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Atrophie multisystématisée : sur les pas des marqueurs épigénétiques



Dans une étude publiée dans Acta Neuropathologica Communications, le LEE (CNRGH/CEA-Jacob) en collaboration avec le LRSN (Hôpital Universitaire Bispebjerg-Frederiksberg de Copenhague) a caractérisé les profils de méthylation de l’ADN de patients atteints d’atrophie multisystématisée (AMS). Ces travaux présentent un lien épigénétique sur lequel s’appuie l’hypothèse d’une réponse neuro-immune active chez ces patients, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques et une meilleure compréhension de la maladie.

Publié le 17 juin 2020

L'atrophie multisystématisée (AMS) est une maladie neurodégénérative sporadique dont l'issue est fatale. Elle est due à la perte progressive de neurones dans plusieurs zones du cerveau. Parallèlement aux symptômes pseudo-parkinsoniens observés, l'AMS est caractérisée par une association variable d'autres troubles résultant d'un dysfonctionnement des voies motrices centrales (dans le cerveau et la moelle épinière), du cervelet et du système nerveux végétatif (autonome). Aucun traitement curatif n'est disponible. À ce jour, les causes et les processus moléculaires régulant le développement de cette pathologie sont encore inconnus.

Dans l'étude dirigée par le Laboratoire d'Épigénétique et d'Environnement (LEE/CNRGH) en collaboration avec le Laboratoire de Recherche en Stéréologie et Neurosciences (LRSN) de l'hôpital Universitaire Bispebjerg-Frederiksberg (Danemark), les chercheurs ont analysé les profils de méthylation de l'ADN d'échantillons de cerveaux de patients atteints d'AMS en comparaison à ceux de témoins sains.

Ces travaux, publiés dans Acta Neuropathologica Communications, ont permis d'étudier plus spécifiquement au niveau de la région du cortex préfrontal deux marqueurs épigénétiques, connus pour être impliqués dans un large panel de fonctions biologiques, la 5-méthylcytosine (5mC) et la 5-hydroxyméthylcytosine (5hmC), et ce dans tout le génome.

La méthylation de l'ADN, processus épigénétique1, consiste à une modification chimique post-réplicative ciblant les résidus cytosines dans des sites dinucléotidiques palindromiques 5'-CG-3', appelés dinucléotides CpG. Chez les mammifères, le groupement méthyle est transféré sur la position 5 du cycle pyrimidique de la cytosine, créant une nouvelle base nucléique, la 5- méthylcytosine (5mC). Quant à la 5-hydroxyméthylcytosine (5hmC), elle est dérivée de la 5mC par oxydation du groupement 5-méthyle.

Ces bases modifiées, marqueurs épigénétiques, sont présentes dans différentes régions du génome (comme les régions promotrices), et jouent un rôle important dans l'expression des gènes associés. Des études ont montré une large présence de la 5hmC dans le cerveau ainsi qu'un lien avec le développement de certaines maladies neurologiques. Plus récemment, des chercheurs ont également montré une différence dans les taux d'expression de la 5mC et de la 5hmC dans des zones localisées de cerveaux de patients atteints de l'AMS mais sans que la corrélation profil de méthylation/fonction biologique/phénotype n'ait été réalisée.

C'est dans ce cadre que les chercheurs du LEE, en collaboration avec le LRSN, ont procédé à une étude d'association à l'échelle de l'épigénome permettant de quantifier les profils de méthylation et d'hydroxyméthylation de l'ADN dans des échantillons de cerveaux de 41 patients atteints d'ASM en comparaison à 37 témoins sains. Plus de 850 000 sites de méthylation CpG ont été analysées à l'échelle nucléotidique via l'utilisation de sondes spécifiques des bases 5mC et 5hmC.

Cinq sondes 5mC ont été identifiées dont une ciblant le gène AREL1, gène codant pour une protéine impliquée dans l'ubiquitination et la présentation de l'antigène. Une diminution notable a été quantifiée dans les échantillons des patients atteints par l'AMS. Cette diminution a été corrélée à une augmentation des niveaux d'expression de la 5hmC.

De plus, l'analyse transcriptomique de ces échantillons a présenté des changements dans le profil d'expression des ARN codant pour les gènes AREL1 et HLA, impliquant ainsi une modulation potentielle du système immunitaire. Des modules fonctionnels de méthylation de l'ADN liés aux processus inflammatoires ont également été identifiés.

Ces résultats soutiennent l'hypothèse d'une réponse neuro-immune active dans le cerveau des patients atteints d'AMS. Les modifications épigénétiques étant réversibles, la compréhension des mécanismes régissant leur régulation ouvre potentiellement la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Cette étude sera poursuivie par le LEE dans le cadre d'un projet européen sur les maladies rares financé par ERANET.

1 : Par définition, les modifications épigénétiques constituent des changements dans l'expression des gènes causés par des mécanismes qui n'affectent pas la séquences de l'ADN et qui sont transmissibles à la descendance. Elles sont héritables lors des divisions cellulaires, et peuvent ainsi régir le destin d'une cellule.


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