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DECRYPTAGE - L'OEIL DE L'EXPERT

Réchauffement climatique : que nous dit le 6e rapport du Giec sur la physique du changement climatique ?


​Sophie Szopa, directrice de recherche CEA, étudie la modélisation de la chimie dans l'atmosphère et travaille au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’environnement (LSCE - CEA/CNRS/UVSQ. Elle a coordonné la rédaction d’un chapitre du 6e rapport du Groupe 1 du Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Ce rapport, publié ce lundi, fait l’état des lieux des connaissances sur la physique du changement climatique.

Publié le 9 août 2021

Pourquoi le LSCE est-il aussi impliqué dans ce rapport du Giec ?

En plus de Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du Groupe 1, qui a co-dirigé l’écriture de ce rapport, le Laboratoire des Sciences du Climat et de l’environnement (LSCE) compte en effet deux coordinateurs-auteurs principaux, un scientifique en charge de la traçabilité des données et figures d’un chapitre et une « review editor » de chapitre, qui s’assure de la bonne prise en compte des milliers de commentaires reçues lors des 3 étapes de mises en discussion des versions intermédiaires. Certains de nos chercheurs se sont aussi impliqués dans ces phases de relecture.

Le LSCE contribue aussi indirectement au rapport grâce à ses deux piliers.
Notre premier pilier, ce sont les observations. Nous fournissons deux types d’observations clefs pour l’étude de l’évolution du climat. Tout d’abord les observations extrêmement précises de la composition atmosphérique, notamment des concentrations de CO2 et de méthane, qui alimentent des bases de données essentielles. Nous effectuons également des analyses isotopiques sur une grande variété d’archives naturelles des climats passés, tels que les cernes d'arbres ou les glaces.
Notre second pilier, ce sont les simulations numériques. Elles servent à simuler les climats passés et à évaluer la capacité des modèles à reproduire les observations, à discerner les causes humaines ou naturelles des changements climatiques. Elles permettent enfin de projeter les évolutions du climat futur en fonction de différents niveaux d'émission par les activités humaines.

Le LSCE est impliqué dans ces deux aspects, l’observation et la modélisation, et leur analyse qui servent de base aux études analysées par le Giec.

Comment devient-on expert pour un rapport du Giec ?

Quand le Giec est en phase de recruter des experts pour un nouveau rapport tout chercheur qui travaille sur le climat peut candidater.
Son CV est d’abord évalué au ministère de l’environnement et du développement durable.
Ensuite le bureau du Groupe 1 du Giec constitue une équipe par chapitre en tenant compte de la complémentarité des expertises, mais également des équilibres de nationalité et de proportion femme/homme.
Il veille aussi au renouvellement des générations de scientifiques! Il faut des experts qui ont déjà l'habitude de cette culture spécifique dans la manière d'évaluer les connaissances et d'expliquer ensuite la robustesse de ces évaluations aux délégués des gouvernements, mais il y a aussi besoin d'un renouvellement des générations.
Tout cela entre en ligne de compte.

Pourquoi un 6e rapport ?

En 1990, 134 auteurs avaient participé à la rédaction du premier rapport, dont le préambule évoquait alors « l’implication d’une grande partie de la communauté scientifique » dans sa rédaction. Aujourd'hui on est très loin de ça, le nombre de personnes qui travaillent sur le climat a énormément augmenté.

Il faut rappeler que le Giec ne fait pas de recherches mais utilise celles produites dans le monde et publiée dans les revues scientifiques.  Le nombre de ces publications a augmenté de manière exponentielle ces dernières années. Il y a ainsi plus de 14 000 citations de publications dans ce 6e rapport, sachant que quand nous citons 2 ou 3 publications, des dizaines ont été compulsées.
Il est nécessaire de prendre le temps à intervalles réguliers d’évaluer et synthétiser ce que ces très nombreux travaux apportent à notre connaissance du système climatique.

Nous disposons également de beaucoup plus d'observations, satellite comme au sol, et de reconstructions des observations du passé.
Les modèles numériques se sont complexifiés, pour mieux représenter la réalité et leur sensibilité aux émissions de gaz à effet de serre s’est améliorée. Et comme l’augmentation des capacités de calcul permet de produire plus de simulations avec ces modèles, nous pouvons réaliser des simulations à des échelles régionales et des analyses statistiques toujours plus poussées.

Quels sont les enseignements de ce rapport ?

Le rapport réaffirme que le réchauffement en cours atteint un niveau jamais observé au cours des 2000 dernières années. Ce réchauffement, de 1,09 degré pour la décennie 2010 par rapport à la fin du 19e siècle, est entièrement attribuable aux activités humaines qui émettent des gaz à effet de serre.
De plus, environ un tiers de ce réchauffement a été masqué par les aérosols ou particules en suspension liés aux activités humaines aujourd‘hui en diminution à l’échelle mondial .

On observe aujourd'hui des manifestations du réchauffement climatique dans toutes les régions du monde. Elles subissent des aggravations, en durée et intensité, de leurs extrêmes climatiques au travers de vagues de chaleurs, de fortes précipitations ou de sécheresses.

Ce rapport montre aussi que l’on pourrait tout à fait, du point de vue physique, stabiliser le réchauffement à son niveau actuel. Mais il faut pour cela stopper nos émissions de CO2, ou les compenser en totalité, et fortement réduire celles des autres gaz à effet de serre.
Comme nous n’en sommes pas capables, le rapport évalue les futurs climatiques possibles selon différentes hypothèses socio-économiques. Il montre que si l’on arrive à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, de manière continue, dans la décennie à venir, on peut limiter le réchauffement climatique à quelques dixièmes de degrés au-dessus du réchauffement actuel. Si ce n’est pas le cas, il deviendra rapidement impossible de limiter le réchauffement au-dessous de 1,5 °C.

Différentes trajectoires sont également étudiées avec des réductions des émissions moins fortes et mises en place plus tardivement.
Dans le pire des cas, celui dans lequel les émissions continueraient d’augmenter et ne commenceraient à être réduites que très tardivement, la température à la fin du siècle excède de 4 degrés la température moyenne de la fin du 19e siècle.

Ce rapport montre également qu’il est important de limiter ce réchauffement car ses répercussions sont graduelles et chaque dixième de degré en plus à des conséquences. Rien n’est joué et l'avenir est entre nos mains.

Quels sont les prochains rapports prévus dans cet exercice du Giec ?

Tout d’abord, le 6e rapport du Giec qui sort cette semaine est accompagné d’un atlas interactif permettant de visualiser les cartes des changements du climat mondialement mais également à des échelles plus fines. Des fiches FAQs font également parties des outils accompagnant le rapport afin de diffuser au mieux et au plus grand nombre les connaissances sur le réchauffement climatique issues de ce rapport.

Il restera ensuite deux rapports à publier dans ce 6e exercice. Un rapport du groupe 2 qui évalue la manière dont le réchauffement climatique va impacter les sociétés, les infrastructures, les écosystèmes. Il paraîtra en février 2022.
Et il y a un 3e rapport, celui sur ce qu'il est possible de faire pour limiter le réchauffement climatique, qui étudie aussi l'acceptabilité sociale, économique et politique de ces mesures qui doit être finalisé en mars 2022.
Ce décalage est prévu dès le départ afin de permettre une bonne articulation des travaux des différents groupes de travail.

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