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Les usages de l'énergie en France : quels leviers pour décarboner?

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Publié le 5 juin 2023

La France dépend encore majoritairement des énergies fossiles. 

Quels leviers pour décarboner ?

Par Arthur Clerjon, Chercheur à I-Tésé




Résumé

Nous avons construit une représentation graphique des flux entre la consommation d’énergie finale et les usages à l’échelle du territoire français sous la forme d’un diagramme de Sankey (voir graphique ci-dessous). Ce diagramme décrit les différents postes de consommation d’énergie et permet d’apprécier les volumes en jeu ainsi que leur origine et contenu CO2. Il est ensuite la base d’une analyse du potentiel des grands leviers de décarbonation du système énergétique.

 

​Messages principaux


Les chiffres clefs :   
  • En 2019, la France a consommé 1840 TWh d’énergie finale.
  • 65% de cette consommation d’énergie finale est d’origine fossile.
  • Transport routier et chauffage pour le résidentiel-tertiaire sont les usages les plus consommateurs en énergie et les plus dépendants des énergies fossiles :

  • Transport routier :
488 TWh, dont 450 TWh de fossile ; soit 30% des émissions de GES sur le territoire.

  • Chauffage :
400 TWh, dont  218 TWh de fossile ; soit 15% des émissions de GES sur le territoire.
Les défis à venir : 
  • L'électrification massive des usages est un levier indispensable pour réduire fortement la consommation d’énergie fossile.
  • Cette électrification implique de fortes consommations additionnelles, et nécessite donc de développer de nouvelles capacités de production d’électricité bas-carbone. 
  • La disponibilité d’électricité bas carbone étant limitée au moins dans un premier temps, il faudra privilégier des solutions à forte efficacité énergétique (e.g. pompes à chaleur, véhicules électriques).
  • Les autres principales solutions envisageables en complément de l’électrification massive (biomasse et valorisation de la chaleur fatale) ne sont pas disponibles en quantité suffisante pour permettre de remplacer complètement les fossiles. De même, certaines matières premières minérales seront en tension avec l’électrification des usages.
De ce fait, des efforts de sobriété, c’est-à-dire une baisse de la demande en énergie, sont également indispensables pour l’atteinte des objectifs de la SNBC.


​Introduction

L’objet de ce document est de présenter dans sa globalité le système énergétique français, de l’utilisation des ressources primaires aux usages finaux. Nous rappelons ici les principaux ordres de grandeur de consommation d’énergie, par sources et usages, afin de donner aux lecteurs une intuition des enjeux qu’implique la fin du recours aux énergies fossiles.

Le système énergétique national étant éminemment complexe, nous ne rentrerons pas dans le détail de l'ensemble des solutions de décarbonation. Nous avons plutôt choisi de montrer, à travers des exemples simples, l’effet que pourrait avoir le développement de différentes technologies sur la consommation d’énergie. Cette approche nous permet de présenter les grands enjeux de la transition énergétique et de prendre la mesure du chemin à parcourir, que ce soit du point de vue des technologies ou de l’évolution des modes de vie.

Cet article n’a pas vocation à décrire une marche à suivre pour décarboner l’économie. Nous avons au contraire souhaité donner des éléments de contexte pour que le lecteur puisse construire sa propre analyse.


Les données énergétiques utilisées pour la réalisation de ce graphique proviennent de l’agrégation de rapports du Service des Données et Études Statistiques (SDES) pour l’année 2019, avant la crise sanitaire. Le cadre méthodologique est identique à celui choisi par ces rapports, à l'exception du transport international (aérien et maritime) qui a été ajouté. Les données d'émissions de CO2  proviennent quant à elles du centre de ressources Bilan GES de l’ADEME.




​Sommaire de l'article

1. Le point sur l'utilisation des ressources énergétiques en France





​2. Quelles alternatives pour décarboner ?




                   


Remerciements

Ce travail est le fruit d’une réflexion et d’une compréhension qui s’est construite sur le long terme avec de nombreux  experts du domaine. Pour cette raison, l‘auteur principal souhaite remercier l’ensemble des chercheurs du CEA avec qui il a pu collaborer et échanger pour produire ce document.

En particulier au sein de l’équipe du CEA I-Tésé, merci à Clotilde CHAGNY, Arthur LYNCH, Louise LERAY, Valérie SEGUIN, Guillaume BOISSONNET et Bertrand CHARMAISON pour leur collaboration. Merci également à Philippe AZAÏS et Fabien PERDU pour leurs précieux conseils. Pour terminer, l'équipe d'I-Tésé remercie chaleureusement Gabrielle MERITE de nous avoir aidés à illustrer chacun des messages scientifiques que nous avons souhaité partager.


Notes méthodologiques

Les données utilisées pour réaliser ces graphiques correspondent à une agrégation de plusieurs documents issus du SDES, pour les données 2019. Les valeurs correspondent aux données réelles en 2019, et ne sont pas corrigées des aléas climatiques (par opposition à climat constant donc).


Le champ de l’étude inclut la France métropolitaine ainsi que le DROM.


