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Fait marquant | Résultat scientifique

Ni proie, ni partenaire : le plancton qui floute la frontière entre prédation et symbiose


​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​Une étude publiée dans Current Biology menée par des chercheurs de l'Irig/LPCV et leurs collaborateurs, révèle une interaction complexe chez le plancton marin, entre prédation et symbiose. Cette interaction où un plancton "vole" et retient des organelles d'une microalgue pendant des mois, démontre la complexité des relations entre cellules planctoniques dans l'océan, et comment la vie a pu se différencier​​​​ au cours de l'évolution.​​​

Publié le 2 juin 2025

Dans l’océan, le plancton est constitué majoritairement d’organismes unicellulaires qui interagissent de manière complexe au cours de leur vie. ​​​En plus de se manger entre eux, ils peuvent aussi vivre ensemble, ce qu'on appelle la symbiose (sensu lato).  Par exemple, un plancton hôte peut abriter en symbiose des microalgues intracellulaires, ce qui lui permet d’accéder directement à l’énergie issue de la photosynthèse grâce à la lumière du soleil. 

Mais il existe une autre forme d’interaction : certains planctons « volent » des parties de microalgues, notamment les chloroplastes, les organelles photosynthétiques produisant de l’énergie sous forme de sucres et de lipides. Ce phénomène entre prédation et symbiose s’appelle la kleptoplastidie. Ces interactions permettent au plancton hôte de fabriquer sa propre énergie ou "carburant" à partir de la lumière. 

Les connaissances sur les mécanismes sous-jacents ce phénomène restent limitées, notamment en ce qui concerne la façon dont se déroule l’interaction au niveau subcellulaire et ce qu’il advient des chloroplastes volés au fil du temps. ​


Une interaction dans le plancton passée à la loupe grâce à l'imagerie 3D de pointe et l'intelligence artificielle 

Dans l'étude publiée dans la revue Current Biology, l​es scientifiques ont disséqué une interaction entre un type de plancton appelé dinoflagellé et une microalgue nommée Phaeocystis. En combinant des techniques d’imagerie avancées, ils ont pu déterminer l’organisation cellulaire de l’interaction, et plus particulièrement la morphologie tridimensionnelle des organelles volées de la microalgue dans la cellule hôte. Après « ingestion » de la microalgue, telle une proie non digérée, son noyau grossit, ses chloroplastes augmentent de volume et deviennent plus efficaces pour la photosynthèse. Sa mitochondrie forme alors un vaste réseau complexe en interaction avec le chloroplaste.

Après plusieurs semaines, le noyau de l'algue disparait, mais le chloroplaste et la mitochondrie sont conservés et restent fonctionnels pendant des mois, soulevant de nombreuses questions sur l'autonomie de ces organelles et du contrôle de l'hôte. Le plancton « voleur » est ainsi une chimère composée de deux noyaux, de deux mitochondries et de chloroplastes. ​​​​


Figure: Reconstruction en trois dimensions de la microalgue marine Phaeocystis et du dinoflagellé (Ross Sea Dinoflagellate) obtenue par microscopie électronique 3D. Le dinoflagellé peut voler les organelles de la microalgue comme le chloroplaste (vert) et la mitochondrie (rouge), dont la morphologie et la physiologie sont modifiées.

Grâce à l’imagerie subcellulaire, cette étude menée par Ananya Kedige Rao, doctorante de l’Université Grenoble Alpes (UGA), met ainsi en évidence une stratégie complexe chez le plancton marin. Ces travaux améliorent nos connaissances sur les interactions et les dépendances entre cellules planctoniques dans les écosystèmes marins. 

En plus de leur importance écologique, ces interactions cellulaires entre prédation et symbiose sont à l’origine d’innovations majeures au cours de l’évolution, comme l’acquisition du chloroplaste chez les plantes et différentes lignées de microalgues.

Collaborations:

Plusieurs collaborations internationales ont permis de relever les défis de l'imagerie et de l'analyse associée:


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