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Fukushima, 10 ans après : le CEA à la pointe de la recherche

Accompagner le Japon dans sa stratégie de relèvement


​Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter, suivi d’un gigantesque tsunami, frappait le Japon. Le raz-de-marée submerge de vastes étendues côtières et atteint les équipements de la centrale de Fukushima Daiichi, provoquant l’un des plus graves accidents nucléaires de l’histoire. Les 3 réacteurs alors en fonctionnement, sur les 6 que compte la centrale, sont touchés. Sans eau pour refroidir les combustibles − les alimentations électriques de secours nécessaires au fonctionnement des pompes étant hors d’usage − la température ne cesse de croître. Les événements se succèdent : explosions, incendies… dans les réacteurs 1 à 4 et fusion des combustibles dans les réacteurs 1, 2 et 3. Le Service nucléaire de l’Ambassade de France au Japon, géré par le CEA, se retrouve alors en première ligne dans la gestion de la crise et en interface avec les différents acteurs de la filière nucléaire française et japonaise. Depuis l’accident, il accompagne le développement de technologies françaises dont celles du CEA pour répondre aux besoins des Japonais.

Publié le 9 mars 2021

​Le CEA à l’Ambassade de France au Japon : une mission régalienne

La Direction des relations internationales du CEA coordonne, en lien étroit avec le ministère en charge des affaires étrangères, un réseau de conseillers nucléaires au sein des ambassades de France à l'étranger. Ces conseillers nucléaires soutiennent sur le terrain la politique extérieure française dans le domaine des énergies nucléaire et renouvelables, et assurent l’interface entre les acteurs clefs des pays qui les accueillent et leurs homologues français : responsables politiques, administrations, industriels et organismes de recherche.
A ce titre, le CEA entretient depuis plus de 30 ans des liens privilégiés avec le Japon dans le domaine de l’énergie nucléaire, que ce soit la fission ou la fusion nucléaire.


La gestion de la crise

Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9, suivi d’un tsunami, entraîne un grave accident nucléaire à la centrale de Fukushima Daiichi. Dès lors, toute l’équipe du Service nucléaire de l’Ambassade de France au Japon s’attelle à suivre l’évolution de la centrale 24h/24, 7 jours/7 pour informer en temps réel la France.

« Au tout début, nous avions très peu d’informations. Nous avons mobilisé tout notre réseau de contacts auprès des industriels et instances nucléaires nippons pour essayer d’évaluer la situation », explique Pierre-Yves Cordier, conseiller nucléaire au Japon au moment de l’accident. « Notre rôle : canaliser, traduire et analyser l’information provenant des différents acteurs japonais afin de la transmettre à l’ambassadeur et aux cellules de crise de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire), du CEA et du ministère des affaires étrangères. Trois points d’information et des flash infos étaient envoyés quotidiennement à la France. »

Des données techniques sur l’évolution des réacteurs, la mesure de la radioactivité, ….

« La France est le seul pays de l’Union Européenne à avoir un service nucléaire au sein de son Ambassade. Les chancelleries de l’Union au Japon nous appelaient donc pour connaître notre évaluation de la situation. Nous avons ainsi eu à répondre à de très nombreuses sollicitations, à la fois médiatiques et diplomatiques. Au plus fort de la crise, le Service nucléaire a reçu l’aide d’un expert de l’IRSN en gestion de crise et nous mutualisions les informations et le travail avec les industriels nucléaires français (EDF et Areva (devenu aujourd’hui Orano)) présents à Tokyo. »



La situation au Japon après Fukushima : vers une reconquête des territoires

A la suite de l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi, des mesures ont été prises pour protéger les populations des retombées radioactives : environ 160 000 personnes résidant dans des villages et villes de la préfecture ont ainsi été évacuées. Mais très vite, le Japon entame une stratégie de reconquête des territoires contaminés.

« Ce n’est pas un hasard si en septembre 2011, juste après Fukushima, le Japon a décidé de se porter candidat pour organiser les Jeux Olympiques de 2020. L’objectif était de réhabiliter et de revitaliser la région, de montrer que l’archipel était capable de se relever d’un tel choc », explique Fabienne Delage, actuelle conseillère nucléaire à l’Ambassade de France au Japon.

Autre symbole fort de ces jeux de la « reconstruction » : le choix du centre sportif - J-Village -, à cheval sur les communes de Naraha et Hirono et à 20 km au sud de la centrale, comme point de départ du relais de la flamme olympique.
« Le J-Village était un centre d’entraînement des formations nationales de football avant l’accident puis est devenu le centre névralgique de crise puis une base de vie pour les travailleurs à la centrale une fois la situation stabilisée. Il a fait l’objet d’une rénovation pour accueillir à nouveau des formations d’athlètes pendant les Jeux Olympiques et au-delà ».

Naraha et Hirono qui avaient été évacuées après l’accident, comptent désormais 4 000 et 5 000 habitants, soit près de 50 et 75 % de la population avant l’accident.


