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Retour sur la plus grande vague de chaleur jamais enregistrée en Antarctique


​Une collaboration de 54 scientifiques de 14 pays impliquant le LSCE (CEA-CNRS-UVSQ) analyse l'épisode de chaleur exceptionnel survenu du 15 au 19 mars 2022 en Antarctique de l'Est (+30°C à +40 °C). Ses effets sont variés et inquiétants.
Publié le 16 janvier 2024

De nombreux records de température ont été battus en Antarctique en mars 2022. En particulier, la température de -9,4 °C, le 18 mars 2022 près de la station Concordia, a frappé les esprits car mars est généralement marqué par un rapide refroidissement hivernal. Ces températures « chaudes » s'expliquent par la formation d'une « rivière » atmosphérique intense, c'est-à-dire d'un ruban dense de vapeur d'eau, transportant de la chaleur et de l'humidité des régions subtropicales jusqu'à l'intérieur de l'Antarctique.

Cet événement exceptionnel a suscité un immense intérêt de la communauté géoscientifique de l'Antarctique – affectant la datation paléoclimatique dans les carottes de glace ou les mesures de rayons cosmique – et un grand projet de collaboration a été lancé pour mieux comprendre cette vague de chaleur historique et en mesurer les conséquences.

Dans leurs travaux, les chercheurs décrivent les relevés de température ainsi que les facteurs météorologiques complexes qui ont conduit à la formation de la rivière atmosphérique la plus intense à ce jour, observée au-dessus de l'Antarctique de l'Est.

Quel est le scénario reconstitué par les scientifiques ?

La convection et l'activité intense des cyclones tropicaux dans l'Océan Indien créent une source majeure d'humidité, qui est rapidement transportée vers l'Antarctique grâce à une ondulation accrue du courant atmosphérique de haute altitude (jet), reliant les basses et hautes latitudes. Cette situation a pour effet d'intensifier une rivière atmosphérique près de la côte est antarctique. Celle-ci pousse la masse d'air tropicale à l'intérieur du continent antarctique. Cette « intrusion » entraîne une forte teneur en eau liquide dans les nuages, qui favorise un réchauffement intense à la surface de l'eau. Au plus fort de la vague de chaleur, moins de 3,3 millions de km2 (soit la superficie de l'Inde) en Antarctique de l'Est connaissent un record de température inédit.

Une vague de chaleur aux effets variés

Avec cette étude, les climatologues montrent que l'activité tropicale peut avoir des conséquences directes sur l'inlandsis antarctique, notamment des pluies généralisées et une fonte glaciaire de surface le long des zones côtières. Mais la grande quantité d'humidité transportée par les masses d'air chaudes a en réalité entraîné une forte accumulation de neige qui a compensé les pertes dues à la fonte de surface de l'inlandsis.

De plus, associé à la vague de chaleur, un cyclone extratropical à l'ouest de la rivière atmosphérique a probablement déclenché l'effondrement final d'une plate-forme de glace (dite de Conger), qui était déjà très instable, tandis que l'advection de chaleur a contribué à réduire encore l'étendue de la glace de mer, qui avait déjà atteint un niveau historiquement bas. Mais dans l'ensemble, l'événement a largement contribué à faire de 2022 une rare année de bilan de masse positif pour l'ensemble de l'inlandsis antarctique.

Et demain ?

Alors que le temps de retour d'un événement aussi extrême est en principe de l'ordre du siècle, les projections climatiques futures montrent qu'il pourrait revenir plus tôt.

Les conséquences pourraient être désastreuses pour la stabilité de la calotte glaciaire et l'élévation du niveau de la mer, si un événement d'une ampleur similaire se produisait sur une zone sensible de l'Antarctique occidental, au cours de la saison de fonte estivale.

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