La structure générale des données proviennent du Service des Données et Etudes Statistiques (SDES) du gouvernement. Les données sont disponibles ici (au format Excel) et (en pdf). Ces données ont été comparées avec la répartition par source et par usage faite par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) sur la base des données du SDES. Ces deux sources sont cohérentes, et nous avons choisi, dans le cadre du transport domestique, d’utiliser la répartition proposée par l’AIE. Pour les autres secteurs, les données sont celles du SDES.


Il est important de noter également que les consommations énergétiques finales de gaz et combustibles gaz sont données au PCI et non pas au PCS.


Le contenu CO2 des vecteurs énergétiques finaux provient de la base Carbone Bilan GES de l’ADEME. Celui-ci est exprimé en kgCO2 équivalent par MWh (PCI pour les combustibles). C’est à dire qu’il s’agit des émissions équivalentes de GES, ramenées au pouvoir de réchauffement du CO2, par unité d’énergie disponible, avant utilisation et conversion, dans un moteur ou un moyen de chauffage par exemple.


Ressources supplémentaires – références

Note : les données peuvent présenter des écarts avec celles diffusées dans le cadre du bilan de l'énergie (au-delà de la correction des variations climatiques réalisée dans le bilan). Ces écarts proviennent d'une différence de méthodologie et de champ notamment, les secteurs de la réparation/installation de machines industrielles, de la distribution d'eau et du traitement des eaux usées/déchets figurent dans le bilan dans le champ du tertiaire et non pas ici.







DEFINITIONS

  • Bas carbone : Qualifie l’ensemble des vecteurs énergétiques à faible contenu CO2, tel que l’électricité en France, les ‘ENRt et déchets’, ainsi que la chaleur commercialisée (voir haut carbone).


  • Chaleur fatale : De manière générale, on qualifie de fatale une énergie qui est perdue si elle n’est pas valorisée au moment où elle est produite/disponible. C’est le cas des émission de chaleur lors de procédés industriels ou de transformations chimiques, lorsque les émissions de chaleur ne sont pas valorisées​.


  • Chaleur commercialisée : Chaleur étant vendue à des tiers, par le biais des réseaux de chaleur et par les installations de cogénération non reliées à ces derniers. Les valeurs données sont nettes des pertes de distribution. 


  • Energie finale : L'énergie finale (ou vecteur énergétique final) est l'énergie livrée au consommateur pour sa consommation finale (essence à la pompe, électricité au foyer, etc.). (Définition INSEE).


  • ​Energie primaire : ‘L'énergie primaire est l'ensemble des produits énergétiques non transformés, exploités directement ou importés. Ce sont principalement le pétrole brut, les schistes bitumineux, le gaz naturel, les combustibles minéraux solides, la biomasse, le rayonnement solaire, l'énergie hydraulique, l'énergie du vent, la géothermie et l'énergie tirée de la fission de l'uranium.’ (Définition INSEE). On préférera parler dans ce texte de ressource énergétique primaire, puisqu’il ne s’agit pas directement d’énergie disponible, mais bien de ressources primaires pouvant être transformées et convertie en énergie. On parlera alors de de vecteur énergétique final, ou par abus de langage, d’énergie finale.


  • Energies renouvelables thermiques et déchets : Définition du SDES (page 32)  : Les énergies renouvelables thermiques (bois, solaire thermique, biocarburants, pompes à chaleur, géothermie etc.) et les déchets regroupent les filières pour lesquelles l’énergie produite l’est sous forme de chaleur, avant d’être éventuellement convertie sous une autre forme (en électricité ou en force motrice notamment). On distingue les filières de production d’énergie par combustion de celles de production primaire de chaleur. Les premières regroupent d’une part la biomasse, qu’elle soit solide (bois-énergie, résidus agricoles et agroalimentaires), liquide (biocarburants) ou gazeuse (biogaz), d’autre part les déchets incinérés (urbains et industriels). Les secondes regroupent la​​ géothermie, le solaire thermique et les pompes à chaleur.


  • Haut carbone : Qualifie l’ensemble des vecteurs énergétiques issus des combustibles fossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz (voir bas carbone).


  • Réseau de chaleur : Un réseau de chaleur est un système de distribution de chaleur produite de façon centralisée, permettant de desservir plusieurs usagers. Il comprend une ou plusieurs unités de production de chaleur, permettant de mobiliser massivement les énergies renouvelables et de récupération.​


  • Usages non énergétiques des fossiles : Il s’agit de l’usage des ressources fossiles ne donnant pas lieu à une combustion. Le pétrole, gaz ou charbon sont alors employés  comme molécule pour la synthèse d’autres molécules, par exemple l'ammoniac ou des polymères (plastique).


ABREVIATIONS

  • COP : Coefficient de Performance.

  • ECS : Eau Chaude Sanitaire.

  • ENR : ENergie Renouvelable.


  • ENRt : ENergie Renouvelable thermique.


  • GES : Gaz à Effet de Serre.


  • GIEC : Groupe d'experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat.


  • PAC : Pompe à Chaleur.


  • PCI : Pouvoir Calorifique Inférieur (par opposition au PCS, Pouvoir calorifique supérieur).



  • VE : Véhicule électrique.