Le Programme Transverse de Compétences «
Dynamic Fragmentation of Ice » (PTC DeFI) consiste à étudier la fragmentation des solides cryogéniques destinés à atténuer les disruptions du plasma dans le réacteur ITER. Dans ce cadre, une étude préalable a été menée avec des glaçons d’eau impactant une cible rigide. Les résultats de ces travaux, menés conjointement avec l’Institut de Géosciences et de l’Environnement (CNRS/IGE) et le laboratoire Sols, Solides, Structures, Risques de l’Université Grenoble Alpes (UGA/3SR) viennent d’être publiés dans
International Journal of Impact Engineering [1].
La première étape du PTC fût d’étudier, dans les mêmes conditions expérimentales que les solides cryogéniques, un matériau mieux connu de la littérature, à savoir la glace d’eau. Des glaçons de taille similaire à ceux requit pour ITER (Ø = 28,5 mm et L = 57 mm) ont été produits à l’IGE pour être ensuite testés au laboratoire 3SR. De plus, des simulations ont été réalisées avec le code DFH-KST déjà existant pour d’autres matériau fragile comme le béton, ou la céramique.
Le procédé de fabrication des glaçons d’eau développé par l’IGE, permet la maîtrise de la taille des grains ainsi que du taux de porosité. La structure produite a été vérifiée par tomographie à rayon X. Les essais d’impact direct menés à 3SR ont utilisé la méthode des barres d’essai d’Hopkinson reposant sur la propagation des ondes élastiques dans les milieux continus. A l’aide d’un canon à gaz, les glaçons d’eau sont projetés à 30 m/s sur une barre en aluminium. L’impact produit une onde élastique de déformation dans la barre, et elle est mesurée au cours du temps à l’aide de jauges de déformation. Simultanément, la propagation des fissures dans les glaçons d’eau est capturée à l’aide d’une caméra ultra-rapide ayant une fréquence d’acquisition de 200 kHz. Le modèle DFH-KST a été implémenté au logiciel EUROPLEXUS du CEA et a permis de prédire l’évolution temporelle de la force d’impact pour les glaçons de glace d’eau en fonction de leur angle d’impact et de leur vitesse. Ces résultats expérimentaux et numériques ont été détaillés dans le journal de référence concernant les problématiques d’impact [1]. Ce travail a validé expérimentalement l’utilisation d’un modèle d’endommagement pour des matériaux fragiles et dans des conditions d’essais similaires à celles présentes dans ITER.
L’étape suivante du PTC-DeFI consistait à mesurer la force d’impact de solides cryogéniques constitués d’hydrogène, de néon, de deutérium ou d’un mélange de ces matériaux. Le banc d’essai du
CEA-Irig/DSBT a été spécialement conçu pour produire ces solides par désublimation in-situ, pour ensuite les propulser avec un canon à gaz pour des vitesses de l’ordre de 500 m/s. Pour caractériser l’impact de ces solides cryogéniques, les chercheurs ont développé un système d’acquisition capable d’enregistrer les données de déformation jusqu’à 1 MHz et de filmer l’impact jusqu’à 1 million d’images par seconde.
Un tel système de mesure de la force d’impact de solides cryogéniques est inédit. Des campagnes expérimentales ont été menées avec les paramètres de formation et d’accélération requis pour ITER. Une étude de reproductibilité avec 18 tirs d’hydrogène solide, formés et accélérés suivant les mêmes paramètres à l’aide d’un système de contrôle commande développé par le DSBT, a permis d’obtenir des résultats prometteurs pour l’étude des impacts de solides cryogéniques. Ces premiers résultats mettent en avant des paramètres importants à maitriser autant d’un point de vue du dispositif expérimental (diamètre de la barre, système d’acquisition) que concernant les paramètres de fabrication des solides cryogéniques (température, pression et débit d’injection). D’ores et déjà, nous avons montré la capacité de filmer l’impact des glaçons d’hydrogène solide lancés à 500 m/s (Figure 1) et de mesurer l’évolution temporelle de leur force d’impact (Figure 2).
L’analyse des résultats est en cours et cette campagne expérimentale fera l’objet d’une nouvelle publication. Ces premiers résultats prometteurs ont permis d’obtenir une bourse européenne EUROfusion Engineering Grant pour prolonger les travaux du PTC et élargir les prédictions des modèles actuels sur des plaques inclinées, approchant ainsi les géométries réelles présentes dans les systèmes d’injection de glaçons des réacteurs de fusion par confinement magnétique comme ITER ou le futur démonstrateur EU-DEMO.
Figure 1 : Images séquentielles de l’impact d’un glaçon d’hydrogène solide à 500m/s
Figure 2 : Evolution de la force d’impact en fonction du temps pour une série de 18 tirs d’hydrogène solide à 500 m/s
Ces travaux ont permis de développer des dispositifs instrumentaux et des modèles numériques spécifiquement dédiés aux fragmentations des solides cryogéniques injectés dans les réacteurs de fusion. De façon plus générale, une meilleure connaissance des propriétés mécaniques des solides cryogéniques permettra de prédire leur comportement lors des impacts et de glissements survenus lors de leur injection. En perspective, il est prévu d’étudier le processus de fragmentation des solides cryogéniques en fonction de l’angle d’impact et en fonction aussi des paramètres de fabrication.
Collaboration
- Institut Géosciences et de l’Environnement, CNRS
- Laboratoire Sols, Solides, Structures, Risques, UGA
Financement