Spécialiste de la fabrication de capteurs, Stéphane Nicolas cultive cette vocation depuis le milieu des années 1990. Après une thèse dédiée à ce domaine, il rejoint l’industrie, où il se concentre sur le développement de capteurs MEMS — accéléromètres et gyroscopes en tête. En 2009, fort de six années passées chez Tronic’s Microsystems, une start-up issue du CEA-Leti, il rejoint ce centre de recherche de référence.
Durant une dizaine d’années, il contribue à perfectionner des procédés d’intégration et de packaging pour capteurs MEMS avant d’orienter son expertise vers une autre catégorie de composants : les capteurs d’images, omniprésents dans nos smartphones. Il contribue notamment au développement de la technologie PIXCURVE, qui améliore leurs performances tout en simplifiant l’architecture optique.
Deux techniques complémentaires : collage hybride et TSV-HD
Depuis 2022, il travaille dans le domaine de l'intégration 3D, en tant que chef de projet. Dans le cadre du
programme Smart Imager de l'IRT Nanoelec, et en collaboration avec les partenaires industriels de ce programme (STMicroelectronics, Prophesee, Lynred, SIEMENS) et le laboratoire de recherche G-InP), les travaux de son équipe contribuent à la mise au point d'une nouvelle génération de capteurs d'images.
« De manière très simplifiée, un capteur d'images CMOS est constitué de deux couches : l'une contenant les photodiodes chargées de détecter les photons, l'autre servant à récolter et à traiter les signaux issus des photodiodes », décrit-il. « Ici, l'objectif est d'ajouter une troisième couche intégrant de l'IA, afin de réaliser le traitement des données issues des images directement depuis le capteur. »
Néanmoins, l'ajout d'une couche supplémentaire s'accompagne de défis techniques. « Aujourd'hui, grâce à un procédé de collage direct appelé "collage hybride", il est courant de coller deux plaques entre elles par leur face avant, celle comprenant les composants actifs », note Stéphane. « En revanche, avec une troisième couche, il faut nécessairement passer par des connexions à traversla face arrière d'une des plaques, qui est composée de silicium. » Pour y parvenir, les chercheurs ont eu recours à des interconnexions de type « Through Silicon Vias » (TSV) de haute densité (HD). Cette opération implique d'amincir une des couches de silicium jusqu'à atteindre une épaisseur inférieure à 10 µm, de la percer, puis de remplir les trous ainsi obtenus avec un métal tout en assurant une isolation électrique avec les matériaux environnants.
Ensuite, la technique du collage hybride peut de nouveau être appliquée afin de connecter la troisième plaque aux deux premières. Une étape qui représentait cependant un sérieux défi. « Le collage hybride nécessite des surfaces parfaitement planes, avec une topographie et une rugosité très faibles », précise Stéphane.
« Après réalisation des TSV, il faut donc être capable d'obtenir de telles conditions, en particulier lors de l'étape critique de polissage, sans lesquelles l'interconnexion via un collage hybride ne peut s'effectuer. »
Vers un premier démonstrateur de capteur d’images à trois couches
L'article scientifique coécrit par Stéphane et ses collèges porte précisément sur le développement d'un démonstrateur employant ces deux techniques complémentaires. Grâce à des tests de caractérisation, l'équipe de recherche a démontré la continuité électrique à travers l'ensemble des couches du démonstrateur, avec de bonnes performances, témoignant ainsi de la réussite de la méthode de fabrication. Des résultats qui ont convaincu le jury de l'ECTC 2024.
Prochaine étape : la réalisation d'un démonstrateur complet de capteur d'images CMOS à trois couches intégrant un réseau de neurones. Celui-ci sera soumis à des tests électriques et optiques pour en valider les performances.
« Nous visons les premiers résultats d'ici 2027, après les phases de conception, de design et de fabrication », annonce Stéphane.