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La simulation numérique

Qu'est-ce que la simulation numérique ?


Méthode de représentation sur ordinateur, la simulation numérique permet de mieux comprendre le réel… et de chercher à le prédire.

Publié le 3 novembre 2014

La simulation numérique, un champ d'expérience infini

Au CEA, la simulation numérique est un outil précieux dans le cadre de ses programmes Défense et Énergie. Les études relatives aux technologies pour l’information et la santé s’appuient sur les recherches fondamentales.
Quelques analogies sont à éviter. Alors que la biologie s’appuie sur la simulation numérique pour concevoir, par exemple, la structure des protéines dans l’espace, la génomique utilise beaucoup de moyens informatiques pour ses besoins de fouille de données (data mining) et non de simulation numérique. La réalité virtuelle, bien qu’elle mette en œuvre des méthodes de simulation, a pour objectif de reproduire une apparence, de produire une image qui paraisse réelle. C’est assez éloigné de la simulation numérique qui tente de restituer le fonctionnement interne d’un système complexe.


La simulation numérique : définition

La simulation numérique désigne le procédé selon lequel on exécute un (des) programme(s) sur un (des) ordinateur(s) en vue de représenter un phénomène physique.
Les simulations numériques scientifiques reposent sur la mise en œuvre de modèles théoriques. Elles sont donc une adaptation aux moyens numériques des modèles mathé­matiques. Elles servent à étudier le fonction­nement et les propriétés d’un système et à en prédire l’évolution.


De la modélisation...

Un modèle est la traduction d’un phénomène dans la langue des équations mathématiques. Il a longtemps été tiré d’observations soigneuses. À partir du XVIIe siècle, les modèles se sont de plus en plus souvent inspirés des expériences menées en laboratoire. Il arrive enfin qu’ils soient déduits de théories elles-mêmes conçues sans expérience, grâce à une démarche purement intellectuelle, l’« expérience de pensée » (la théorie de la relativité conçue par Albert Einstein en 1915 n’a pu être expérimentée qu’en 1919). Aujourd’hui, plusieurs théories physiques, comme la théorie des cordes, four­nissent des modèles qu’il n’a pas encore été possible de valider par l’expérience. Pour certaines, d’ailleurs, aucun protocole expérimental ne pourra un jour les tester en totalité.
La simulation numérique est utilisée dans tous les domaines, comme ici en astrophysique, défense ou thermohydraulique, appliquée ou non à l’industrie nucléaire.
projet Horizon
L'objectif du projet Horizon est de fédérer les progammes de simulations numériques étudiant la Galaxie et l'évolution de la formation de l'Univers. Ces simulations sont le produit des études des propriétés statistiques des infrastuctures à l'intérieur des halos de matière noire. © C.Pichon/CEA-Dapnia-CNRS-IAP D.Aubert CEA/Dapnia

Salle "Mur d'images" permettant la restitution visuelle des calculs de simulation
Salle "Mur d'images" permettant la restitution visuelle des calculs de simulation. Simulation numérique de la fragmentation d'un petit disque de métal chauffé par des rayons X. © G.Rolle/REA-CEA

Simulation numérique thermohydraulique
Simulation numérique thermohydraulique
© CEA
Il est, par ailleurs, souvent question d’« expérience numérique » pour souligner l’analogie entre la pratique d’une simulation et la conduite d’une expérience de physique.
La modélisation du phénomène étudié consiste à prendre en compte les principes fondamentaux, comme par exemple la conservation de la masse, de l’énergie, et à déterminer les paramètres essentiels à sa description à la fois simple et réaliste. En chaque point de l’objet considéré, plusieurs grandeurs physiques (position, vitesse, température…) décrivent son état et son évolution et permettent de caractériser entièrement son mouvement. Ces grandeurs ne sont pas indépendantes mais reliées entre elles par des équations, qui sont la traduction mathématique des lois de la physique régissant le comportement de l’objet.
Ce modèle n’est complet qu’une fois écrites les équations « environnementales » qui lient chaque objet du système aux autres objets qui l’entourent.


Modélisation et simulation vont de pair, avec des méthodes mathématiques et informatiques spécifiques.


… À la simulation

Il n’y a qu’un pas entre équations et codes de simulation : le codage, appelé « discrétisation des équations ». Cette opération traduit les équations en langage informatique, le seul que comprenne l’ordinateur.
Simuler l’état de l’objet, c’est donc déterminer les valeurs numériques des paramètres en tout point. Comme il y a un nombre infini de points, donc une infinité de valeurs à calculer, cet objectif est inaccessible. Pour des raisons de faisabilité, il est admis de ne considérer qu’un nombre fini de points, le nombre d’opérations nécessaires devenant alors abordable pour un ordinateur. Le nombre effectif de points traités dépendra de la puissance de ce dernier. La discrétisation du domaine physique consiste précisément dans cette réduction de l’infini au fini.
Modélisation et simulation vont donc toujours de pair. Elles s'appuient sur des méthodes mathématiques et informatiques spécifiques.


Méthodes de calcul

Il existe deux approches principales pour résoudre numériquement les équations mathématiques d’un modèle. La méthode de calcul déterministe, qui résout les équations après avoir discrétisé les variables, et la méthode de calcul statistique (ou probabiliste).

