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Comment orienter le destin d’une cellule souche


​Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CEA et du CNRS viennent de montrer que l’environnement direct des cellules souches peut avoir une forte influence sur le destin cellulaire de leur descendance. Ainsi, en fonction des tensions exercées sur des cellules souches en division, ils ont observé que ces dernières produisaient préférentiellement deux nouvelles cellules souches, ou bien une cellule souche et une cellule spécialisée, voire deux cellules spécialisées. Cette étude a des implications majeures pour l’utilisation des cellules souches dans un contexte thérapeutique : elle laisse penser qu’il serait possible, en contrôlant la composition et les conditions dans ces niches environnementales, de choisir la nature des cellules à produire, en vue d’une transplantation dans l’organisme pour réparer un tissu lésé.

Publié le 23 mai 2014

​A la suite d’une blessure, les cellules souches de notre organisme sont capables de rentrer dans un processus de division et de générer des cellules filles spécialisées, dites « différenciées », afin de réparer le tissu abimé. Les chercheurs de l’unité Cellules souches et développement (Institut Pasteur/CNRS), dirigés par Shahragim Tajbakhsh, s’intéressent en particulier aux cellules souches adultes du muscle squelettique chez la souris.

Lors du processus de régénération musculaire, celles-ci sont capables d’adopter deux modes de division cellulaire : une division dite « symétrique », générant des cellules de même nature : soit deux cellules souches, soit deux cellules différenciées ; une division dite « asymétrique » au cours de laquelle sont produites à la fois une cellule souche et une cellule différenciée. Dans ce cas précis, l’ADN présent dans la cellule souche mère peut se retrouver intégralement dans la cellule souche fille tandis que l’autre cellule fille, différenciée, hérite de la copie de cet ADN. On parle de ségrégation de l’ADN « biaisée ». Bien que l’on ne comprenne pas encore bien le rôle de ce processus, des hypothèses suggèrent qu’il pourrait intervenir dans la détermination de destins cellulaires : la nature de l’ADN reçu en héritage par les cellules filles – original ou copie – déterminerait si elle sera souche ou spécialisée.

Cet équilibre entre division symétrique et asymétrique est primordial : il permet de générer des cellules spécialisées, nécessaires au processus de régénération, tout en gardant un réservoir de cellules souches constant. Cependant, les mécanismes régissant la ségrégation de l’ADN et le destin cellulaire demeuraient jusqu’alors inconnus.

Pour répondre à cette question, les chercheurs ont souhaité étudier l’influence de la tension qui s’exerce sur une cellule en milieu naturel, dans les tissus de l’organisme. Ils ont pour cela mis en œuvre des « micropatterns » conçus spécifiquement par l’Institut de recherches en technologies et sciences pour le vivant (CEA IRTSV). Ces derniers sont des motifs de formes variées (ronde, carrée, en ancre de bateau simple ou double etc) de quelques micromètres carrés, de la taille d’une à deux cellules. Disposés sur de petites plaques, à raison de plusieurs milliers par plaque, ils sont recouverts de substrat permettant aux cellules de s’attacher uniquement sur le motif. Chaque cellule souche est disposée sur un micropattern, qui sert alors de rail à sa division : ses deux cellules filles restent sur le motif. En jouant la forme du motif, et donc sur la surface d’adhésion, il est possible de modifier les tensions ressenties par la cellule souche et d’en étudier les conséquences sur la nature des divisions.

Les scientifiques ont ainsi observé qu’un motif asymétrique provoque environ 2,5 fois plus de division à ségrégation de l’ADN « biaisée » qu’un motif symétrique. De plus, un motif asymétrique provoque également quatre fois plus de divisions asymétriques - donnant une cellule souche et une cellule différenciée - qu’un motif symétrique.

Le motif asymétrique oriente donc vers une division asymétrique et favorise le couplage entre ségrégation biaisée de l’ADN et génération de deux cellules filles différentes. Le destin des cellules souches ne reposerait donc pas uniquement sur des signaux cellulaires internes, mais également, et dans une forte mesure, sur des conditions extérieures, et notamment sur les tensions perçues par les cellules en division.

En suggérant qu’il est possible d’orienter le destin cellulaire des cellules souches, ces travaux portent des implications majeures dans le cadre de l’utilisation de cellules souches dans un contexte thérapeutique : les cellules pourraient ainsi être produites selon les besoins et être transplantées pour participer à la régénération d’un tissu ou d’un organe. Les chercheurs se penchent désormais sur l’influence de la composition de la niche des cellules souches. En maitrisant ce second facteur, ils espèrent pouvoir optimiser le contrôle du destin des cellules souches.

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