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Absorption de l’uranium chez la plante et la levure


Les chercheurs de l'Irig décrivent pour la première fois les voies d’entrée de l’uranium dans deux organismes eucaryotes modèles. Ces travaux ouvrent d'autre part la voie à une identification simple et rapide de transporteurs potentiels d'uranium d'organismes pluricellulaires complexes, par expression fonctionnelle dans la levure, avant leur validation et étude détaillée dans leurs organismes d'origine.

Publié le 16 décembre 2021
L’uranium (U) est un radionucléide naturel qui peut s'accumuler localement dans le sol et l'eau où il présente des risques potentiels pour les écosystèmes, les agrosystèmes et, finalement, la santé humaine. En effet, l'U est un élément non essentiel qui peut être absorbé depuis l'environnement et induire des effets à la fois chimiotoxiques et radiologiques. Bien que les effets toxiques de l'U soient de mieux en mieux caractérisés, les voies d'absorption de ce radionucléide n'ont jamais été clairement décrites, tant dans les organismes procaryotes qu’eucaryotes.

Des chercheurs de l’Irig ont identifié plusieurs mécanismes qui permettent à l’U de pénétrer dans les cellules de deux organismes eucaryotes modèles, la levure Saccharomyces cerevisiae et la plante Arabidopsis thaliana. Dans un premier temps [1] ils ont montré que le transport d’U dans la levure était dépendant de l’activité métabolique de la cellule : l’U n’entre pas dans la cellule de façon passive. Afin d’identifier les voies potentielles d’entrée de l’U, ils ont réalisé des expériences de compétition avec des métaux essentiels pour la levure. Ces expériences consistent à mesurer l'effet de concentrations croissantes d'un métal essentiel dans le milieu extracellulaire sur la capacité des cellules à incorporer l’U (sachant qu’un métal compétiteur réduira l'incorporation de l'U de façon dose-dépendante). Ils ont ainsi identifié les voies d'entrée du calcium, du fer et du cuivre comme des voies potentielles de l'absorption de l'U. Afin d’en apporter une preuve définitive, ils ont analysé plusieurs mutants affectés dans le transport de métaux et révélé l'implication du canal calcique nommé Mid1/Cch1, ainsi que d’une protéine transmembranaire, la perméase du fer(III) Ftr1, dans l'absorption de l'U. Enfin, l'expression du gène Mid1 dans le mutant de délétion ΔMid1 (levure dans laquelle le gène Mid1 indispensable à la formation du canal calcique a été supprimé) a restauré les niveaux d'absorption de l'U de la souche sauvage, soulignant le rôle central de ce canal calcique dans le processus d'absorption de l'U.

Voies d’absorption de l’uranium dans la levure.

L’entrée de U dans la levure Saccharomyces cerevisiae nécessite une source d’énergie (glucose ou glycérol), une chaîne respiratoire fonctionnelle (bloquée par l’azide de sodium) et implique le canal calcique de haute affinité Mid1/Cch1 ainsi que la perméase à fer ferrique Ftr1.


Qu’en est-il chez la plante ? Une seconde étude [2] menée en parallèle par cette équipe a fourni plusieurs preuves que l'U est absorbé par les racines de la plante Arabidopsis thaliana via des canaux calciques. Une carence nutritionnelle en calcium, est capable d’induire une augmentation (1,5 fois) de la capacité de la plante à accumuler l'U dans ses racines. Afin de confirmer le lien entre l’U et l'homéostasie calcique, les chercheurs ont montré que l'accumulation d'U dans les racines était inhibée par le calcium exogène (phénomène de compétition) et par des inhibiteurs ioniques ou chimiques de canaux calciques. Ces expériences suggèrent également que différents types de canaux perméables au Ca2+, très nombreux chez les plantes, servent de voie d'absorption de l'U. Enfin, l’accumulation de l'U dans les racines de deux mutants d'Arabidopsis déficients en canaux calciques s’est avérée être fortement réduite, ce qui confirme qu’ils contribuent directement à l'absorption de l’U.

Voies d’absorption de l’uranium dans les racines d’Arabidopsis.

Dans les racines d’Arabidopsis thaliana, l’U peut être transféré jusqu’à l’endoderme via les parois cellulaires (voie apoplastique, en bleu) avant d’être bloqué par des structures appelées cadre de Caspari. Le passage de U dans les cellules endodermiques (voie symplastique, en vert) implique des canaux calciques, dont la protéine MCA1. La voie symplastique permet un transfert radial direct de U depuis le sol, le canal calcique atypique ANN1 participant à l’incorporation dans les cellules de l’épiderme.

Pris dans leur ensemble, ces résultats décrivent pour la première fois les voies d’entrée de l’U dans deux organismes eucaryotes modèles. Ils démontrent l'implication des canaux calciques et de la perméase de fer(III) dans l'absorption cellulaire de l'U. Ces travaux ouvrent également la voie à une identification simple et rapide de transporteurs potentiels d'U d'organismes pluricellulaires complexes, par expression fonctionnelle dans la levure (organisme unicellulaire), avant leur validation et étude détaillée dans leurs organismes d'origine.
Ce travail a été financé par le programme de toxicologie nucléaire du CEA et par l’ANR (projet GreenU).
Un canal calcique est un canal ionique (cationique plus précisément), formé de protéines et traversant la membrane plasmique des cellules. Il permet le passage de l'ion calcium de l'extérieur à l'intérieur de la cellule. Les canaux calciques concernés sont MCA1 et l’annexine 1 (ANN1). MCA1 (Mid1-Complementing Activity) est un canal calcique localisé dans la membrane plasmique des cellules végétales. Les annexines sont des protéines qui se lient aux membranes de façon calcium-dépendante et qui jouent un rôle de canal calcique atypique.

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