Vous êtes ici : Accueil > Le CEA > Politique internationale > Vincent Artéro - Production d'hydrogène

Interview | Recherche fondamentale | Energies | Culture scientifique

Vincent Artero - Vers une nouvelle voie de production d'hydrogène : bio-inspirée !

L’hydrogène est au cœur des questions liées à la transition énergétique. Sa production, qui requiert bien souvent du platine, un métal rare, reste cependant trop onéreuse pour envisager un usage à grande échelle. Le projet ERC que développe Vincent Artero est ambitieux : produire de l’hydrogène avec de l’énergie solaire et sans platine, en s’inspirant du fonctionnement des microalgues. En somme, il s’agit de fabriquer du « carburant solaire », propre, renouvelable et bon marché !

Vous vous intéressez à de nouvelles méthodes de production d'hydrogène. De quoi s'agit-il ?

Nous nous inspirons de la nature : l'idée est de prendre comme modèle les sites actifs d'enzymes capables de produire de l'hydrogène, comme les hydrogénases. Certaines microalgues expriment ces biocatalyseurs et les intègrent dans le processus de photosynthèse pour transformer l'eau en hydrogène grâce à l'énergie solaire. Les hydrogénases fonctionnent avec des métaux abondants et bon marché comme le fer ou le nickel. Nous reproduisons, par une approche dite bio-inspirée, la structure et surtout la fonction de ces sites actifs dans des nouvelles molécules que nous synthétisons. 


Un des enjeux de la filière hydrogène est de remplacer le platine en trouvant des catalyseurs alternatifs et à bas coût.
On sait déjà produire de l'hydrogène. Pourquoi ces nouvelles pistes de recherche ?
L'hydrogène est un carburant qui pourrait se substituer aux hydrocarbures et son utilisation est non polluante. Il est de plus particulièrement bien adapté au stockage des énergies renouvelables. Aujourd'hui, nous savons produire de l'électricité à partir d'énergie solaire ou éolienne, mais nous ne savons pas la stocker. Si on veut développer ce type d'énergies, nous aurons besoin d'un moyen de stockage propre, tel l'hydrogène. Ce carburant pourra alors être utilisé au moment voulu, dans une pile à combustible par exemple. L'hydrogène est aujourd'hui essentiellement produit à partir de gaz naturel, un processus qui dégage du CO2… Une voie alternative, durable et propre, consiste à électrolyser l'eau, c'est-à-dire à décomposer les molécules d'eau (H2O) en molécules d'oxygène (O2) et d'hydrogène (H2). Ce procédé exige la présence de catalyseurs, comme le platine. Ce métal, extrêmement rare et donc très cher, ne permettra cependant pas le développement d'une économie de l'hydrogène à grande échelle. Un des enjeux de la filière hydrogène est donc de remplacer le platine, en trouvant des catalyseurs alternatifs à bas coût. Aujourd'hui, après plusieurs années de recherche, nous sommes capables de synthétiser des molécules inspirées du site actif des hydrogénases, on parle de catalyseurs bio-inspirés, qui utilisent des métaux abondants et peu chers. 


C’est là que se place votre projet de recherche ERC…

Nous développons une approche de photosynthèse artificielle, qui consiste à capter l'énergie solaire pour la stocker directement sous forme d'hydrogène. Des procédés existent déjà. Ils couplent des cellules photovoltaïques et un électrolyseur, mais restent onéreux compte-tenu du coût élevé des matériaux et procédés requis. Nous visons une alternative moins chère et plus compacte. L'idée est d'élaborer un dispositif technologique complet appelé « cellule photo-électrochimique ». Au sein de telles cellules, l'hydrogène est produit au niveau d'une photocathode, qui combine un catalyseur bio-inspiré avec un photosensibilisateur, c'est-à-dire une molécule capable d'absorber la lumière, tous deux greffés sur un matériau transparent et conducteur. Produire de telles photocathodes est l'objet de mon projet ERC initié en 2012.  

Comment est élaborée cette nouvelle photocathode ? 

Au début du projet, nous avions une série de catalyseurs bio-inspirés, à base de cobalt ou de molybdène. Pour le choix des photosensibilisateurs, nous nous sommes appuyés sur les technologies photovoltaïques de 3ème génération, exploitant des molécules organiques qui absorbent la lumière. Nous les avons synthétisées et modifiées pour pouvoir, d'une part les coupler avec un catalyseur, et d'autre part les greffer sur l'électrode. Pour que le système fonctionne, nous avons dû ajuster les propriétés de ces assemblages pour que le flux d'électrons généré par le photosensibilisateur soit dirigé exclusivement vers le catalyseur. La partie catalytique a également demandé un gros effort de recherche. L'absorption de photons dirige les électrons un par un vers le catalyseur avec des échelles de temps de l'ordre de la nanoseconde, mais celui-ci les consomme deux par deux et mille fois plus lentement (à l'échelle de temps de la microseconde), pour produire l'hydrogène. Il faut donc arriver à stocker les électrons en attendant qu'ils soient utilisés, ce que nous avons fait en introduisant des réservoirs d'électrons à proximité du site catalytique.


Nous développons une approche de photosynthèse artificielle qui consiste à capter l'énergie solaire pour la stocker directement sous forme d'hydrogène. 
Votre projet ERC s'achève en cette fin d'année 2017. Avez-vous obtenu les résultats attendus ?

L'ensemble des objectifs a été atteint et nous avons déjà publié 25 articles. Deux familles de photocathodes actives et très prometteuses pour la production d'hydrogène existent désormais. Pour améliorer leurs performances, notamment les rendements de conversion entre l'énergie solaire et la production d'hydrogène, ainsi que leur stabilité, nous devons maintenant aller plus loin dans l'étude de leur fonctionnement. Nos cellules photo-électrochimiques font quelques cm2 et leurs constituants sont produits à l'échelle du gramme dans notre laboratoire, ce qui laisse envisager, pour l'avenir, un passage à l'échelle industrielle relativement aisé. L'introduction des réservoirs d'électrons à proximité des sites catalytiques ouvre par ailleurs de nouvelles perspectives pour la catalyse. 


Que diriez-vous aux chercheurs tentés par l’aventure ERC ?

Qu'ils n'hésitent pas à y aller, sans s'autocensurer ! Et puis, même si au final le projet ERC n'est pas accepté, toute l'étape de préparation reste hautement bénéfique. Je viens d'ailleurs de soumettre un nouveau projet ERC Advanced Grant et les résultats sont attendus en avril !


Vincent Artero, Directeur de recherche à l'Institut de biosciences et de biotehcnologies de Grenoble (Big) du CEA.
2002 : Entrée au CEA après une thèse à l’Université Paris VI et un post-doc à l’Université d’Aix la Chapelle (Allemagne).
2011 : Grand prix Mergier-Bourdeix de l’Académie des sciences sur la catalyse bio-inspirée.
2012 : Vice-Président de l’Action Cost Perspect-H2O sur la photosynthèse artificielle ; Président du Conseil scientifique du Laboratoire d’excellence (Labex) Arcane de l’Université Grenoble Alpes ; Bourse ERC Consolidator Grant.
2016 : Directeur de recherche au CEA.


Notions clés

Catalyseur Accélérateur de réactions chimiques.

Photocathode Electrode capable d'absorber le rayonnement lumineux pour effectuer une réaction de réduction, par exemple la production d'hydrogène par réduction de l'eau.



Haut de page

Haut de page

Centre : Grenoble
Expertise : Production bio-inspirée d'hydrogène