Dans la première, l’objet est considéré comme un ensemble de petits volumes élémentaires contigus dénommé « maillage », par analogie avec la trame d’un tissu. Les paramètres de l’état de l’objet définis dans chaque maille du maillage sont reliés par des équations algébriques à ceux des mailles voisines.
Ce sera à l’ordinateur de résoudre le système de relations obtenu.
Il existe de nombreuses méthodes déterministes : des volumes finis, des éléments finis, level set… dont l’utilisation dépend pour partie des équations considérées.

La deuxième méthode, dite de « Monte-Carlo », est particulièrement adaptée aux phénomènes caractérisés par une succession d’étapes lors desquelles chaque élément de l’objet peut subir différents événements possibles a priori. D’étape en étape, l’évolution de l’échantillon sera déterminée grâce à des tirages au hasard (d’où le nom de la méthode).
Les méthodes déterministes et de Monte-Carlo font l’objet de nombreuses études mathématiques pour préciser leur convergence en espace, c’est-à-dire la variation de la précision de l’approximation en fonction du nombre de mailles ou d’éléments de l’objet, ou leur convergence en temps, soit la variation de la précision en fonction du « pas de temps » de calcul.
Les outils de la simulation numérique sont donc des programmes informatiques exécutés sur des ordinateurs : ces logiciels de calcul ou « codes » sont la traduction, à travers des algorithmes numériques, des formulations mathématiques des modèles physiques étudiés.
Simulation de la désintégration d’un boson de Higgs calculée par la méthode de Monte-Carlo
Simulation de la désintégration d’un boson de Higgs calculée par la méthode de Monte-Carlo. © Cern

Visualisation sur un mur d’images d’une simulation sismique en baie de Nice
Visualisation sur un mur d’images d’une simulation sismique en baie de Nice. © Cadam/CEA

En amont et en aval du calcul, les logiciels effectuent la gestion de nombreuses opérations complexes de préparation puis de dépouillement des résultats. Les données initiales comportent la délimitation du domaine de calcul à partir d’une représentation approchée produite par le dessin et la CAO (conception assistée par ordinateur) des formes géométriques, suivie de la discrétisation sur un maillage, ainsi que des valeurs des paramètres physiques de ce maillage.
Les résultats des calculs proprement dits sont sauvegardés au fur et à mesure afin de constituer une base de données numérique.
L’analyse des résultats repose sur l’exploitation de cette base : extraction sélective et transfert vers des interfaces graphiques qui permettent la visualisation par images de synthèse.
La simulation numérique se concrétise lorsque l’on visualise le phénomène initial sur l’écran de l’ordinateur. L’analyse critique des résultats, la vérification de la validité des modèles théoriques utilisés, la confrontation avec l’expérience doivent notamment faire partie intégrante de la démarche. Cette analyse comparative débouche sur des améliorations des modèles physiques, de leurs paramètres et des programmes informatiques de simulation.

Un maillage adaptable

Un maillage adaptable
© CEA/DAM

Un raffinement progressif du maillage, le « remaillage adaptatif », consiste à ajuster la taille des mailles, par exemple en les rendant plus petites et plus serrées là où les phénomènes physiques sont les plus complexes et où les variations sont les plus importantes.

Loin de supplanter l’expérimentation, la simulation donne une nouvelle prise sur le réel.


Une autre approche du réel…

L’expérience alimente la simulation. Inver­sement, l’exploration des nombreuses solutions rendue possible par la simulation permet d’obser­ver ou de prévoir des comportements inattendus, ce qui parfois suggère des expériences et fait donc progresser la connaissance de la physique. Ainsi, loin de supplanter l’expé­ri­mentation, la simulation donne une nouvelle prise sur le réel. La simulation numérique est la troisième forme d’étude des phénomènes, après la théorie et l’expérience. On la qualifie d’ailleurs souvent d’« étude in silico », le silicium étant le matériau de base des ordinateurs. Le modèle prédictif et la simulation qui l’accompagne permettent d’anticiper le futur d’un système ou le comportement qui serait celui de ce système dans une configuration dans laquelle il ne s’est jamais trouvé. Prédire des situations inédites est l’un des intérêts essentiels de la simulation numérique.

VidéoSimulation numérique, informatique scientifique, calcul scientifique


… Avec encore quelques limites

Les limites de la simulation numérique sont de trois ordres.
Tout d’abord, certains phénomènes sont encore mal compris. Ils sont donc difficilement tradui­sibles en équations, qui sont le seul moyen de « dialoguer » avec l’ordinateur.
En outre, certains modèles requièrent des puissances de calcul indisponibles actuellement. Dans certains domaines, il est possible de simuler étape par étape alors que la totalité reste d’une inatteignable complexité. On a alors recours à des « codes systèmes » qui s’alimentent des codes simulant chaque compo­sant à partir de modèles obtenus à l’aide d’équations.
Enfin, il existe une limite d’ordre théorique. Comme le nombre d’opérations nécessaires à la résolution d’un modèle croît exponentiel­lement en fonction du degré de précision que l’on demande, certains modèles mathématiques ne peuvent pas être résolus par un ordinateur en un temps raisonnable.