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Biodégradation du chlordécone par méthanisation


​​​​Triplé gagnant pour la méthanisation : non seulement elle est une alternative énergétique et permet de produire des engrais organiques et minéraux ; elle pourrait même biodégrader le chlordécone, insecticide hautement toxique. C'est ce qu'affirme une étude du CEA-Jacob, de l'Ensaia et de l'Université de Lorraine.

Publié le 23 octobre 2023

Le chlordécone, insecticide organochloré, a été massivement utilisé pour lutter contre le charançon du bananier dans les Antilles Françaises de 1972 à 1993. Connu pour sa toxicité et sa persistance dans l'environnement, il fut dès lors interdit. Sa structure particulière rend cette molécule très stable et difficile à dégrader, conduisant à une pollution à long terme de l'environnement et d'une partie de la chaîne alimentaire dans ces territoires. Plusieurs pistes sont à l'étude pour le biodégrader, dont la méthanisation qui s'avère très prometteuse selon une étude du Génoscope (CEA-Jacob), de l’École nationale supérieure d'agronomie et des industries alimentaires (Ensaia)​ et de l'Université de Lorraine.

La méthanisation repose sur la capacité de certains micro-organismes à dégrader de la matière organique, en conditions contrôlées et en absence d'oxygène. À l'échelle industrielle, cette technique permet la production de biogaz, composé majoritairement de méthane, pour produire de l'électricité après cogénération ; ou pour injecter du gaz dans le réseau après épuration. Le digestat, issu de la digestion de cette matière organique, permet quant à lui la production d'un engrais organique et minéral.

85 % de biodégradation du chlordécone à 55°C

Dans un premier temps, les chercheurs se sont assurés que le chlordécone n'avait pas d'effet inhibiteur sur la production de méthane par les micro-organismes. Ils ont ensuite testé deux conditions de méthanisation à l'aide de déchets végétaux et animaux contaminés en des concentrations particulières, supérieures à la réalité du terrain. Les analyses chimiques ont montré qu'après quarante jours, 85 % du chlordécone étaient dégradés en condition thermophile (haute température de 55°C) et 42 % en condition mésophile (37°C). Par ailleurs, les chercheurs ont détecté et quantifié sept produits de transformation (dégradation) du chlordécone. « Nous pouvons dès lors écarter l'hypothèse d'une fixation du chlordécone sur la matière organique du digestat », annonce Pierre-Loïc Saaidi, chimiste au Genoscope et expert auprès du comité de pilotage scientifique national du plan chlordécone IV.

De nouveaux défis attendent les chercheurs, notamment pour affiner les analyses dans des conditions de concentration en chlordécone représentatives du terrain et afin d'étudier la toxicité des produits de dégradation. Mais ces résultats ouvrent la voie au traitement par méthanisation de déchets agricoles contaminés au chlordécone. Ce procédé se positionne ainsi comme une stratégie d'intérêt aux Antilles Françaises en contribuant d'une part à la dépollution du chlordécone et d'autre part à l'autonomie énergétique de ces territoires insulaires. «  Si bien qu'un démonstrateur de méthanisation thermophile est en cours d'installation en Guadeloupe », ajoute Yves Le Roux de l'Ensaia.


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