Les missions du Service nucléaire
à l’Ambassade de France

Après l’accident, les Japonais ont fait appel aux meilleures techniques et compétences mondiales pour les aider à reconquérir les territoires, via des collaborations et des appels d’offres auxquels participe le CEA.

« Au sein de l’Ambassade, nous avons apporté et continuons à apporter notre concours aux industriels nucléaires français pour soutenir le développement de leurs activités au Japon. Nous faisons aussi le lien entre les équipes opérationnelles du CEA et les institutions japonaises, pour répondre au mieux aux besoins », précise Fabienne Delage. « Un exemple ? Le ministère de l’environnement japonais est fortement intéressé par les perspectives apportées par le projet Demeterres (2013-2020) qui consiste notamment à valoriser les sols faiblement contaminés en utilisant des végétaux. Ce projet a notamment permis de développer des plantes modifiées génétiquement capables de pousser sans absorber le césium, principal polluant radioactif dans les sols. Aujourd’hui des communes autour de Fukushima sont favorables à la mise en place de filières agroindustrielles pour la culture de telles plantes. Un moyen de revaloriser ces terres. »


Un gigantesque chantier
de démantèlement

Bâtiment du réacteur 3 de la centrale de Fukushima Daiichi, après l’accident et aujourd’hui, après travaux. © TEPCO
Bâtiment du réacteur 3 de la centrale de Fukushima Daiichi, après l’accident (en haut), et aujourd’hui, après travaux (en bas). © TEPCO



Bâtiment du réacteur 4 de la centrale de Fukushima Daiichi, après l’accident et aujourd’hui, après travaux. © TEPCO
Bâtiment du réacteur 4 de la centrale de Fukushima Daiichi, après l’accident (en haut), et aujourd’hui, après travaux (en bas). © TEPCO

Depuis 10 ans, les Japonais ont œuvré à décontaminer les zones dites « non nucléaires » de la centrale, telles que les installations de contrôle, les hangars de stockage, les bureaux… Ces infrastructures sont en cours de déconstruction.

 « Un immense travail a été entrepris depuis 2011 pour diminuer la radioactivité du site. Sur les 350 hectares de la centrale de Fukushima Daiichi, 96 % sont aujourd’hui accessibles en vêtements civils. Les zones dont les accès sont limités, qui requièrent le port d’équipements de protection individuelle et dont les accès sont limités concernent la proche périphérie des 4 réacteurs endommagés ainsi que quelques secteurs localisés », souligne Fabienne Delage.



 C’est d’ailleurs très impressionnant, lorsqu’on est
sur site de voir concrètement l’ampleur des travaux effectués.

A l’automne 2020, j’ai pu m’approcher à environ 100 m du réacteur 1, sans protection particulière. Ça marque les esprits. Et en même temps, on est devant la réalité et la complexité des prochaines décennies : extraire des installations très endommagées les 880 tonnes de combustible massivement fondu et fortement irradiant dans l’ensemble des 3 réacteurs. Ce travail colossal qui pourrait durer 30 à 40 ans pose la question de la gestion cohérente et proportionnée des déchets radioactifs de Fukushima. C’est un enjeu majeur pour l’ensemble des acteurs japonais : la population bien sûr, mais également les industriels, autorités réglementaires, pouvoirs publics. Les Japonais peuvent compter sur le concours de la France pour les accompagner dans leurs choix.
 »

Le nucléaire au Japon 10 ans après Fukushima

Avant l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi, environ 30 % de l’énergie électrique était d’origine nucléaire. A la suite de l’accident, l’ensemble des 54 réacteurs du parc nucléaire japonais a été arrêté et le redémarrage des réacteurs est soumis à l’approbation d’une nouvelle instance de sûreté japonaise (NRA).

Le Japon redémarre alors des centrales de productions thermiques (fioul, gaz, charbon), et sensibilise les populations à la sobriété énergétique : réduction du fonctionnement des climatiseurs pendant l’été, dans les bureaux ; adaptation des tenues vestimentaires dans les entreprises…


Dix ans après Fukushima, devant l’urgence climatique, le Japon s’engage en faveur d’une société zéro carbone à l’horizon 2050 et prévoit un mix énergétique composé de :

  • 50 % d’énergies renouvelables,
  • 40 % d’énergie thermique (avec séquestration du carbone) et nucléaire, sans préciser la part de chacune,
  • 10 % pour la filière hydrogène.

Aujourd’hui, 16 réacteurs sur les 30 potentiellement opérables ont fait l’objet de dépôts de dossiers de demande de redémarrage auprès de la NRA et 9 réacteurs ont été autorisés à redémarrer. 4 réacteurs sont actuellement en fonctionnement, produisant 6 à 7 % d’électricité d’origine nucléaire.
24 réacteurs sont définitivement arrêtés et en attente de démantèlement.
3 chantiers de construction initiés avant 2011 sont en attente de poursuite.

A noter qu’une fois le dossier de remise aux normes post-Fukushima validé par la NRA, l’opérateur doit encore obtenir le feu vert des autorités locales pour reprendre l’exploitation de la tranche concernée.


Données issues de l'Ambassade de France au Japon d'après source du METI.