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Fait marquant

L'étude d'une protéine de mouche révèle un rôle non catalytique de l'ARN méthyl transférase PCIF1 dans l'expression des gènes


Des études réalisées par des chercheurs de l’Irig en collaboration avec l'université de Genève sur le modèle de la mouche du vinaigre Drosophila melanogaster révèlent le rôle de Pcif1 dans le contrôle de l'expression des gènes malgré le fait que cette protéine a perdu son activité ARN méthyltransférase par rapport à son homologue PCIF1 des mammifères. Cette étude permet de proposer un rôle important de la protéine Pcif1 dans l’expression génique et la physiologie de l’organisme de façon indépendante de son activité catalytique.

Publié le 21 mars 2023

​Chez les organismes vivants, l’expression génique est un processus complexe qui aboutit à la production de protéines à partir du génome de manière régulée dans le temps et l’espace. Cette expression dépend strictement de la synthèse d’ARN messagers spécifiques de chaque gène à partir de la molécule d’ADN, selon un mécanisme appelé transcription, puis de leur traduction en protéines par les ribosomes. Au fur et à mesure de leur synthèse, les ARN messagers subissent des modifications chimiques qui garantissent leur stabilité, leur adressage aux ribosomes et finalement, leur traduction en protéines. Ces modifications incluent l’ajout d’une coiffe à l’extrémité 5’ et d’une queue de poly adénosines à l’extrémité 3’, et l’addition de groupements méthyl sur les différents nucléotides. Elles apportent un niveau d'information supplémentaire pour le contrôle de la production de protéines et forment collectivement l'épi-transcriptome.

Les chercheurs de l'Irig, en collaboration avec l'université de Genève, se sont intéressés à une ARN méthyltransférase de mamifères, la protéine PCIF1 (homologue à la protéine Pcif1 de drosophile), qui ajoute un groupement méthyl supplémentaire à la m6A (m6 adénosine) pour former la m6Am lorsque le premier nucléotide transcrit est une adénosine. Chez la souris, la mutation du gène codant PCIF1 provoque une dérégulation de l’expression d’un ensemble de gènes ainsi qu’une diminution du poids. Au cours de l’évolution, cette protéine a naturellement perdu son activité catalytique chez la mouche drosophile où Pcif1 est, comme son homologue humain, exprimée dans le noyau et associée au domaine C-terminal de l’ARN polymérase (RNA Pol II). Les travaux de ces chercheurs montrent que la mutation du gène Pcif1 chez la drosophile entraîne une dérégulation de l’expression de nombreux gènes, une diminution du poids ainsi qu’une baisse significative de fertilité, ce qui indique un rôle important de cette protéine dans la physiologie de l’organisme. En accord avec ces observations, la protéine Pcif1 est distribuée tout au long des chromosomes polytènes au niveau de zones de transcription active et interfère avec la régulation de l’expression génique dépendante de l’état de la chromatine. Cette protéine se lie à la forme phosphorylée de la sérine 5 de la RNA polymérase II (Figure) et pourrait donc directement moduler son activité ou encore favoriser le recrutement de composants de la chromatine. Ces résultats suggèrent une contribution similaire de PCIF1 à une régulation fine de l'activité de l'ARN polymérase II chez les mammifères, en plus de son activité de méthylation de l'ARNm dont le rôle dans l’efficacité de la traduction des ARNm est activement étudié mais encore sujet à controverse.

Cette étude démontre l’importance de ne pas réduire la fonction des enzymes à leur seul rôle catalytique dans le monde vivant et illustre l’intérêt d’examiner de façon approfondie l’évolution des protéines chez les eucaryotes afin de découvrir des mécanismes d’action insoupçonnés ou masqués.

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L’absence d’activité catalytique de Pcif1 chez la drosophile révèle un nouveau mécanisme de régulation de l'expression génique.
Figure A : Chez les mammifères, PCIF1 catalyse la méthylation (m6Am) du premier nucléotide transcrit d'un ARN messager, lorsqu'il s'agit d'une adénosine,  tandis que son homologue Pcif1 chez la mouche est naturellement dépourvue d’activité catalytique. Cependant, comme son homologue PCIF1, la protéine Pcif1 s'exprime dans le noyau et se lie au domaine C-terminal (CTD) phosphorylé de l'ARN Pol II (au niveau de la Serine 5 phosphorylée).
Figure B : Une analyse par immunofluorescence avec des anticorps anti-Pcif1 a révélé la présence de la protéine Pcif1 (en vert) le long du chromosome au niveau de sites d'euchromatine actifs (c'est-à-dire exclus de la coloration dense de l'ADN par DAPI, en rouge). 
D’après le travail décrit dans Pandey et al. 2020 ; Franco et al. 2023.
Les chromosomes polytènes résultent d'une succession de duplications de chromatides qui restent associées sans qu'il y ait de division cellulaire concomitante. Ils sont constitués de plusieurs centaines ou milliers de chromatides. On peut observer des régions de chromatine condensée (appelées hétérochromatine, en rouge sur la figure), et des régions moins condensées de la chromatine (appelées euchromatine) qui correspondent à des sites de transcription active de l’ADN en ARN.

Avec le soutien des LabEX GRAL, ANR-10-LABX-49-01 et IDEX PhD international grant, Université de Grenoble Alpes (Ecoles Universitaires de Recherche) CBH-EUR-GS (ANR-17-EURE-0003) et la Région Rhône-Alpes (programme international).

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