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Une nouvelle signature moléculaire pour mieux identifier les patients radiosensibles


Une étude co-pilotée par des chercheurs du LGRK (IRCM/CEA-Jacob) et du LBTI (Université Claude Bernard Lyon 1) et menée sur des cellules de patients ayant développé des effets secondaires sévères suite à une radiothérapie, a permis l'identification d'une nouvelle signature moléculaire de la radiosensibilité des tissus sains. Ces résultats, publiés dans Frontiers in Oncology,  montrent pour la première fois que le gène NFATC2 contribue à la réponse cellulaire aux rayonnements ionisants et à la radiorésistance, ouvrant la voie à l'étude des mécanismes impliqués.

Publié le 3 février 2021

La radiosensibilité est la sensibilité relative des cellules, des tissus, des organes et des organismes aux effets nocifs des radiations ionisantes. Au niveau cellulaire, la sensibilité aux rayonnements ionisants est notamment évaluée par le taux de mort immédiate ou différée dans les cultures de cellules irradiées et par la capacité des cellules à réparer les dommages causés à l'ADN. Au niveau de l'organisme, les individus radiosensibles sont ceux qui développent des lésions sévères dans les tissus irradiés alors que la même dose délivrée à la majorité de la population ne provoque pas d'effet ou seulement des effets légers et transitoires.

Bien qu'il soit estimé que 5 à 15 % des patients soumis à une radiothérapie présentent des effets secondaires graves dans les tissus non cancéreux, les mécanismes moléculaires impliqués sont encore mal connus, et les liens entre la radiosensibilité cellulaire et tissulaire sont encore débattus.

Dans une nouvelle étude publiée dans Frontiers in Oncology, des chercheurs du Laboratoire de Génomique et Radiobiologie de la Kératinopoïèse (IRCM) en collaboration avec l'équipe SKIN du Laboratoire de Biologie tissulaire et Ingénierie Thérapeutique (UMR 5305 – Université Claude Bernard) ont étudié les fibroblastes1 de peau obtenus d'une cohorte de patients ayant développé des effets secondaires sévères dans divers tissus, dont la peau, après un traitement antitumoral par radiothérapie (RT). Cette étude avait pour but de caractériser le lien entre radiosensibilité cellulaire et susceptibilité individuelle (pour chaque patient) et d'identifier de nouveaux mécanismes moléculaires impliqués lors la réponse cellulaire aux radiations ionisantes.

Dans un premier temps, ils ont observé que les fibroblastes de patients (fibroblastes-RT) présentant des effets secondaires sévères étaient plus sensibles à la toxicité des rayonnements ionisants que les fibroblastes d'individus témoins. Cela s'est traduit par une mort cellulaire plus importante des fibroblastes-RT, notamment liée à de profonds défauts de réparation des dommages à l'ADN. Ces résultats confortent les liens existant entre la radiosensibilité cellulaire, tissulaire et clinique.

Au niveau moléculaire, l'analyse du transcriptome2 des fibroblastes-RT par rapport aux fibroblastes témoins a permis d'identifier 540 gènes dont l'expression était dérégulée chez les patients radiosensibles. Parmi ces gènes, les chercheurs se sont intéressés plus spécifiquement au gène NFATC2 qui code un facteur de transcription initialement décrit dans l'activation des cellules T3. NFATC2 a été associé à de nombreuses fonctions cellulaires, et notamment à la régulation de l'apoptose et du cycle cellulaire, mais son rôle dans la radiosensibilité n'était pas décrit. Les fibroblastes-RT présentent une expression génique et protéique de NFATC2 très faible par rapport aux fibroblastes témoins. L'exploration du profil de méthylation du gène NFATC2 a montré une hyperméthylation de régions régulatrices dans la séquence codante du gène dans les fibroblastes-RT, pouvant participer à sa faible expression.

Pour comprendre le rôle de NFATC2 dans la radiosensibilité, les chercheurs ont réprimé son expression dans des fibroblastes témoins en utilisant la technologie de l'ARN interférence. Ils ont mis en évidence une corrélation positive entre l'expression de ce gène et la survie cellulaire des fibroblastes après irradiation. Ils ont également démontré que la répression de NFATC2 entraînait des défauts de réparation de l'ADN. Ces résultats montrent pour la première fois que NFATC2 contribue à la réponse cellulaire aux rayonnements ionisants et à la radiorésistance, ouvrant la voie à l'étude des mécanismes impliqués.

 

Cette étude met en évidence l'identification d'une signature moléculaire de la sensibilité aux radiations ionisantes chez des patients présentant d'importants effets secondaires suite à une radiothérapie. Elle s'inscrit dans la quête de nouvelles stratégies cellulaires et moléculaires pour faciliter l'identification des patients radiosensibles et de mieux prédire les conséquences néfastes de l'exposition aux rayonnements ionisants dans les tissus sains.


1 : Les fibroblastes sont les cellules principales du derme et des tissus conjonctifs, dont le rôle est de protéger les tissus et organes qu'il entoure comme les muscles, les tendons et le cartilage. Ils synthétisent les macromolécules protéiques et polysaccharidiques de la matrice extracellulaire, notamment le collagène. Pouvant sécréter de nombreuses autres molécules (cytokines, facteurs de croissance, enzymes), ils jouent un rôle important dans les processus de réparation tissulaire ou dans l'entretien des réactions inflammatoires.

La fibrose, l'une des complications tardives les plus courantes de la radiothérapie, se caractérise par la conversion phénotypique des fibroblastes en myofibroblastes qui prolifèrent et sont à l'origine d'un dépôt de matrice extracellulaire pathologique. Elle peut affecter la plupart des organes, entraînant un dysfonctionnement progressif des organes.

2 : Le transcriptome est l'ensemble des ARN issus de la transcription du génome.

3 : Les cellules T ou lymphocytes T sont les cellules responsables de la réponse immunitaire à médiation cellulaire (lyse (= destruction)) des cellules infectées ou anormales.


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