindre des températures de l’ordre de 0,025 degré au-dessus du zéro absolu. À ces températures extrêmes, certains matériaux peuvent devenir supraconducteurs : ils conduisent alors le courant électrique sans aucune résistance, ni perte d’énergie. « La supraconductivité est à la conduction électrique normale ce que le laser est à l’ampoule : un état cohérent, ordonné, d’une grande pureté », illustre le chercheur.
Cap sur l’ordinateur quantique
Ces propriétés sont au cœur des technologies quantiques, notamment pour l’ordinateur quantique. Le module de base de ces machines, le qubit, s’appuie souvent sur une jonction Josephson – un contact ténu entre deux supraconducteurs – capable d’encoder l’information dans un état quantique. Mais cet état est tellement sensible à son environnement que toute dissipation, toute montée de température, menace de le faire disparaître.
C’est justement sur ces fragilités que porte une partie des recherches de Clemens Winkelmann. Dans deux articles parus en 2023 dans Nature et Nature Physics, il a étudié la dissipation dans ces jonctions, mesuré la chaleur dégagée lors de sauts de cet état quantique, et testé des stratégies pour restaurer la cohérence. Des travaux pionniers, réalisés avec des instruments de très haute précision, qui mettent en lumière des défis encore peu explorés dans la course au calcul quantique.
Grâce à sa nomination à l’IUF, Clemens Winkelmann entend accélérer plusieurs projets, dont l’un particulièrement novateur : la réalisation d’un microscope à effet tunnel (STM) intégrant une jonction Josephson. Ce dispositif, en cours de développement, utilisera une pointe supraconductrice pour sonder un substrat également supraconducteur, exploitant l’effet tunnel quantique – un phénomène par lequel une particule traverse une barrière infranchissable selon les lois de la physique classique. « Cette configuration pourrait nous permettre d’observer les propriétés quantiques de matériaux ou de structures hybrides supraconductrices avec une résolution inédite, et de mieux comprendre leur comportement dans des conditions extrêmes. »
L'activité autour de cet instrument est menée conjointement au Lateqs avec Vincent Renard ; elle a donné lieu à une ouverture de poste permanent de chercheur-ingénieur CEA (voir post LinkedIn ).
En parallèle de ses recherches, Clemens Winkelmann continue d’assurer la responsabilité pédagogique de la filière Nanotech à Grenoble INP–Phelma, UGA, un cursus international co-accrédité avec Politecnico di Torino et l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Il y forme chaque année des étudiantes et étudiants à la croisée de la physique, de l’ingénierie et des nanotechnologies, au plus près des enjeux scientifiques actuels.
mésoscopique* : Qui appartient à un ordre de grandeur se situant entre les limites du monde macroscopique et celles du monde nanométrique, à une échelle où les structures de la matière peuvent présenter des caractéristiques et des propriétés relevant à la fois de la physique quantique et de la physique classique.
cryostat* : Instrument permettant d’obtenir des températures cryogéniques grâce à l'inertie thermique d'un liquide très froid (généralement, azote liquide ou hélium liquide).

L’Institut universitaire de France (IUF) a pour mission de favoriser le développement de la recherche de haut niveau dans les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de renforcer l’interdisciplinarité, en poursuivant trois objectifs :
- Encourager les établissements et les enseignants-chercheurs à l’excellence en matière de recherche fondamentale, d’innovation et de médiation scientifique avec les conséquences positives que l’on peut en attendre sur l’enseignement, la formation des jeunes chercheurs et plus généralement la diffusion des savoirs vers la société ;
- Contribuer à la féminisation du secteur de la recherche ;
- Contribuer à une répartition équilibrée de la recherche universitaire dans le pays, et donc à une politique de maillage scientifique du territoire.
L’
IUF constitue ainsi un réseau de l’excellence universitaire en France et à l’étranger.