La capacité de calcul d'un ordinateur quantique est étroitement liée à son nombre de qubits. Afin de contrôler et d'optimiser le fonctionnement de ces derniers, des architectures en trois dimensions sont désormais envisagées pour connecter des puces contenant ces qubits à d'autres puces hébergeant des circuits, des dispositifs de contrôle et de lecture. Cet ensemble forme ainsi un système quantique intégré qui peut être placé directement dans un cryostat, à une température de quelques kelvins ou millikelvins – suivant le type de qubits employés –, pour la mise en fonctionnement des bits quantiques.
Collage direct sur plots de niobium
Dès lors, comment réussir à augmenter le nombre de qubits, et donc d'interconnexions entre les différentes puces, tout en garantissant que les qubits puissent continuer de fonctionner à la bonne température, sans subir d'échauffement dû aux autres puces ou aux autres éléments du système ? C'est le défi qu'ambitionne de relever l'équipe du CEA-Leti à laquelle appartient Candice Thomas, ingénieure-chercheuse en intégration 3D pour les systèmes quantiques.
« Notre objectif est d'intégrer des matériaux supraconducteurs au sein des interconnexions entre puces, car à basse température, ils conduisent parfaitement le signal électrique, ne génèrent pas de chaleur – n'ayant pas de résistance – et permettent même de limiter le transport de flux de chaleur, potentiellement générés par les circuits de contrôle et de lecture dans le système, grâce à leur mauvaise conductivité thermique », précise-t-elle.
Pour réaliser ces interconnexions, l'équipe de recherche s'est appuyée sur une technique sur laquelle le CEA-Leti dispose d'une expertise reconnue : le collage direct en plaque à plaque, un procédé consistant à coller deux surfaces sans ajouter de matériau adhésif. Une méthode employée d'ordinaire pour d'autres applications que l'informatique quantique, principalement avec du cuivre.
« Nous avons donc adapté ce procédé à un matériau supraconducteur, en l'occurrence le niobium », présente Candice Thomas. « Et nous avons également retiré l'isolant électrique – plus précisément, le diélectrique –, habituellement présent autour des plots de cuivre, pour n'avoir que de l'air autour des interconnexions, ce qui devrait contribuer à réduire les pertes thermiques et les pertes radiofréquence des signaux dans le système. »
Ainsi, les interconnexions mises au point par les chercheurs prennent la forme de plots de niobium reliant des puces grâce à ce collage direct adapté.
Interconnecter une grande densité de qubits
Le recours à une telle technique – une première mondiale à ce pas d'interconnexion – présente plusieurs avantages.
« Le collage direct permet d'atteindre des pas potentiellement d'une grande finesse, ce qui est primordial pour la mise à l'échelle du nombre de qubits et des architectures avec une haute densité de signaux », note Candice Thomas. « De plus, notre procédé ne requiert que des équipements déjà utilisés dans l'industrie, ce qui devrait faciliter un transfert technologique. »
L'équipe de recherche est ainsi parvenue à réaliser un démonstrateur avec un pas de 7 µm, permettant de qualifier – avec succès – les propriétés électriques et supraconductrices de ces interconnexions. Des essais complémentaires sont ensuite prévus pour vérifier les propriétés de telles interconnexions du point de vue thermique et de la transmission des signaux. De plus, les chercheurs entendent réduire le pas de ces interconnexions, afin notamment de répondre aux exigences de densité des systèmes à base de qubits de spin en silicium.
Par ailleurs, ils souhaitent optimiser le procédé de collage direct pour le rendre compatible avec les procédés d'intégration propres à différents types de qubits, notamment aux qubits supraconducteurs, ce dont pourrait également bénéficier le domaine de l'électronique supraconductrice. Cela passe par le développement d'un procédé de collage puce à plaque et par la réduction de la température de recuit, utilisée pour consolider l'interface de collage.
« Le procédé utilisé actuellement, hérité du procédé de collage hybride Cu/SiO2, implique un recuit à une température de 400 °C, qui risque d'endommager les performances des qubits, et même des matériaux supraconducteurs formant les interconnexions », indique Candice Thomas. « Nous travaillons dès lors à un moyen de réduire cette température de recuit. »
Ce qui constituerait un pas supplémentaire vers l'utilisation de cette brique technologique dans les architectures des systèmes quantiques intégrés.

Figure 1-Image obtenue par microscopie électronique en transmission à balayage montrant le collage direct de deux plots de Nb formant une interconnexion entre deux plaques. L'interface de collage entre les deux plots est mise en évidence par des pointillés blancs.