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Ghislaine et Stanislas Dehaene - Au coeur du cerveau

Ghislaine Dehaene-Lambertz  et Stanislas Dehaene travaillent sur la connaissance du cerveau humain, chez l’enfant et chez l’adulte. Ils mènent chacun un projet ERC, au sein de la plateforme d’imagerie médicale à haut champ Neurospin.

Ils se sont rencontrés en 1986 au laboratoire de Jacques Mehler, l'un des pionniers des sciences cognitives en France.  Ghislaine travaillait sur les connaissances linguistiques des nouveaux-nés. Stanislas, lui, étudiait la représentation des nombres chez les adultes et le rôle que joue  l'apprentissage du langage et des symboles dans nos compétences mathématiques. « Nous ne nous sommes plus quittés, et collaborons toujours quelques trente ans plus tard… mais avons très vite décidé d'une saine répartition du travail. » À elle le cerveau du bébé, ses compétences innées et ses fabuleuses facultés d'apprentissage ; à lui le cerveau de l'adulte et la manière dont il se réorganise en fonction de l'éducation qu'il a reçue.

L'étrange appareil qu'ils portent sur la tête est un « filet  géodésique à 256 électrodes ». Il enregistre avec une haute résolution spatiale et temporelle l'électro-encéphalogramme (EEG), c'est-à-dire l'activité électrique du cerveau. Ghislaine a été la première à utiliser cet équipement chez le tout petit enfant. « En 1994, nous avons fait la couverture de Nature avec un magnifique bébé de deux mois, tout sourire, qui portait ce filet et dont  l'enregistrement des ondes cérébrales mettait en évidence la complexité des étapes de traitement du langage parlé. Nous continuons d'utiliser cet appareil pour étudier les réponses cérébrales du bébé, mais aussi pour visualiser le cerveau adulte, et notamment les marqueurs de la conscience.

Nous mettons également en oeuvre la magnétoencéphalographie (MEG), qui enregistre les signaux magnétiques ultra-faibles qu'émettent les neurones. Avec elle, nous parvenons à suivre le  déroulement temporel du traitement de l'information avec une sensibilité inégalée. Il faut environ 170 millisecondes  pour qu'un mot soit lu et environ un tiers de seconde pour qu'il accède à la conscience ! Notre conscience est donc perpétuellement en retard sur le réel. Nous utilisons également l'imagerie fonctionnelle par résonance magnétique (IRMf), qui permet une remarquable précision spatiale. Grâce à elle, nous plongeons à l'échelle du millimètre et décodons l'entrelacement des représentations à la surface du cortex, et avons notamment mis en évidence une dissociation remarquable entre le langage et les mathématiques : ces fonctions cognitives activent des régions bien distinctes du cortex, et la simple lecture d'un chiffre ou d'une lettre fait appel à des aires spécialisées du cortex visuel. » Ghislaine a été la première à montrer que l'IRMf pouvait être utilisée chez le bébé et que les grands réseaux corticaux du langage, y compris l'aire de Broca, s'activent dès l'âge de deux mois.

« Notre prochain défi ? Comprendre ce qui fait la singularité de l'espèce humaine dans le monde animal. Pourquoi sommes-nous la seule espèce à créer des langues, de la musique, des symboles ? » Ghislaine va étudier comment le cerveau du bébé parvient très tôt à apprendre les mots et s'invente des systèmes de symboles. Stanislas, lui, va analyser les codes neuronaux qui permettent de  combiner plusieurs symboles entre eux pour former une phrase. « Les symboles ou la syntaxe sont-ils le propre de l'homme ? Comment nous montent-ils à la tête ? Nous aimerions bien disposer d'une autre trentaine d'années pour jeter un peu de lumière sur ce sujet ! »


Ghislaine Dehaene-Lambertz, pédiatre et directrice de recherche, propose à travers un projet intitulé, BabyLearn, d'étudier les mécanismes neuraux de l'apprentissage chez l'enfant en bas-âge, de six mois de grossesse à un an de vie. Stanislas Dehaene, directeur de recherche et Professeur au Collège de France,  est quant à lui,  gratifié d'un financement ERC pour un projet intitulé NeuroSyntax,  qui a pour objectif d'étudier les origines du langage et des capacités cognitives supérieures de l'être humain. Ces deux projets ERC, financés chacun à hauteur de de 2,5 millions d'euros chacun, ont lieu de 2016 à 2021. 

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NeuroSpin
Centre : Saclay
Expertise : Cerveau