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Anesthesiology

Pourquoi perdons-nous conscience lors d'une anesthésie générale ?


​À l’état conscient, différentes aires du cerveau, même non connectées anatomiquement, peuvent fonctionner en phase, grâce au phénomène de « réverbération » de l’information dans le cerveau. C’est cette propriété qui est bloquée sous anesthésie générale. Quel que soit l’agent anesthésique employé, l’effet d’une anesthésie générale sur le cerveau correspond à une « rigidification » du cheminement de l’information au sein du cerveau : l’activité cérébrale est maintenue, mais reste cantonnée aux connexions anatomiques, lui retirant la possibilité de générer d’autres flux d’informations plus flexibles. C’est ce phénomène qui explique la perte de conscience induite par l’anesthésie générale chez un patient. Il a pu être caractérisé, chez le singe, grâce à l’IRM fonctionnelle, l’électroencéphalographie (EEG), et un algorithme faisant partie des méthodes de type « Big Data ». Les résultats sont publiés par une équipe rassemblant des chercheurs du CEA, de l’Inserm, des Universités de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, Paris Sud/Paris Saclay, et Paris Descartes et de l’hôpital Foch, le 20 juillet dernier dans Anesthesiology, journal de l'American Society of Anesthesiologists, qui a consacré son éditorial à cette étude.

Publié le 20 août 2018

​Le cerveau ne s'éteint pas sous anesthésie et continue à avoir une activité significative. Ainsi, les agents pharmacologiques utilisés agissent directement sur le cerveau et suppriment la conscience de manière contrôlée et réversible. Pourtant, le mécanisme d'action de l'anesthésie générale reste méconnu. Or cette connaissance est fondamentale pour développer des outils modernes de monitorage du cerveau pendant l'anesthésie, ainsi que le développement de nouveaux agents pharmacologiques plus sélectifs.

Dans une étude publiée dans la revue Anesthesiology, une équipe de NeuroSpin est parvenue à observer le cerveau d’un modèle animal de type primate non humain en état conscient et sous anesthésie générale, établissant ainsi une « signature cérébrale universelle » de l’anesthésie générale, quel que soit l’agent pharmacologique utilisé.
Béchir Jarraya, qui a dirigé ces travaux avec Lynn Uhrig, explique : « Pour mieux comprendre la découverte, imaginez que notre cerveau soit notre planète terre et que l'IRM fonctionnelle soit un satellite surveillant les axes routiers. Nous avons constaté que, dans l’état conscient, le réseau routier est fluide et flexible : axes autoroutiers et secondaires voient une bonne circulation et une bonne flexibilité dans la gestion des évolutions du flux rencontré par le réseau. En revanche, en cas d’anesthésie générale, le réseau est cantonné aux axes autoroutiers. Il ne permet ni une bonne flexibilité et ni une bonne répartition du flux, générant en quelque sorte des embouteillages. C’est ainsi que notre équipe a découvert une signature cérébrale universelle de l'anesthésie générale ».
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Signature cérébrale d’un cerveau conscient (figures de gauche) et d’un cerveau sous anesthésie générale (figures de droite), établie par une équipe de NeuroSpin. Les observations montrent une activité riche et flexible dans l’état « conscient » : différentes aires du cerveau peuvent être activées en phase, reliées ou non par une connexion anatomique ; si l’activité reste présente sous anesthésie générale, seule les aires connectées anatomiquement peuvent s’activer en phase, « rigidifiant » ces activations. @American Society of Anesthesiologists, 2018

Pour cette découverte, les scientifiques ont induit une anesthésie générale chez un primate non humain, suivant un protocole très similaire à l'anesthésie humaine, et enregistré l'activité cérébrale par imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf) et par électroencéphalographie (EEG). La dynamique cérébrale a été étudiée grâce à un algorithme de classification statistique qui a permis d'extraire, à partir des données de l'IRMf, des états cérébraux spécifiques à l'anesthésie générale (cf figure ci-dessus).
Les retombées de cette découverte pourraient impacter significativement la manière dont on surveille et ajuste une anesthésie générale chez les patients devant être opérés ou chez les patients comateux qui reçoivent une sédation en réanimation.

Ont également contribué à cette étude le Collège de France, les hôpitaux Sainte-Anne et Necker, ainsi que l’Institut du cerveau et de la moelle.

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