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Interview | Physique

Thierry Lassere - Capturer la quatrième espèce de neutrino

Les physiciens des particules ont la conviction que leur bible, le modèle standard, ne suffit pas à expliquer le monde. C’est pourquoi ils examinent à la loupe les neutrinos produits par la centrale nucléaire de Chooz dans les Ardennes et les bosons de Higgs sur les expériences Atlas et CMS du LHC, au Cern. Son projet ERC vise à « capturer » la quatrième espèce de neutrino.


« Avec Double-Chooz, on a été leader sur les expériences de neutrinos de réacteurs, se rappelle Thierry Lasserre, physicien à l’origine de cet audacieux projet. La Corée, le Japon et la Chine nous ont ensuite copiés et dépassés. »  Mais le résultat est là : les neutrinos peuvent se métamorphoser (ou « osciller ») sous trois formes distinctes au cours du temps. « Alors que nous ne disposions encore que d’un seul détecteur, nous nous sommes rendu compte en 2010 que les calculs de production de neutrinos réalisés jusque-là étaient erronés ! Et les résultats publiés auparavant devenaient incompréhensibles… La communauté a fini par admettre ce qui a été appelé l’anomalie des neutrinos de réacteurs. » Une explication s’est alors insinuée : une 4e oscillation à courte distance produirait des neutrinos « invisibles » (ou stériles). 

« Pour aller plus loin, nous avons eu l’idée de fabriquer une source mobile de neutrinos pour obtenir plusieurs mesures avec un détecteur unique et non plus seulement deux mesures avec deux détecteurs, comme à Double-Chooz. » Encore un défi à relever ! Thierry Lasserre a dû chercher jusqu’en Russie, à l’usine de retraitement de combustibles usés, le fournisseur d’une capsule de 30 g de cérium 144 radioactif,  émetteur  d’antineutrinos. Cette fabrication sera une première et la source, une sorte d’OVNI réglementaire, qui a d’ores et déjà mobilisé de nombreux métiers du nucléaire représentés au CEA.  Rendez-vous en 2018 pour en savoir plus !

Un neutrino inattendu et un boson trop attendu

Tandis que le neutrino stérile s’invitait dans le débat scientifique à la suite d’un malentendu, le boson de Higgs a tenu en haleine les physiciens pendant plusieurs décennies jusqu’à sa découverte en 2012. Et continue en réalité de les interroger. Est-il conforme au modèle standard ? Pour le savoir, une équipe de l’Irfu est chargée d’optimiser l’observation par CMS des événements très rares au cours desquels le boson de Higgs interagit très fortement avec une particule exceptionnellement lourde, le quark top. « Un écart significatif entre la mesure de la probabilité de ces événements et la prédiction du modèle standard serait une indication indirecte d’une nouvelle physique, détaille Inna Kucher, une doctorante ukrainienne de ce groupe. Les données de 2015 ne permettent pas encore de trancher mais d’ici fin 2016, avec dix fois plus de données, nous devrions obtenir les tous premiers résultats significatifs. » Affaire à suivre !
Thierry Lassere (Institut de recherche du CEA sur les lois fondamentales de l’univers, Saclay) mène un projet de recherche visant l’identification d’un quatrième type de neutrino qui a été sélectionne par l’European Research Council en 2012 et bénéficie d’un financement de 1,5 M€ sur cinq ans.

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Irfu
Centre : Saclay
Expertise : Particules